A la fin du dernier procès qui a opposé Apple à Samsung, le premier juré s’est interrogé : pourquoi la firme de Cupertino attaquait-elle le coréen et pas Google, qui se trouvait être le responsable de biens de problèmes soulevés ?
Si la société de Tim Cook ne porte pas le fer en justice contre Google, c’est peut-être parce qu’elle semble décidée à le faire sur le terrain. Une impression en tout cas assez forte et partagée, après la keynote qui a ouvert la conférence de ses développeurs hier, lundi 2 juin, à San Francisco. Avec son nouveau système d’exploitation qui sortira à l’automne prochain, avec les nouveaux iPhone a priori, Apple semble en effet se mettre en branle pour contrer Android.
Aller sur le terrain de la recherche
S’il est un domaine où Google règne en maître, c’est bien celui de la recherche d’informations. Depuis son arrivée dans iOS 3, en 2009, Spotlight permettait de mener des recherches sur son terminal iOS. Il élargit sa sphère d’influence en proposant des réponses à des recherches provenant de Wikipedia, de Plans, de fils d’informations, des différents Stores de l’iPhone, etc.
Une étape supplémentaire, là où jusqu’à présent Spotlight proposait à l’utilisateur de lancer une recherche sur le Web si le résultat proposé ne lui convenait pas. Pour autant, pour ces innovations, Apple n’a pas inventé la roue. Il s’est largement inspiré d’applications qui existent dans son écosystème. C’est ce que nous faisaient remarquer trois développeurs rencontrés à la fin de la keynote : « Spotlight, c’est Alfred à 100 % ou Launchbar, et il y en a d’autres. », nous expliquaient-ils, tout en reconnaissant que ce progrès est bienvenu.
Siri est Ok, il est in, il est bath…
Par ailleurs, comme un clin d’œil supplémentaire à Android, il est désormais possible de lancer Siri en l’interpelant, sans appuyer sur le fameux bouton Home de son iDevice. On connaissait déjà « OK Google », on aura désormais « Hey Siri ». Par ailleurs, l’assistant personnel d’iOS pour avoir du répondant face à Google Search s’est associé avec Shazam pour reconnaître les morceaux que vous entendez.
Outre le fait qu’il sera désormais capable de procéder à des achats pour vous sur les Store maison, Siri affichera aussi au fur et à mesure ce que vous lui dites… ou en tout cas ce qu’il comprend. Cela permettra de voir s’il se fourvoie. Et une fois encore, Google Search n’est pas loin.
Dans le cadre du Home Kit, soit la domotique selon Apple, Siri sera également capable de vérifier si toutes les portes sont bien verrouillées et les lampes éteintes quand on lui souhaite bonne nuit… Et là, pour l’instant, Android n’a rien à répondre.
Un début de système de fichiers
Les amateurs de l’OS de Google se moquent régulièrement d’iOS et de son absence de système de fichiers. Avec iCloud Drive, Apple vient de faire un pas de géant dans ce domaine. Il adopte une démarche proche de ce que fait Dropbox – ou la plupart des acteurs du Cloud, d’ailleurs – en permettant de gérer des fichiers provenant d’applications Apple ou tierces et d’y accéder dans des répertoires du Finder. Et, cloud oblige, cette fonction est disponible sur iOS, Mac OS X et même Windows.
Un clavier plus performant et la possibilité du choix?
Les utilisateurs d’iOS qui vont de temps à autres batifoler sur Android savent que la frappe prédictive de l’OS de Google représente un sacré gain de temps une fois qu’on l’a adoptée. On commence à taper quelques lettres et ce sont plusieurs propositions de mots qui s’affichent. On choisit alors celui qu’on veut. C’est ce qu’offrira par défaut le clavier QuickType d’iOS 8.
Mais, alors qu’Apple prônait jusqu’à présent une expérience unifiée pour tous les utilisateurs, il introduira la possibilité d’installer des claviers tiers. Des solutions comme SwiftKey ne devraient pas tarder à arriver sous iOS offrant le meilleur de ce que peut proposer une concurrence ouverte.
Une once de personnalisation et d’ouverture
Jusqu’à présent iOS a été jugé trop figé, les choses devraient changer maintenant, car Apple a renouvelé son amour pour les Widgets, rois déchus d’un Dahsboard mésestimé sur Mac OS. Avec iOS 8, il sera possible d’installer des widgets dans le centre de notification. Cela permettra ainsi d’avoir les résultats de son club de sport préféré, de suivre les enchères sur lesquelles on a misés sur eBay, etc. Cette ouverture s’inscrit dans un projet « d’extensibilité », qui permettra de multiplier notamment les méthodes de partage d’informations. Il sera ainsi possible d’ajouter des extensions à Safari pour poster une image sur Pinterest, par exemple.
