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iPad : la longue quête d’Apple pour faire oublier le PC

Lancé en mars 2010, le premier iPad a connu un succès foudroyant avant… la chute. Ces dernières années, Apple s’est penché à nouveau sur sa tablette pour la repenser et repartir à l’assaut d’un marché qui demande autant à être convaincu que conquis.

Souvenez-vous. Oui, ce ne sera pas facile, mais souvenez-vous quand l’ordinateur était roi… En 2007, le petit monde du PC est pris d’une douce frénésie. 271,2 millions d’unités sont écoulées, soit une progression de 13,4 % par rapport à l’année précédente. Euphoriques, les fabricants de PC viennent de lâcher sur le monde leur vision du futur : les Netbook, de petits ordinateurs portables peu puissants, peu pratiques à utiliser, dotés de mauvaises dalles, mais très abordables.

C’est la ruée !  Les volumes sont énormes, les fabricants prennent position sur la ligne de départ de ce nouvel El Dorado. L’Enfer est pavé de bonnes intentions et la route qui y mène aussi. Un peu plus de dix ans plus tard, cette passade destructrice de valeur pourrait être jugée en partie responsable du désamour pour les PC.

Quoi qu’il en soit, en 2007, alors que le PC triomphe, Apple ne croit pas à ce format. Il introduit une première rupture, l’iPhone, en attendant que les utilisateurs soient prêts pour un projet sur lequel ses équipes travaillent depuis plus longtemps, une tablette tactile, sans clavier. Ses dirigeants le répète à l’envi, l’iPad est la vision la plus précise du futur du PC pour Apple.

Une rafale jusqu’à l’essoufflement

A partir du 3 avril 2010, alors que l’iPhone commence à prendre de la vitesse, Apple met sur le marché son premier iPad et annonce fièrement l’An I de l’ère Post PC. C’est un engouement immédiat.

Les ventes de la tablette croissent bien plus vite que celles de l’iPhone – il faut dire que le smartphone a bien préparé le terrain. Il a fait croire qu’une interface mobile et intégralement tactile (donc adaptable aux usages) est la solution ultime.

Apple va au départ suivre un rythme de stakhanoviste pour ses mises à jour, calquant le rythme des iPad sur celui de son smartphone, avec une itération par an, pas forcément pour le meilleur.

Mars 2011 pour l’iPad 2.
Mars 2012 pour le nouvel iPad.
Novembre 2012 pour l’iPad 4, premier à proposer un port Lightning.
Novembre 2013 pour l’iPad Air.
Octobre 2014 pour l’une des tablettes les plus vendues d’Apple, l’iPad Air 2.

Le succès de l’iPad Air 2 cache quelque chose :  il est resté pendant presque deux ans et demi sans successeur. Pourquoi ? Parce qu’alors que les ventes de tablettes  fléchissent, il n’est pas question pour Apple de seulement concevoir et produire une nouvelle tablette, mais de reconstruire complètement sa gamme.

Avec le recul, on peut dire que ce désamour pour les tablettes en général et l’iPad en particulier tient certainement à un point. A chaque nouvel iPad, Apple améliorait la configuration et l’ergonomie sans répondre ou trancher une question toute bête : celle de l’usage. Autrement dit, l’iPad est-il un appareil de consultation ou de création de contenu ? Un terminal pour les petites tâches du quotidien ou un outil de production ? Une question centrale.

iPad Pro Smart Keyboard.jpg

Refonder le post-PC

Si Apple ne sort pas de nouvel iPad 9,7 pouces en 2015, c’est pour marquer une rupture. Le message n’en est que plus clair. En novembre de cette année, la société californienne n’introduit pas un iPad Air 3 mais lance l’iPad Pro 12,9 pouces. Une tablette très grand format accompagnée d’un clavier auto-alimenté branché via une nouvelle connectique, le Smart Connector, et d’un stylet, l’Apple Pencil, prévu pour le dessin ou la prise de note.

Pour ceux qui ont besoin des sous-titres : l’iPad devient officiellement – au moins dans le discours d’Apple – un outil de production, capable de remplacer les PC ultraportables pour certaines tâches du quotidien professionnel.

Afin d’enfoncer le clou, cette mouture de grande taille est suivie un peu moins de six mois plus tard, en mars 2016 par un modèle Pro décliné dans le format classique de 9,7 pouces.

Fait exprès, ces deux tablettes qui veulent avoir tous les atours d’un ordinateur portable à écran tactile sans en être un tournent sous iOS 9. C’est la première version du système d’exploitation mobile d’Apple à embarquer un “vrai” mode multitâche avec la possibilité de scinder l’écran en deux pour utiliser deux applications côte à côte.

