La guerre entre Apple et la communauté du jailbreak serait-elle sur le point de prendre fin, faute de combattants ? Aussi incroyable que cela puisse paraître la scène parallèle qui a façonné les débuts de l’iPhone est en perte de vitesse. Le jailbreak, qui a apporté la possibilité de personnaliser les réglages, d’installer des applications avant l’App Store et ensuite autrement, bref d’avoir un iPhone plus libre, est moribond.
La promesse a beau être toujours aussi belle, plusieurs des plus gros sites de la scène jailbreak ont fermé leurs portes récemment. ZodTTD et MacCiti à la mi-novembre, suivis une semaine plus tard par ModMy, autre site de dépôt d’applications pour Cydia. Ce sont des pans entiers de l’offre logicielle pour appareils jailbreakés qui disparaissent ou deviennent des archives inactives.
Dans certains cas, ces « repositories » ferment pour des raisons financières. La baisse de la fréquentation et des donations ne permet plus de couvrir le coût des serveurs. Mais ces fermetures sont parfois de guerre lasse. Pourquoi ? Parce que le jailbreak n’est plus. Plusieurs grandes figures de ce mouvement spontané, comme Jay Freeman aka Saurik, créateur de Cydia, ou Nicholas Allegra, aka Comex, derrière le fameux JailbreakMe, qui « libérait » l’iPhone en visitant un site Web, ont même annoncé ou constaté sa mort. Difficile dès lors de dire le contraire mais comment en est-on arrivé là ?
La plupart des fonctions ergonomiques sont là
D’une certaine manière, à être si innovante et pourvoyeuse de bonnes idées, la scène jailbreak a creusé sa propre tombe. Le centre de commande, les widgets, les dossiers, tous ces éléments qui n’existait pas dans iPhone OS/iOS et qui nécessitaient de jailbreaker le smartphone d’Apple sont désormais livrés de série. En intégrant les meilleures idées venues du jailbreak au fil du temps, les ingénieurs de la société de Cupertino ont fini par ôter une part importante de l’intérêt de cette manipulation qui n’était pas sans contrainte par ailleurs – ne pas appliquer les dernières mises à jour par exemple tant qu’un jailbreak n’était pas trouvé, etc.
Les jailbreakers ont obligé l’iPhone à s’améliorer mais maintenant que leur reste-t-il ?
L’App Store et l’installation d’applications sans jailbreak
Sorti en juin 2007, l’iPhone n’a pas eu de magasin d’applis avant juillet 2008. Pendant cette période, le jailbreak était la seule solution pour pouvoir installer des applications autres que celles proposées nativement par Apple. On a de la peine à l’imaginer aujourd’hui, mais cette possibilité changeait tout. Ensuite, au fil du temps avec Cydia, ce fût également un bon moyen d’accéder gratuitement à une part non négligeable de l’offre applicative disponible.
Avec Cydia Impactor, Saurik permet maintenant (sous certaines réserves) d’installer des applications ne provenant pas de l’App Store assez facilement et sans avoir à jouer avec des certificats ou XCode, ce qui n’est pas des plus simples. Les utilisateurs ont donc bien moins d’intérêt à jailbreaker leur appareil.
Les progrès en sécurité
Un autre élément non négligeable de la perte de vitesse du monde du jailbreak est qu’Apple a fortement renforcé la sécurité de ses appareils. Au fil du temps aussi bien iOS que le matériel intégré dans les iPhone sont devenus plus sûrs. Il est devenu très difficile de trouver une faille et de l’exploiter afin de permettre de « libérer » le smartphone d’Apple.
De même, le principe de mise à jour « over the air », en Wi-Fi, bien plus transparent et facile à valider a nuit au jailbreak. Pas facile de développer et d’établir un écosystème stable sur des versions d’iOS contenant des failles si les mises à jour s’enchaînent plus rapidement.
Un changement de paysage
Malgré les efforts d’Apple, il existe toujours des failles dans les iPhone, l’année 2017 l’a encore prouvé. Néanmoins plusieurs facteurs ont changé le comportement des hackers qui fournissaient les portes dérobées nécessaires au jailbreak.
La montée en puissance de l’iPhone et la position d’Apple vis-à-vis de certaines demandes des autorités – qui privilégient la vie privée des utilisateurs – ont abouti à une sorte de course très rémunérative. Des entreprises payent des sommes conséquentes – un million de dollars et plus – pour des failles jusque-là inconnues et donc non corrigées qui seront ensuite revendues à des agences gouvernementales, notamment.
Les meilleurs hackers de la scène du jailbreak ont donc assez naturellement glissé vers ce monde ou sont partis travailler dans des sociétés spécialisées dans la sécurité informatique, ou parfois même chez Apple, pour des revenus confortables.
L’absence de bons combattants et le renforcement des protections d’Apple font donc que les jailbreaks publics sur les dernières versions d’iOS sont inexistants ou inaccessibles. Ainsi, iOS 11 est la première version du système d’exploitation mobile de la firme de Cupertino à ne pas avoir de jailbreak connu, Même si certains experts ont annoncé avoir trouvé des failles, aucun outil utilisable par le grand public n’a été publié.
Et pourtant, il faudrait encore ouvrir l’iPhone
Ces différents éléments ne sont évidemment pas des raisons exclusives, c’est leur interaction, leur intrication qui a amplifié leurs effets et érodé le jailbreak jusqu’à le mettre à genoux.
Espérons désormais que, sans être aiguillonné, Apple continuera à enrichir davantage son OS et peut-être à l’ouvrir plus. Sur ce point, la société de Tim Cook a encore du chemin à parcourir. Mark Mayo, senior vice-président de Firefox pour Mozilla, nous confiait ainsi il y a quelques semaines que le géant américain n’a désormais à ses yeux plus aucune raison d’empêcher les navigateurs tiers d’utiliser leurs propres technologies. On peut espérer que si Apple tarde à ouvrir certains pans de son système d’exploitation mobile, la scène du jailbreak renaîtra de ses cendres, mais difficile de ne pas avoir un doute.
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