De même il sera possible que des applications tierces interagissent avec les contenus et les applications Apple qui les gèrent. Une grande première, qui laisse entrapercevoir de meilleures interactions et un enrichissement de l’écosystème iOS. Une réponse également à des demandes de développeurs depuis des années. Et aussi et surtout un grand pas en avant qui témoigne, comme nous le faisait remarquer un développeur qu’Apple « assume le fait qu’il n’y ait pas qu’eux comme fabricant. » C’est presque historique !
La fin de la guerre des SMS
Après des mois, voire des années de problème, Apple reconnaissait récemment que les personnes qui avaient quitté la sphère iOS pour passer sous Android pouvaient ne plus recevoir certains messages associés à iMessage.
A l’avenir, la question pourrait ne plus se poser et ne plus nuire à la popularité importante de l’application Messages. Les messages verts, envoyés et reçus par SMS, seront gérés comme les messages iMessage et pourront se retrouver sur tous les périphériques Apple.
Mais, l’application de messagerie d’iOS 8 se dote également de fonctionnalité audio et vidéo. L’utilisateur choisit d’envoyer un message vocal en appuyant sur un simple bouton, ou une petite vidéo, s’il le préfère. Ces nouveaux types de messages pourront être éphémères, un peu à la manière d’un Snapchat, si on tire la comparaison à l’extrême.
Le nouveau Messages offrira en tout cas la possibilité de partager avec ses contacts sa localisation temporairement ou selon d’autres critères que le temps.
Enfin pour ceux qui règlent leur week-end entre amis via SMS/iMessage, les conversations les plus envahissantes pourront être mise sous silence, via un dérivé de la fonction Ne pas déranger. Ceux qui n’en peuvent plus auront même le choix de s’exclure de ces échanges.
Famille nombreuse…
iOS 8 introduira également la fonction Family Sharing, qui permet de partager les achats de six comptes – liés à une seule carte de crédit. Un père de famille pourra ainsi écouter le dernier album de rap que son jeune fils a acheté, la mère pourra essayer le dernier jeu acheté par sa fille, etc. Le détenteur de la carte se verra même demandé son autorisation pour les achats effectués avec sa carte. Une réponse d’Apple à la « crise » des achats intégrés aux applications. Google et Apple ont été entendus par les instances européennes. Il semblerait que la firme de Cupertino ait été la plus prompte à répondre.
Mais Family Sharing bénéficie également de certaines des fonctions réservées jusqu’à présent à l’application Localiser mes Amis. Il est ainsi possible de partager sa localisation pendant un certain temps, etc.
La santé a son centre
Avec Health et Health Kit, Apple ne s’attaque pas directement à Google, mais plutôt au projet de Samsung, dévoilé en milieu de semaine dernière. Pour l’instant, toutefois, il semble manquer beaucoup de choses pour que ce centre médical personnel, capable de prévenir votre médecin si certains résultats sont mauvais, devienne incontournable. Comme nous le disait David, un développeur américain avec qui nous avons discuté « Apple veut sortir les données de leurs silos pour permettre leur analyse et leur suivi, mais croiser des nombres de pas et un nombre de battements de cœur manque un peu d’intérêt ». Une manière implicite, il le reconnaissait, de dire que tant que l’iWatch ou l’iPhone 6 et ses nouveaux capteurs ne sont pas là, cette fonction n’est pas des plus intéressantes du point de vue de l’utilisateur final. Et même des développeurs.
Des notifications plus interactives et moins contraignantes
Apple a raccroché le wagon des notifications bien longtemps après que Google en ait fait un pilier d’Android, ce qui n’a pas empêché la société de Cupertino de dévoiler une nouvelle façon de gérer les notifications dans iOS 8. Elles apparaîtront toujours de la même manière mais répondre à un SMS qu’on vient de voir signaler par notification n’impliquera plus de quitter l’application dans laquelle on se trouvait. Un fond transparent se superpose à l’affichage avec un clavier, et le tour est joué.