Une gamme enfin équilibrée

En quelques mois, à partir de novembre 2015 et mars 2016, Apple repositionne complètement ses produits. Il complète ainsi un mouvement initié dès 2014 et les premiers partenariats signés avec IBM pour donner une orientation plus professionnelle à la tablette. L’année 2017 vient parachever cette mutation en deux temps.

Première étape, la sortie en mars de l’iPad (tout court) qui est la première tablette de 9,7 pouces de la marque à être vendue à (environ) 400 euros lors de son lancement. Incompatible avec l’Apple Pencil, privée de Smart Connector (et donc de Smart Keyboard), cette tablette est conçue pour être un terminal de consultation.

Seconde étape, l’arrivée en juin 2017 de deux nouveaux iPad Pro. Un iPad 12,9 pouces et un 10,5 pouces, nouveau format aux bordures plus fines. Un bon moyen de bien distinguer les iPad “grand format” des iPad classiques. On oublie volontairement l’iPad mini dont la pertinence semble de plus en plus faible au fur et à mesure que l’écran de l’iPhone grandit.

La gamme des tablettes d’Apple est désormais plus logique, construite. Chacun à son rôle, chacun à sa place. On pourrait envisager un iPad encore plus d’entrée de gamme pour composer une offre grand public à deux étages. Mais comment différencier les modèles pour rendre leur existence pertinente ?

L'iPad 2018 est pensée pour le monde de l'éducation, mais aussi pour Monsieur et Madame Tout-le-monde.
Apple

Un iPad pour l’éducation

Aux Etats-Unis, Apple a longtemps été un géant de ce secteur, mais depuis plusieurs années, il est violemment chahuté par Google. Ainsi, en 2014, avec les périphériques iOS, Apple représentait 26% de parts de marché pour les équipements mobiles vendus dans le milieu de l’éducation, tandis que Google s’octroyait déjà 38% et Microsoft 25%. Deux ans plus tard, en 2016, la part d’Apple avait chuté à 14%, celle de Microsoft stagnait à 22% tandis que celle de Google et de son Chrome OS explosait littéralement à 58% (source: Future Source Consulting).

Depuis hier, Apple est reparti en conquête avec un nouvel iPad – plus puissant, compatible avec l’Apple Pencil et surtout encore moins cher. Il est ainsi vendu à partir de 329 dollars (359 euros) et peut voir son prix baisser à 299 dollars aux Etats-Unis pour les écoles. C’est en réalité surtout toute une suite d’applications et de services qui en font une tablette pour le milieu éducatif, pas le matériel. Ce qui explique d’ailleurs que cet iPad remplace aussi le modèle sorti l’année dernière.

En misant clairement sur un prix bas, le support du stylet et des services dédiés, Apple souhaite repartir à la conquête d’un secteur tout entier… et un peu plus.

Préparer un monde où le PC n’existe pas

Depuis plusieurs années, Apple semble hésiter entre iPad et Mac. Lequel mettre le plus en avant ? Une hésitation qui a abouti à une offre de portables un peu bancale et à des iPad dont la gamme a dû être restructurée.

En attendant de voir comment se positionne un futur éventuel MacBook Air d’entrée de gamme, on pourrait se prendre à penser qu’Apple a décidé de ne pas trancher franchement et de plutôt laisser le temps faire son oeuvre… et donner l’avantage à l’iPad. Il propose aux utilisateurs de demain un monde où le PC n’existe plus. 

Avec un nouvel iOS en préparation et avec une nouvelle tablette qui pourrait être le premier point de contact potentiel de toute une génération d’écoliers américains avec “l’informatique personnelle”, il est bien possible que le Post-PC n’ait plus de sens. De fait, dans ce monde bientôt réel et en tout cas rêvé par Apple, le PC a disparu. Pas pour tout le monde, évidemment, mais pour les plus jeunes en tout cas. 

https://www.youtube.com/watch?v=sQB2NjhJHvY

Un message exprimé sans détour dans un des derniers spots publicitaires vantant les iPad. Une jeune adolescente travaille sur son iPad Pro, dans son jardin, comme s’il s’agissait d’un PC portable. Sa voisine, une adulte, la voit, l’interpelle et lui demande ce qu’elle fait sur son ordinateur. Et la petite de répondre : “C’est quoi un ordinateur ?”. Le message est clair : l’iPad Pro n’est pas un PC… mais il le remplace.

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Pierre FONTAINE