Les alliances se font et se défont. Prenez l’exemple d’hier soir, où le géant des semi-conducteurs Intel a annoncé un partenariat technologique de r&d ultra poussé avec IBM pour « reprendre le leadership technologique en matière de production de puces ». Porté par le nouveau PDG d’Intel Pat Gelsinger et annoncé en direct avec le patron d’IBM, Arvind Krishna, ce partenariat est un mariage de raison. « Aucune entreprise ne peut développer seule toutes les briques technologiques. La collaboration est essentielle », a expliqué Mr Krishna.
Ceux qui ont de la mémoire se rappellent sans doute que les deux entreprises n’étaient pas vraiment amies à la base. Comme le rappelle cet article de l’Usine Nouvelle datant de 1994 (n°2478) qui parlait des alliances dans le domaine de la fabrication des puces : « Parce que la maîtrise de la technologie des microprocesseurs est indispensable à l’activité de leur groupe, et pour desserrer l’étau d’Intel, IBM et Motorola ont conclu une alliance stratégique, avec le développement de leur filière Power PC. »
Très réputée pour sa r&d de pointe, IBM va apporter son savoir faire à Intel non seulement pour améliorer les process de gravure, mais surtout pour permettre à Intel de conserver son avance et même accélérer sur le packaging.
Point de mise en boîte ici ! Dans le milieu de semi-conducteurs, le packaging concerne « l’assemblage » des puces à partir de blocs hétérogènes pour créer des puces plus complexes, plus compactes et moins chères à produire (lire les paragraphes de “L’avènement des “System in a Package” de notre article).
Des milliards pour rattraper le(s) retard(s)
Jadis champion de la finesse de gravure, Intel a perdu sa domination technologique dans ce domaine face au taïwanais TSMC et au coréen Samsung. C’est sans surprise : pour rester dans la course à la production de puces, il faut investir des milliards, comme le font ses deux concurrents.
Intel met donc la main au porte-monnaie, notamment avec deux usines d’Arizona, qui vont coûter la bagatelle de 20 milliards de dollars. A cela, il faut ajouter les 17 milliards dépensés entre 2019 et 2021 (en partie déjà budgétisés) sur les fabs irlandaises et israéliennes. Ainsi que deux nouvelles fabs qui seront situées « aux USA et quelque part en Europe », dont la construction sera annoncée « dans le courant de l’année », a détaillé Mr Gelsinger.
Si les chiffres sont impressionnants, il faut rappeler que les investissements d’Intel dans le domaine ont été (trop) réduits ces dernières années. Une situation qui a bénéficié notamment à TSMC qui a profité de l’occasion pour déverser des dizaines de milliards. Rien qu’en 2021, le taïwanais a annoncé au moins 28 milliards de dollars d’investissement.
Affirmant avoir renforcé son partenariat avec ASML autour de « l’usage de gravure EUV, qui a doublé chez nous ces derniers mois », Intel a sécurisé l’achat des coûteux steppers pour produire les puces de pointe. Une précision d’importance : le néerlandais ASML est à l’heure actuelle le seul concepteur de machines de gravure en ultraviolets extrêmes et ne peut produire que quelques machines par mois (une demi-douzaine au maximum).
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Jadis en compétition avec la terre entière sur tous les segments – x86 contre ARM, production internalisée et fermée aux autres, r&d internalisée –, Intel est attaqué sur tous les fronts. Rompant avec le modèle d’opposition « totale », Mr Gelsinger veut transformer le modèle de l’entreprise qui l’a fait grandir en redevenant plus agressive sur les produits (investissements, cycles de développement), tout en jouant la carte du pragmatisme économique (partages de r&d, production pour les autres, sourcing chez TSMC, etc).
Si les milliards sont les bienvenus pour réaliser cette transformation, il faudra aussi réussir à chambouler le titan en interne. Sans doute la tâche la plus ardue pour Mr Gelsinger.
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