Neil Hunt est entré chez Netflix en 1999. Il est responsable de l’équipe produit, qui conçoit et optimise l’expérience utilisateur des abonnés. C’est le « Monsieur algorithme » de Netflix.
01net : Netflix arrivera uniquement sur les box de Bouygues au mois de novembre. Est-ce un obstacle à votre développement en France ?
Neil Hunt : Nous sommes très enthousiastes concernant le contrat signé avec Bouygues mais jusqu’à l’année dernière, nous avons pu nous développer et atteindre 50 millions d’utilisateurs sans jamais avoir conclu aucun deal pour nous retrouver sur une box. Notre premier accord de ce type a été signé avec Virgin au Royaume-Uni l’année dernière. Parce que le but fondamental de Netflix, c’est d’offrir du contenu sur internet et de le faire via différents supports.
Il y a eu un tournant quand nous avons décidé de nous déployer sur les consoles de jeux : PS3, PS4, xbox1, Xbox 360, Wii, Wiiu, etc… La deuxième grande avancée, ça a été les télés connectées. Et aujourd’hui, les abonnés qui utilisent Netflix via les TV connectées sont beaucoup plus nombreux qu’avec les consoles. L’Apple TV et Chromecast sont également des voies très prometteuses, sans oublier bien entendu les applis mobiles.
Comment évitez-vous les problèmes de mise en mémoire tampon pour le streaming ?
Cela fait sept ans que nous travaillons d’arrache-pied sur le streaming pour que ça marche bien. On est capable d’adapter les programmes dans une douzaine de qualité différentes suivant la connexion des utilisateurs. Quand un abonné commence à visionner une vidéo, la qualité est très basse et augmente ensuite rapidement, jusqu’à la meilleure qualité que votre connexion puisse supporter. Si elle se détériore brusquement pour cause d’encombrement, nous baissons automatiquement la qualité. Le but étant de continuer à diffuser le programme sans interruption.
Est-ce vrai que vous avez prévu une bande passante de 1 térabit par seconde en France ?
J’ignore d’où vous tenez ce chiffre mais il est tout à fait crédible. Nous prévoyons de grosses brandes passantes. Nous construisons un réseau de diffusion de contenus que nous appelons « Netflix Open Connect » et rien qu’avec la box de Bouygues, nous devrons assurer des milliers de connexions simultanées. Aux Etats-Unis, nous avons conclu, dans certains cas, des accords pour nous connecter directement sur les réseaux des fournisseurs d’accès à Internet. De cette manière, on n’entre pas en compétition avec le reste du trafic internet et les activités d’autres services.
Avez-vous étudié les habitudes de consommation des Français avant le lancement ?
Cela ne fait pas assez de temps que nous sommes sur le marché français pour le faire. Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait des habitudes de consommations spécifiquement françaises. Il y a des pics d’audience à certains moments de la journée, des gens qui consomment beaucoup par mois et d’autres peu. Nous pensons que les utilisateurs de Netflix en France vont probablement regarder nos contenus de la même façon que les abonnés ailleurs dans le monde qui consomment en moyenne 20, 30 ou 40 heures par mois. Nous nous attendons aussi à ce que l’audience la plus forte ait lieu le samedi soir. Mais finalement, ça n’a aucune importance que ce soit le vendredi soir à 19h00 ou le dimanche matin à 05h00. C’est juste une question de capacité technique.
Votre système de recommandation est-il le même dans tous les pays ?
La réponse courte serait oui : c’est le même système partout. Mais il est basé sur des données locales pertinentes. Le but ici est de mettre le bon programme en face des gens. Nous avons un catalogue très, très large. Mais lors du moment de vérité, quand un utilisateur s’assoit pour choisir quelque chose à regarder, nous n’avons que quelques minutes et au mieux 50 propositions possibles pour capter son attention. Donc si nous pouvons utiliser le système de recommandation pour être plus pertinents dans ces 50 premières propositions nous augmentons les chances de le satisfaire. Ainsi les outils et la technique pour générer nos suggestions sont les mêmes partout dans le monde mais fonctionnent grâce à des données qui reposent sur vous, vos voisins, les utilisateurs français qui vont tester comme vous le service.
Pouvez-vous prendre un exemple. Que se passe-t-il si je commence par regarder « Orange is the new black », par exemple ?
La façon la plus simple pour nous, c’est de procéder à l’analyse des habitudes des millions d’utilisateurs qui ont aussi découvert Orange is the new black. Vous pouvez voir ça avec une flèche sur votre interface. « Parce que vous avez aimé “Orange is the new black”, vous aimerez probablement … » avec une série de suggestions. Si vous décidez de voir un autre programme, ça nous permet de réduire la liste des suggestions et de générer des indications plus précises. Nous avons une fonctionnalité qui s’appelle « Top Picks » en anglais où nous rassemblons les quatre derniers titres intéressants que vous avez regardés et nous cherchons les éléments similaires à ces quatre titres.
Nous sommes capables de trouver des similarités sur un temps court, les deux dernières semaines, ou sur un temps long, en remontant jusqu’à l’année précédente. Nous avons vérifié que c’était l’un des meilleurs moyens de générer des suggestions. Nous disposons d’une bonne douzaine d’outils de ce genre comme « les programmes les plus populaires sur Netflix », etc..
L’utilisateur doit-il évaluer les films pour que les recommandations soient fiables ?
A notre lancement, nous nous étions focalisés sur les algorithmes permettant de développer ce système de recommandation avec des étoiles. Mais ces étoiles ne sont comptent plus beaucoup comme critères aujourd’hui, contrairement à ce que nous pensions il y a encore quelques années. Désormais, nous nous concentrons plutôt sur l’activité de visionnage . Nous avons ainsi beaucoup de moyens efficaces de savoir si une personne apprécie ce qu’elle regarde. Si un utilisateur regarde un épisode en entier et enchaîne aussitôt sur un second, c’est le signal fort d’un enthousiasme. S’il ne regarde que 5 ou 10 minutes et qu’il abandonne et regarde peut-être autre chose, c’est le signe plutôt évident qu’il n’a pas aimé. Et nous faisons tout pour que nos abonnés n’aient pas à penser et à faire d’efforts comme répondre à des questionnaires.
On dit que 900 ingénieurs travaillent pour Netflix. Est-ce vrai ?
Oui il y a bien 900 ingénieurs en ce moment qui travaillent à Netflix. Un tiers d’entre eux travaille sur la découverte, un tiers sur les supports et la distribution du service, et environ un tiers sur l’e-commerce, la facturation et les paiements, la gestion des comptes, l’identité, la sécurité…
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