Quelque chose d’antinomique. Il y a quelque chose de profondément antinomique dans les derniers iPhone 13. Quand on les utilise, les teste, épluche leur fiche technique. On constate qu’Apple frappe fort partout… ou presque. Dans tous les domaines importants, Apple prend la main sur la concurrence ou recolle aux meilleurs.
La finition, manifestation extérieure d’un savoir-faire incroyable, et rarement égalé, mérite à peine d’être évoquée. L’attention aux détails, l’utilisation d’un verre spécialement développé et fabriqué, le Ceramic Shield, tout pointe vers l’excellence. L’arrivée, même tardive, mais très maîtrisée d’une dalle 120 Hz, à rafraîchissement variable, démontre qu’Apple entend les remarques et améliore.
Même l’autonomie, en forte progression – sauf sur le mini -, au point de permettre à l’iPhone 13 Pro Max de s’imposer au sommet, est le fruit d’un travail soutenu entrepris avec l’iPhone 11. On ne parlera pas de l’A15 Bionic, qui est une réussite magistrale et qui prouve qu’Apple creuse avec talent le sillon de son indépendance matérielle.
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Un manque de liberté… objectif
En revanche reste un domaine où on arrive à douter du fait qu’Apple observe la concurrence. C’est évidemment du côté de la photo, un axe majeur des smartphones et de la communication de l’entreprise de Cupertino. Un point où le géant américain pourrait jouer à plein de l’intégration entre logiciel et matériel, que ce soit au niveau de son SoC ou des appareils photos choisis. Les nouveautés d’usages – Styles photographiques et Mode cinématique – en sont d’ailleurs une manifestation.
Quoi qu’il en soit, là où on peut pardonner que les iPhone 13 et 13 mini n’aient pas d’écran 120 Hz, pour créer un effet de gamme, il est très difficile de considérer qu’un double module photographique soit digne d’un haut de gamme en 2021. D’autant plus quand cela permet à Apple de justifier en définitive une partition un rien trop prudente sur le très haut de gamme, avec un triple module photographique et un classique capteur 12 Mpixels – eh oui, on a en mémoire les progrès matériels et logiciels de cette année. On ne dit pas qu’Apple n’innove et n’améliore pas, on dit juste que l’écart avec la concurrence se creuse.
D’autant que les trois modules caméras qu’embarque l’iPhone 13 Pro, définissent le potentiel photographique remis entre nos mains. Un ultra grand-angle, qui s’ouvre étonnamment à la macro, un grand-angle et un téléobjectif, qui n’est pas vraiment un zoom surpuissant. Il passe de 52 (ou 65 mm) à 77 mm. Un progrès, oui, mais finalement une focale un peu bâtarde. Une focale qui produit une sorte de frustration à l’usage. Plutôt agréable pour les portraits, elle n’offre pas le grossissement suffisant pour vraiment recadrer au loin. Apple voit trop court.
Et comment ne pas être frustré quand on sait que certains smartphones de référence sous Android offrent un équivalent 150, voire 240 mm ? La solution serait soit de remplacer cette focale intermédiaire, soit de la conserver pour une montée en puissance progressive vers un quatrième module. L’éternel rival, Samsung l’a fait avec son Galaxy S21 Ultra, après tout.
Peut-être est-il temps qu’Apple suive cette voie et revoie son offre. Car, en définitive, au-delà de la question technologique, ce sont les outils qu’Apple offre aux utilisateurs, aux photographes qui se trouvent limités. Or la liberté procède de la technique. Les utilisateurs d’iPhone sont donc moins libres de créer qu’avec les meilleurs smartphones Android en photo.
Il est temps d’abandonner l’aquarelle
De même, Samsung, ou encore Huawei ont franchi depuis longtemps un autre cap qu’Apple ne semble pas vouloir considérer, celui de capteur mieux défini (grâce à des technos comme le pixel binning). Apple conserve le capteur de 12 Mpixels, et ses utilisateurs en paient le prix, sans parfois s’en rendre compte.
Il suffit d’agrandir un peu une image, ou de vouloir l’imprimer, et on constate qu’Apple continue de nous servir les mêmes aplats de couleur, le même manque de piqué et de modelé.
Certes, les couleurs sont très justes et l’exposition excellente, mais comment accepter que le géant américain n’offre pas le meilleur de ce qui existe ? Comment être d’accord avec le fait que les clichés ne soient pas exploitables comme on le voudrait ? Comment envisager que depuis plusieurs années maintenant, Apple se permette encore d’avancer à petits pas alors qu’il est distancé, dans les faits, pour la partie photo ?
Qu’Apple crée de la frustration n’est paradoxalement pas rare, et cela arrive parfois quand on innove ou force une transition – souvenez-vous du passage aux ports USB-C sans alternative sur les MacBook Pro. Mais, ici, la frustration tient davantage à un immobilisme, ou en tout cas à une impression approchante due au fait que les concurrents avancent vite.
On sait que le géant de Cupertino bouge parfois par bloc, peut-être est-ce donc une question de patience ? Ou alors, prépare-t-il une autre voie, mais au vu de la domination actuelle, il va falloir frapper vite et fort.
Quoi qu’il en soit, Apple doit revoir sa proposition, à défaut de revoir ses ambitions. En l’état actuel, on aimerait voir arriver trois modules photo pour les futurs iPhone 14 (et un éventuel 14 mini), et quatre pour leurs pendants Pro, avec des capteurs plus grands.
Avec de telles cartes en main, on pourrait alors parler de ruissellement technologique dans la gamme, et pas de goutte à goutte. On pourrait parler d’une gamme construite depuis le haut, et non depuis le bas. De fait, on entendrait mieux le discours d’Apple sur l’innovation et sur la photo, enjeu de première importance – surtout si on y ajoute une once de photographie computationnelle.
Apple pourrait alors faire jeu égal avec ses adversaires chinois et coréens, ou mieux reprendre la main. Nous y gagnerions. Ce qui n’est plus le cas depuis des années et les fans de l’expérience iPhone qui aiment faire de la photo sont comme prisonniers de cet état de fait. D’une certaine manière, cela fait des années qu’Apple n’est plus à la hauteur d’Apple. Il est temps que cela change.
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