Passer au contenu

IPV6, à chaque appareil son adresse

Malgré les mises en garde sur le manque d’adresses IP, le déploiement du successeur de l’IPv4 demeure étonnamment lent. L’échéance de la saturation se pose pourtant chaque jour un peu plus.

Sans adresse IP, il est impossible d’identifier un ordinateur connecté sur le réseau Internet ! Ce simple constat suffit à mesurer l’importance de l’Internet Protocol et son impact dans l’évolution du Web. Mis au point il y a plus de vingt cinq ans par des universitaires américains, l’IPv4 garantit actuellement l’adressage de plus de 4 milliards d’ordinateurs dans le monde. Mais à l’époque personne n’avait imaginé le succès planétaire que rencontrerait Internet. Une grande partie de ces adresses sont réservées et, sur le solde, une autre grande proportion a été liers résidant sur le territoire américain. La conséquence est que beaucoup d’autres pays doivent se contenter des miettes en matière d’attribution d’adresses : la Chine en compterait environ 125 millions contre près d’un milliard et demi pour les États-Unis. Le seuil d’alerte est proche, certains experts estimant que d’ici 2011, la Chine sera parvenue à saturation…Le problème est d’actualité, d’autant que l’évolution du Web passe par l’interconnexion d’un nombre croissant d’appareils communicants. Et c’est plus qu’une tendance : l’internaute doit aujourd’hui pouvoir accéder à l’ensemble de ses données personnelles et communiquer à tout moment et en tout lieu (bureau, domicile, transports, etc.). Résultat, les points d’entrée au réseau des réseaux se multiplient, les usages aussi (TV numérique, réseaux sociaux, échanges de fichiers, VOiP, etc.). Malgré les évolutions apportées à l’IPv4, force est de constater que cette version atteint ses limites. Convaincu de la nécessité de définir de nouveaux standards, l’IETF (Internet Engineering Task Force) a, dès le milieu des années 90, approuvé l’IPv6 avec la motivation de mettre en place un système offrant une capacité d’adressage quasi illimitée.Pour y parvenir, l’IPv6 utilise des adresses plus longues que les adresses IPv4 qui se présentent le plus souvent sous la forme de quatre nombres, entre 0 et 255, séparés par des points. Les nouvelles adresses comprennent 8 groupes de 4 chiffres hexadécimaux séparés par un double point (xxxx:xxxx:xxxx:xxxx:xxxx:xxxx:xxxx:xxxx). Ce système délaisse la notation décimale pointée des adresses IPv4 au profit d’une écriture hexadécimale, autrement dit un système de numérotation en base 16 dans lequel chaque chiffre correspond à quatre bits.

À l’épreuve de la mobilité

Chaque groupe de 4 chiffres représente donc 16 bits, soit 2 octets. En IPv6, le système d’adressage est donc codé en 128 bits au lieu de 32 bits en IPv4. Notons que dans cette numérotation, les groupes de quatre 0 peuvent être remplacés par un double point. Et une adresse IPv4 peut être décrite en notation décimale pointée précédée d’un double deux points (::xxx.xxxx.xxxx.xxxx). Au final, ce système porte le nombre d’adresses disponibles à plus de 300 milliards de milliards de milliards de milliards ou plus de 660 millions de milliards d’adresses par millimètre carré de surface terrestre. De quoi fournir à chaque appareil une adresse IP.IPv6 répond ainsi aux impératifs de mobilité avec sa capacité d’adressage et l’autoconfiguration sur le réseau que l’on rejoint. Les 64 premiers bits permettent en effet l’identification de l’appareil sur le réseau, les 64 autres étant propres à l’appareil. Autre avantage, IPv6 devrait pouvoir mettre fin au système NAT (Network Adress Translation) qui permet de n’utiliser qu’une seule adresse pour les appareils situés dans un réseau local ou domestique (tous les objets communicants reliés à votre box Internet). Ce système qui pallie le manque d’adresses en IPv4 complique passablement les choses techniquement, tant pour le routage que la sécurité.Une autre avancée majeure d’IPv6 concerne la gestion des datagrammes IP, plus connus sous le nom de “ paquets de données ”. De façon imagée, le protocole IP se charge de mettre les données sous enveloppe et d’indiquer l’adresse de l’expéditeur et du destinataire. En IPv6, l’en-tête des datagrammes est considérablement simplifié puisqu’il ne contient plus que sept champs au lieu de quatorze en IPv4. Les champs supprimés concernent entre autres la fragmentation des paquets IP. Le processus de fragmentation a lieu dès lors que les paquets IP sont trop importants pour passer en une seule trame IP (un wagon en quelque sorte qui véhicule les données sur le réseau). L’IPv6 redéfinit les règles de fragmentation afin d’éviter aux routeurs de procéder à cette opération à la volée. In fine, le fait de simplifier l’en-tête des datagrammes et de limiter le recours au NAT fait que les routeurs peuvent les traiter beaucoup plus rapidement. Internet devrait donc être théoriquement plus rapide.En IPv6 comme en IPv4 se pose la question de la protection des données qui circulent sur le réseau, fonction attribuée au protocole IPSec. Évoluer vers des adresses IP fixes avec des traitements point à point (ou d’ordinateur à ordinateur) facilitera certes les choses. Mais même si le chiffrement IPsec est intégré de bout en bout, de nombreuses interrogations demeurent. Qu’en sera-t-il au niveau des pare-feux pour la protection des appareils connectés, la gestion du datagramme mais aussi le fait qu’IPsec a été conçu à l’origine pour IPv4 ?… Notons enfin que l’IPv6 s’attache aussi à la QoS (qualité de service) notamment au travers de fonctions permettant de définir la priorité de certains flux ou encore de gérer au mieux les paquets IP.Quant au déploiement de ce nouveau protocole au sein des infrastructures réseau, il semble que les opérateurs français en reculent le plus possible l’échéance pour des raisons techniques mais aussi économiques. D’autant qu’IPv4, en l’état, leur assure des revenus pour le moins confortables. En Asie où l’enjeu en matière d’adresses devient crucial, les écueils semblent moins insurmontables.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Rémi Langlet