Lorsque la banque néerlandaise ING a lancé en juillet 1999 ING Direct en France, André Coisne nourrissait “quelques doutes” sur la pertinence du modèle économique qu’il devait développer. Moins de trois ans plus tard pourtant, le directeur général les a balayés : ING Direct apparaît comme “la” success story de l’internet bancaire hexagonal…Depuis la mise en place de l’offre commerciale, en mars 2000, ce banquier néerlandais pratiquement inconnu du grand public a réussi à séduire 200 000 clients. À titre indicatif, il aura fallu dix ans à Banque Directe, filiale du groupe BNP Paribas, pour en séduire 100 000. De leurs côtés, Fortis et Dexia ont fermé la porte de leurs banques à distance dès 2001, tandis que Zebank (Groupe Arnault) était cédée à vil prix au Britannique Egg début 2002.
La stratégie du focus
André Coisne résume d’un mot le succès d’ING Direct en France : le ” focus “. Toute sa stratégie a été organisée autour d’un produit unique, “Epargne Orange”, un livret d’épargne à haut rendement (4,70 % brut actuellement). “Et puis, ajoute-t-il, nous avons dès le départ misé sur une distribution directe en mode multicanal, alors même que le marché privilégiait le modèle “pure player”. Or, 50 % des premiers contacts établis par nos prospects passent par le téléphone, 20 % à peine par internet.”Sans oublier des investissements massifs. ” En trois ans, explique André Coisne, ING Direct aura dépensé entre 100 et 120 millions d’euros pour établir sa marque en France. “ Pour autant, le PDG reste d’une extrême discrétion sur le coût d’acquisition de ses clients. Il indique tout au plus qu’ING Direct continue à investir massivement dans le développement de sa notoriété, limitée à 40 % de la population cible ?” 10 millions de Français ?” et censée grimper jusqu’à 60-70 %. D’une communication grand public très coûteuse, la société pourra alors glisser vers des opérations de marketing direct (mailings, etc.) plus efficaces et moins dispendieuses. ” À vrai dire, précise André Coisne, cette inflexion a commencé. Nos coûts de recrutement ont déjà baissé de 35 %. C’est crucial. “ D’autant plus que 10 000 clients rejoignent ING Direct chaque mois, et que la firme vise une masse de 500 000 clients en 2004.
Des services spécifiques
Un objectif ambitieux, mais pourquoi pas ? Après tout, les stratèges d’Amsterdam ont anticipé avant leurs homologues français la percée foudroyante de l’approche multicanal dans le monde bancaire hexagonal. Le modèle “J’offre toute la banque traditionnelle, mais à distance”, (comme Banque Directe) ne marche pas en France, ni même en Europe, à l’exception sans doute d’Egg en Grande-Bretagne, résume Fabrice Kahn, consultant chez Deloitte & Touch. ING Direct n’a pas commis l’erreur de s’engager sur cette voie et, surtout, elle s’est attaquée à l’un des talons d’Achille des banques françaises : l’épargne financière. ING Direct ne se contente pas, en effet, de son livret d’épargne Orange, relativement peu rémunérateur pour la banque (“avec un taux de 4,7 % brut, reconnaît André Coisne, nous ne perdons pas d’argent sur Epargne Orange…”), mais se diversifie vers les OPCVM (700 sicav et fonds communs de placement accessibles), le courtage en ligne et l’assurance vie. C’est là qu’apparaissent les vraies marges bénéficiaires et récurrentes. Mais cette intrusion bouscule également un marché de l’épargne financière traditionnellement peu dynamique.” Dans ce domaine, remarque Fabrice Kahn, les banques traditionnelles touchent aux limites de leur légitimité vis-à-vis du client, souvent déçu par la compétence relative des chargés de clientèle en la matière, et taraudé par la crainte que la banque cherche surtout à promouvoir ses produits maison. “ En France, d’ailleurs, les banques diffusent près de 90 % des OPCVM, alors qu’en Grande-Bretagne, par exemple, leur part tombe sous les 50 %. Bref, ING Direct a tapé juste en jetant son dévolu sur ce marché. Ce faisant, elle se transforme également en concurrent du tout nouveau Cortal/Consors.
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