Apple creuse sa voie
Mais lors de la keynote, les dirigeants d’Apple ont également beaucoup mis l’accent sur le rapprochement poussé entre leurs deux systèmes d’exploitation. Un point sur lequel Google n’a pour l’instant pas grand chose à dire. En revanche, l’autre concurrent historique d’Apple a lui une position bien claire. C’est ce que nous expliquait Raphael Sebbe, directeur général et fondateur de CreaCeed, une petite structure belge : « L’intégration entre iOS et Mac OS X, c’est un peu une réponse à Microsoft, qui dit qu’il faut un OS pour tous les appareils. Apple dit que chaque OS a ses spécificités mais qu’il faut simplifier la communication entre les différents périphériques. », résumait-il, tout en restant prudent sur la pertinence d’un rapprochement pour toutes les utilisations. « Il faut voir en pratique. Pour certaines applications se sera intéressant mais pour d’autres moins », précisait-il, lui qui pense que « quand on commence quelque chose sur un ordinateur, on le finit sur cet ordinateur ».
Or justement, que ce soit pour un mail, une session de surf ou autre chose, Apple proposera désormais grâce à Handoff de passer d’iOS 8 à Mac OS X 10.10 sans rien perdre de ce qu’on faisait, en partie grâce au cloud. Mais également grâce à AirDrop, la fonction de partage de contenu qui est désormais opérationnelle entre ordinateur sous Mac OS X et appareils sous iOS… Une manière non seulement de rattraper le retard induit par l’absence de NFC pour les partages entre périphériques mobiles mais aussi de faire mieux qu’Android sur ce point.
Un langage pour rattraper Android…
Il y a enfin un dernier point sur lequel Apple a fait un grand pas et qui pourrait lui permettre de construire un avenir solide face à la concurrence. Un domaine dont l’intérêt paraît moins évident de prime abord pour le grand public mais qui pourrait avoir des répercussions prochaines…
Ce dernier point, c’est Swift, le nouveau langage de programmation donné pour être plus rapide que l’Objective-C historique. Ce nouveau langage permettra d’intégrer du nouveau code dans une application en Objective-C et ainsi de faire cohabiter deux codes au sein d’un seul programme. Pour les développeurs, cela signifie tout simplement qu’il ne sera pas nécessaire de tout remettre à plat en une fois, mais au contraire de faire évoluer leur programme peu à peu pour qu’il soit de plus en plus performant. C’est ce que nous expliquait en tout cas Benoît Lionel, développeur travaillant également pour Creaceed. Tandis que Raphael Sebbe nous expliquait que côté langage de programmation « Apple était un peu en retard par rapport à la concurrence ». Il précisait ainsi qu’on « trouve C et C# chez Microsoft et chez Google ». Tandis qu’Objective-C permettait de faire des « choses sympas » mais qu’« il y avait une surcharge de travail du côté du développeur, il fallait gérer la mémoire soi-même » par exemple. L’arrivée de Swift, pour autant qu’il puisse en juger à l’heure actuelle, « c’est un passage dans l’air moderne ». Une évolution qui « va apporter beaucoup de choses pour la productivité et le développement des applications. Cela pourrait diviser le temps de codage par deux », notait-il avec un enthousiasme teinté de prudence. « Ca peut être un apport majeur, même s’il va falloir l’apprendre car la syntaxe a l’air très différente », concluait-il.
Un avenir en préparation
Bref, si Apple n’a pas servi ses fans du grand public avec de nouveaux produits, il ne les a pas oubliés pour autant, tout en servant également ses forces vives, les développeurs. Pour Frank Gillett, vice-président et analyste en chef de Forrester Research, cette keynote avait pour enjeu de présenter les grands changements « dans la façon dont les appareils Apple fonctionnent ensemble ». « Ce n’est pas aussi impressionnant qu’un nouvel appareil qui brille, plaisantait-il, mais c’est un changement et une amélioration notable, qui arriveront à l’automne ».
Pour autant, selon Frank Gillett, le prisme d’une opposition entre iOS et Android n’est pas forcément justifié. Tout en reconnaissant que « certaines de ces fonctions sont des fonctions de rattrapage » et que « d’autres sont vraiment compétitives et représentent un très bon moyen de se distinguer d’Android », il nous indiquait qu’Apple trace sa route, dessine son futur et d’une certaine manière reproduit et étend les modèles qui ont fait son succès. Comme l’App Store par exemple. Pour Frank Gillett, Home Kit, qui est un des projets ouverts sur le futur, est « comme une extension de l’App Store dans le monde physique. Si vous pensez à ces gagdets comme à des App-cessoires, le monde de l’App Store s’étend aux accessoires matériels ». Apple propose de servir de plate-forme centrale à ces acteurs qui n’arrivaient pas à communiquer entre eux. Il devient un intermédiaire, un référent et, si la sauce prend, un incontournable… une fois encore.
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