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Intel dévoile la première partie de son plan d’investissement européen à 80 milliards d’euros

La première partie du plan d’investissement européen d’Intel est de 33 milliards d’euros. Les premiers 17 milliards iront dans des usines (fabs) en Allemagne et 12 milliards dans l’extension des usines d’Irlande. Le plateau de Saclay en France va devenir le centre de R&D et de design des puces européennes, mais son budget est encore inconnu.

À l’Allemagne les usines, à la France le centre de recherche de pointe : si les clichés ont la vie dure, c’est qu’ils se vérifient parfois par l’exemple. Le PDG d’Intel Pat Gelsinger vient d’annoncer un plan d’investissement massif en Europe – 80 milliards sur 10 ans – qui répartit sur plusieurs pays du continent différents éléments clés de la conception, de la fabrication et de l’intégration des semi-conducteurs.

Pour ce premier round d’investissement de 33 milliards d’euros, c’est l’Allemagne qui décroche le « gros lot » industriel avec l’officialisation du choix de Magdebourg pour la construction des deux fabs de dernière génération. Elles seront le second cœur de la production de puces européennes d’Intel, avec le site d’Irlande, déjà en activité depuis 1989.

Ancienne ville d’Allemagne de l’Est, Magdebourg est la capitale du land de Saxe-Anhalt, entre la Basse-Saxe et le Brandebourg. Elle est à seulement 230 km de Dresde, siège des usines de Global Foundries (ex AMD), et profite donc d’un écosystème de fournisseurs déjà solide. Le site allemand va coûter 17 milliards d’euros et devrait produire les puces les plus avancées d’Intel pour le continent. L’investissement, énorme, promet pas moins de 3000 nouveaux employés en plus des emplois liés à la construction et à la chaîne d’approvisionnement pendant son fonctionnement.

L’autre grand vainqueur de ce premier tour est l’Irlande, où Intel fabrique déjà des puces en 10 nm (node Intel 7). Le site de Leixlip va profiter de travaux d’extension de 12 milliards de dollars pour augmenter les capacités de production et passer au node suivant, appelé Intel 4 (7 nm sauce Intel).

La France « cerveau » de la R&D, mais sans budget annoncé

Si on ajoute les 17 milliards pour l’Allemagne et les 12 milliards pour l’Irlande, il manque un peu d’argent pour les « plus de 33 milliards » de ce premier round. Eh bien les 4,5 milliards manquants vont à l’Italie. Profitant du rachat de Tower Semi (LIEN) avec lequel le groupe franco-italien STMicroelectronics a des liens forts, Intel va investir dans la partie « back-end », c’est-à-dire celle qui vient après la gravure des puces sur les galettes de silicium (inspection, tests, découpe, combinaison de dies, etc.)

À cet investissement industriel d’importance s’ajoute un doublement du laboratoire d’Intel à Gdansk, en Pologne, ainsi qu’un renforcement de l’investissement d’Intel dans le laboratoire espagnol du Barcelona Supercomputing Center.

Et la France ? Sur le papier, Pat Gelsinger a annoncé que le plateau de Saclay, près de Paris, devrait accueillir le principal centre européen de Recherche & Développement et de design des puces d’Intel. Un projet centré autour du calcul hautes performances et de l’intelligence artificielle qui se concrétiserait par l’embauche de plus de 1000 ingénieurs.  Point d’industrie à l’Allemande ou à l’Italienne, mais un laboratoire « d’intelligence » qui ne bénéficie, pour l’heure, d’aucun investissement chiffré. Sans usine derrière, il est logique que la somme soit bien inférieure à celles déployées chez nos voisins.

Pas de la charité, mais un besoin de diversité

Une question légitime qui se pose est « pourquoi une entreprise comme Intel investirait-elle autant en Europe plutôt qu’aux USA ? ». Si la réponse complète est très longue – la clé de la compréhension est à chercher dans l’actuelle « crise » des semi-conducteurs. Le Huawei-gate, les fermetures d’usines de puces en 2020 pour cause de pandémie, l’explosion de la demande dans nombre de marchés (auto, informatique, mais aussi électroménager, navigation, etc.), les accidents d’usines (Texas, Japon, Corée du Sud) ou encore les instabilités géopolitiques potentielles (TSMC à Taïwan menacé par la Chine) ont mis en lumière notre dépendance à trop peu de fournisseurs. Et à l’Asie. « 80% des semi-conducteurs proviennent d’Asie et nous voulons donc construire une chaîne d’approvisionnement qui soit plus résiliente et plus équilibrée », a annoncé M. Gelsinger lors de son allocution.

Et la soif européenne de revenir dans la course technologique, notamment au travers du European Chips Act, laisse miroiter des avantages et des investissements pour Intel qui est ici vu en « sauveur ». À juste titre, les milliards qu’il promet d’investir ont en effet de quoi réellement stimuler « le renforcement d’un écosystème de dernière génération », comme le promet M. Gelsinger. Un avis partagé par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, qui ambitionne de voir « 20% de la production (mondiale) de puces provenir d’Europe. Soit le double de la proportion actuelle dans un marché qui va doubler dans les années qui viennent », assure-t-elle.

Lire aussi : Intel veut endosser le rôle de champion occidental de la production de semi-conducteurs

Elle ajoute que les ambitions de l’Europe ne sont pas de produire des puces bas de gamme, mais bien des puces qui « vont au-delà de la barrière des 3 nm ». Une ambition qui contredit les industriels de l’automobile européens qui n’ont pas manqué, ces derniers mois, de vouloir se concentrer sur les puces dédiées à l’automobile ou à l’aéronautique où les Européens sont les plus forts.

Sur le papier, Mme von der Leyen a sans doute raison de se passer de leur avis : les entreprises européennes ont été parmi les plus durement touchées par la pénurie des semi-conducteurs à cause de leur méconnaissance du fonctionnement de ce marché (trop d’intermédiaires, annulation de commandes impossibles à rattraper, etc.).

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Si Intel ne ménage pas ses investissements aux USA, avec les annonces récentes d’investissement au Nouveau-Mexique ou encore la future Gigafab de New Albany dans l’état de l’Ohio, l’activation d’un écosystème sous son contrôle en Europe va en faire, de facto, le champion occidental des semi-conducteurs qu’il annonçait vouloir devenir l’an dernier lors de l’annonce de son projet IDM 2.0 – qui vise notamment à ouvrir ses fabs à des tiers.

D’aucuns pourraient regretter qu’il ne s’agisse pas d’une entreprise européenne. Mais pour créer aussi rapidement un écosystème puissant et de pointe, il semble qu’il est plus aisé de choisir un acteur d’une taille énorme et avec une seule tête. Et ce n’est pas STMicroelectronics qui pourrait remplir une telle mission.

Il reste désormais à voir sortir de terre les premières fabs Allemandes – dont la production devrait commencer en 2027 – et attendre la seconde partie du plan qui définira et fixera les investissements en France.

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