Dans une longue interview, particulièrement intéressante, accordée à Business Week, Tim Cook revient sur les quelque seize mois qu’il vient de passer à la tête d’Apple. Il y parle de ce qui a changé au sein du géant américain, de ce qu’il y insuffle, de ce qui n’a pas changé, des produits et du reste. Et parmi ce reste, on trouve la question de son image et de celle d’Apple.
Collaboration ou symbiose ?
Un double miroir dont le premier reflet passe, de manière surprenante, par les départs récents au cœur de sa société. Celui de Steve Forstall, qu’on présente par facilité et raccourci comme le papa d’iOS, et celui de John Browett, récemment embarqué et rapidement débarqué, qui gérait la chaîne d’Apple Store.
Pourquoi les avoir fait partir ? « La clé pour comprendre les changements auxquels vous faites références est ma croyance profonde que la collaboration est essentielle à l’innovation. […] Cela a toujours été une croyance au cœur d’Apple. Steve en était profondément convaincu. »
On appréciera au passage l’habile moyen de faire valider par son prédécesseur le départ de Scott Forstall, qui était un peu le protégé de Steve Jobs. Un protégé aux dents un peu longues et au caractère difficile. C’est ce que laissaient entendre les rumeurs et analyses des proches de Cupertino au moment de l’annonce de ces départs.
Victime d’une incapacité à collaborer, Scott Forstall ? Incapable de collaborer avec un PDG qui met en avant l’équipe et pas sa personne ? Incapable de collaborer avec un PDG qui semble chercher la symbiose complète dans ses équipes. Ou alors faut-il chercher une réponse un peu plus loin, à la toute fin de l’interview, quand Tim Cook répond à la dernière question du journaliste de Business Week : « Steve Jobs vous manque-t-il ? ». « Oui, tous les jours. Il était un ami […] et pour moi le relationnel est essentiel. Vous savez ? Je n’ai pas envie de travailler avec des gens que je n’aime pas. La vie est trop courte. Alors vous devenez amis. La vie ne nous offre que trop peu d’amis. »
Apprendre de ses erreurs et les assumer
Ainsi, Scott Forstall aurait payé non seulement le prix de son erreur mais aussi de sa personnalité. Et à mi chemin entre les deux, celui de son refus de présenter ses excuses. Car Tim Cook n’hésite pas, lui, à faire son mea culpa. Après avoir publié des excuses officielles sur le site d’Apple, en plein cœur du fiasco de Plans, dans iOS 6, le PDG d’Apple revient sur la question dans l’interview et remet les choses en perspective. « Nous n’avons pas privilégier la stratégie [abandonner Google Maps pour une solution maison pour pouvoir offrir de nouveaux services : navigation tour par tour, guide vocal, etc. NDLR] au détriment des utilisateurs. Nous nous sommes plantés. C’est un fait. »
Et c’est, semble-t-il, cette capacité à reconnaître ses erreurs en tout honnêteté qui a créé un schisme entre lui et Scott Forstall et qui l’a, en revanche, rapproché de Jonathan Ive, le vice président senior en charge du design et des interfaces, et des autres dirigeants qui se sont vu confier de nouvelles responsabilités. « La chose qui nous rapproche tous est que nous partageons des valeurs. Nous voulons faire les choses bien. Nous voulons être honnêtes et directs. Nous admettons quand nous avons tort et avons le courage de changer. » Un credo, pas si évident chez Apple.
Répartition des biens faits
On est assez loin de l’impression d’arrogance que Steve Jobs donnait souvent. Incapable de créer un champ de distorsion de la réalité, Tim Cook se dessine en humain, humble, au cœur d’une horde de talent, à l’écoute et soucieux de faire le bien. Il cite à deux reprises John F. Kennedy : « De ceux à qui il est beaucoup donné, beaucoup est attendu ». Et il ne parle pas ici seulement des dividendes. Mais aussi des contributions à des aides caritatives, de la création d’emploi – Apple va rapatrier une partie de sa production aux Etats-Unis – ou des tentatives d’améliorer les conditions de travail des ouvriers qui oeuvrent pour Apple. Sur ce sujet, il y a beaucoup à faire. Tim Cook prône l’excellence en tout et la transparence dans certains domaines. Celui de la relation avec les fournisseurs et leur façon de traiter leurs employés. « Nous avons choisi d’être incroyablement transparent sur ce sujet. J’invite tout le monde à nous copier. » On appréciera la petite pique à destination de Samsung. Et on oublierait presque qu’Apple est un terrible négociateur, qui serre les prix et impose indirectement des cadences de travail inhumaines.
Si Tim Cook n’est pas un leader charismatique, visionnaire, il semble s’atteler, dans ce qui pourrait passer pour une campagne de communication, à donner à Apple un nouveau visage. Celui d’une société qui veut rendre tout le bien qu’on lui fait. Une entreprise qui veut ne faire que le bien. « Don’t be evil » ? Le slogan pourrait être bon, s’il n’était déjà pris…
Source :
Business Week
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