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Internet mobile : la fin des chimères

Revenus surestimés, coûts minorés… La transition vers les nouveaux réseaux de téléphonie mobile est bien mal engagée. Mais la dévaluation de l’abonné a peut-être atteint un plancher.

Octobre 1999. Mannesman veut s’offrir Orange, troisième opérateur britannique de téléphonie mobile. Le groupe allemand met sur la table 30 milliards d’euros (197 millions de francs), soit 8 500 euros (plus de 55 000 francs) l’abonné. Six mois plus tard, l’acquisition d’Orange par France Telecom se fait sur la base de 6 700 euros (44 000 francs) par abonné.Février 2001 : l’introduction au rabais sur le marché parisien valorise son portefeuille à 1 600 euros (10 500 francs) l’unité. Ce n’est pas seulement la bulle spéculative qui désenfle, c’est le mirage du net mobile qui s’évanouit !

Une euphorie cher payée

En quelques mois, la capitalisation boursière de la téléphonie européenne a fondu, de 200 à 80 milliards d’euros (de 1,3 milliard de francs à 525 millions) rien que pour France Telecom. Or, pendant que les valeurs s’allègent, les dettes s’alourdissent. Un effet de ciseaux qui fige les stratégies.Deutsche Telekom tremble pour le rachat de Voicestream, payé quelque 50,7 milliards de dollars (362 milliards de francs), pour partie en ” papier “. En effet, l’accord peut être annulé si le titre de l’acquéreur tombe durablement sous les 33 euros (216 F), et l’action DT se cueille ces jours-ci à 25-26 euros (moins de 170 francs). L’opérateur allemand, comme son frère ennemi français, se hâte d’annoncer des cessions ” d’actifs non stratégiques ” pour rassurer les marchés. D’où le désengagement en cours de l’américain Sprint. Michel Bon, à peine remis de la laborieuse introduction en Bourse d’Orange, est néanmoins soulagé.Pour son homologue d’outre-Rhin, tout reste à faire et l’accueil réservé par le marché à sa filiale T-mobile pourrait bien être tout aussi glacial. Quant au patron de British Telecom, il n’aurait plus qu’une idée en tête : se débarrasser purement et simplement de sa filiale mobile Cellnet. Après les doutes et les abandons de candidature dans la course à l’UMTS (Universal Mobile Telecommunications System, pour les mobiles de troisième génération), va-t-on assister à une remise en cause complète de la téléphonie mobile ? Les opérateurs seraient-ils las de multiplier les douches froides boursières ?Il y a encore dix-huit mois, les génies de la prospective rivalisaient d’optimisme et chacun des acteurs de la filière tâchait de démontrer combien il était bien placé pour profiter de l’aubaine ?” pardon ?” de l’abonné. Occuper ses temps morts avec les derniers buts des Bleus , en visionnant des bandes-annonces de films, ou en téléchargeant les derniers cours de la Bourse devait être aisé et bon marché.Le sempiternel ” allô, t’es où ? “ allait faire place au ” allô, tu me vois ? “, promettait Michel Bon. Du coup, les licences UMTS se sont arrachées, la note atteignant 37 milliards d’euros (243 milliards de francs) outre-Manche pour cinq licences et 50 milliards d’euros (328 milliards de francs) pour six licences en Allemagne. Des sommes auxquelles il convient d’ajouter le coût des infrastructures, pour un total de 180 milliards d’euros (1180 milliards de francs) sur dix ans, selon Schroder Salomon Smith Barney. Facture totale : 214 milliards d’euros (2 000 milliards de francs).

Perspectives mouvantes

Mais cette euphorie dispendieuse était justifiée par la promesse de juteux revenus pour les opérateurs. Estimés alors à 80 euros (525 francs) par mois et par abonné, ces revenus sont aujourd’hui sévèrement revus à la baisse. Les services UMTS à haut débit ne rapporteraient pas plus de 40 euros (262 euros) par mois et par abonné. Mais ces calculs seraient faux, et le calendrier d’installation du réseau tout aussi fantaisiste.Faute de terminaux, les premiers services à la norme UMTS, qui devaient être disponibles fin 2001, ne verront le jour qu’en 2003. Que penser d’un secteur qui engloutit des milliards d’euros bien réels dans une compétition acharnée, pour des revenus virtuels, à un horizon fuyant ? Vu ainsi, l’abonné n’amène plus guère que de pesants coûts fixes et un sérieux endettement.” On néglige tout de même la pénétration de la technologie. D’ici peu, tout le monde aura au moins un mobile “, plaide pourtant Wilfried Verstraete, le directeur financier de Wanadoo, filiale internet de France Telecom. ” Aujourd’hui, la Bourse sous-estime probablement la valeur de l’abonné. Mais plus personne n’est en mesure de dire combien le consommateur est prêt à payer, et pour quels services “, constate Carole Manero, spécialiste des télécoms à l’Institut de l’audiovisuel et des communications en Europe (Idate).Selon le scénario ” moyen ” établi par l’Idate, l’Europe devrait compter quelque 120 millions d’internautes mobiles en 2004, représentant un marché de 40 milliards de dollars (285 milliards de francs).

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Jean-Michel Cedro