Le rover américain Perseverance s’est posé sans encombre sur Mars et il embarque dans sa soute le premier engin volant de l’histoire de la planète rouge, le drone hélicoptère Ingenuity. Un bijou de technologie de 1,8 kg tout de métal de et fibres de carbone, dont la mission est capitale : nous donner les informations nécessaires pour comprendre comment on peut voler dans une atmosphère cent fois moins dense que celle de la Terre.
Ingenuity a déjà survécu à un décollage, aux dures conditions que représente un vol spatial et à un atterrissage sur la planète rouge. Mais le plus dur est devant lui, puisqu’il va devoir voler tout seul ou presque. Et pour se faire, ses rouages informatiques vont devoir chauffer. Or on l’a vu sur Terre avec l’avènement des drones grand public : faire voler un appareil requiert de la puissance pour traiter les informations provenant des différents capteurs.
Cette puissance de calcul, les ingénieurs de Nasa ne pouvaient pas la trouver dans les puces renforcées contres les radiations que l’on retrouve dans la plupart des appareils que l’on envoie dans l’espace. Conçus pour encaisser les rayonnements électromagnétiques qui balaient le grand vide, les puces renforcées sacrifient énormément en puissance pour corriger les erreurs, intégrer de la redondance, etc.
Si ce genre de puce est aux commandes Perseverance, dont la mission pourrait durer plusieurs années, le caractère éphémère de la mission d’Ingenuity change la donne électronique. Puisque le drone a besoin du rover pour mener sa mission à bien, les responsables du programme global ont donné 30 jours et pas un de plus du temps de Perseverance à son frère volant. Les trois à cinq vols planifiés auront lieu dans ce laps de temps et le petit hélicoptère sera ensuite abandonné, éliminant de fait le besoin d’une puce qui encaisse les rayonnements sur une longue période.
Capitaine Snapdragon 801
Au cœur d’Ingenuity on retrouve ainsi une puce qui va parler aux connaisseurs du monde des smartphones : un Snapdragon 801. Annoncé en 2014, ce processeur pour smartphones équipait les Samsung Galaxy S5, Les LG G3, Sony Xperia Z3 et autre… OnePlus One. Un SoC gravé en 28 nm qui paraît bien mou du genou par rapport au dernier fleuron de Qualcomm, le Snapdragon 888.
Mais qui s’avère pourtant infiniment plus puissant que les puces SPARC, MIPS et autres PowerPC « spatiaux » qui coûtent parfois des centaines de milliers d’euros (BAE RAD 750) pour des fréquences anémiques de quelques centaines de mégahertz. Avec ses quatre cœurs ARMv7 Krait 400 cadencés à 2,5 GHz et les capacités graphiques et d’imagerie de ses GPU et ISP, le Snapdragon 801 d’Ingenuity intègre plus de puissance que tous les processeurs intégrés dans le rover Perseverance !
Le choix d’un processeur de 7 ans d’âge détonnerait dans un smartphone lancé cette année, mais prend tout son sens dans le monde de l’espace : quand on dépense 2,7 milliards de dollars (développement, lancement et première année d’exploitation), on n’envoie que du matériel approuvé. Si les ingénieurs ont consenti à sortir du champ des puces professionnelles pour aller puiser dans les équipements grand public, ils ont testé le matériel et le logiciel en long, en large et en travers avant de valider le design final.
Avec des vols limités à 10 m de haut et 90 secondes, Ingenuity ne sera pas l’engin volant qui cartographiera les canyons, cratères et dépots de glace carbonique de Mars en détail. Mais il devrait être le précurseur d’une ère prochaine où les drones vrombiront à la surface de la planète rouge. Et on se souviendra alors que tout a commencé grâce à une puce de smartphone.
Source : IEEE Spectrum
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