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Internet, ennemi ou complice des contrefacteurs ?

Au-delà du seul manque à gagner qu’elle représente pour l’économie, la contrefaçon contribue à un certain appauvrissement de notre civilisation.

Le phénomène de la contrefaçon s’est considérablement modifié au cours des dernières années. Autrefois artisanat délictueux, il a pris, désormais, l’allure et les manières d’une véritable organisation criminelle industrielle. Jusqu’en 1995-1996, beaucoup le considéraient comme une activité marginale, limitée, localisée à un nombre restreint de pays bien identifiés. Certains en souriaient. Nous sommes aujourd’hui devant une véritable économie parallèle. Empruntant en les dénaturant, comme elle le fait pour d’autres trafics, les méthodes de vente, les techniques de fabrication, la logistique d’acheminement de l’économie licite, elle lui porte des coups de plus en plus violents en termes d’emplois, d’innovations et de croissance. Volumes de production, capitaux mobilisés, organisation manufacturée, sophistication des détournements, réactivité aux ripostes de la justice… Tout dénote la mobilisation des réseaux mafieux, et implique très probablement le blanchiment de l’argent le plus sale.Les nouvelles technologies ont-elles contribué à accélérer l’accroissement de ce dérèglement ? La réponse est complexe. Principe de base, les entreprises ont toujours intérêt à développer l’innovation et la création. L’accélération du progrès, l’intégration de la technologie, les acquis de la recherche fondamentale apportent de nouveaux produits, créent un nouveau confort, constituent de nouvelles richesses. Ces techniques peuvent même participer à la lutte des industriels contre la contrefaçon. Pour la faire reculer, elles permettent de mettre en ?”uvre les plus récentes avancées de la science appliquée, des outils de plus en plus performants, des process de plus en plus sophistiqués, que ce soit dans le domaine chimique (avec les codages ADN, les micro-cristaux) ou bien dans le domaine de l’électronique (avec les micro-puces). Garantissant une traçabilité plus fine des produits, elles offrent une sécurité finale accrue pour le consommateur. Cependant force est de reconnaître que, dans ce combat aussi, nous sommes engagés dans une quasi course-poursuite avec les contrefacteurs. Chaque jour, ils diversifient et augmentent leurs capacités à imiter nos propres innovations. Le bouclier doit se faire plus agile, plus rapide, plus imprévisible que l’épée.

Internet détourné

Chaque médaille a son revers. La technologie joue aussi contre nous, et pas seulement quand les contrefacteurs déjouent les barrières qu’elle a su créer devant leur activité. Ils en usent également à leur profit. Les entreprises s’accordent à penser que le détournement de certaines technologies de l’information, en particulier du réseau des réseaux, obère leur développement. Au-delà des atteintes portées à l’industrie du numérique elle-même, internet peut aussi constituer une menace pour les produits réels. Nombre de sites internet ne sont dédiés qu’aux imitations. Certaines adresses électroniques de ventes aux enchères ne sont que le paravent de ces trafics.La toile est ainsi devenue un canal majeur de distribution de produits contrefaits, tous secteurs confondus. À l’heure actuelle, ce sont les industries de la musique, de l’image, du logiciel qui en souffrent. Devenue pratique courante sur le net, la “piraterie culturelle” pourrait rapidement tuer la création dans les domaines que couvrent ces industries. Cela constitue d’abord un délit. Je déplore la complaisance qui veut qu’elle ne soit pas davantage dénoncée comme telle. En outre, cette piraterie “désolvabilise” certaines productions, tarit des sources d’énergie, démobilise des moyens tournés vers l’art, la science, la littérature, bref la culture et son apprentissage. La contrefaçon porte un coup sévère à l’économie. Certes. Sournoisement, elle concourt à l’appauvrissement, à la banalisation, à la standardisation de notre civilisation.* président de lunion des fabricants

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Marc-Antoine Jamet*