Beaucoup y ont cru. La plupart ont été déçus. Le marché informatique et télécoms des collectivités locales a toujours agi comme un véritable miroir aux alouettes pour les sociétés informatiques. L’arrivée d’internet sous forme de portails et d’ASP (Application Service Provider ou location d’applications en ligne) ne devrait pas faire exception à cette tendance. Avec le web, les éditeurs s’attendent tous à une recomposition rapide du marché. Mais dans combien de temps ? En effet, les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux – obligation d’appel d’offres oblige – sont très longs à séduire. Pourtant, “les technologies de l’information et de la communication coûtent à une commune le prix d’un rond-point “, aime à rappeler André Santini, maire d’Issy-les-Moulineaux et champion des NTIC. Mais, comme à leur habitude six mois avant les élections municipales, les élus sont frileux, car ils ont des comptes à rendre aux citoyens, qui ne perçoivent pas toujours la valeur de l’informatique en regard de la vie locale. De ce fait, le moindre faux pas risque d’être fatal à un offreur.
Sur le papier, le secteur a tout pour séduire
Depuis la loi de décentralisation de 1982, les mairies, départements et régions sont autonomes dans leurs choix d’investissement. Historiquement sous la tutelle de l’Etat, les équipements informatiques s’orientaient vers des solutions propriétaires, Bull ou IBM.Nombre de nouveaux fournisseurs se sont alors lancés dans cet eldorado qu’ils pensaient facile à capter. A l’époque, il suffisait d’un trimestre à trois programmeurs pour développer une application de gestion financière, de ressources humaines et d’élections. De cette myriade de petits éditeurs, seuls quelques-uns surnagent aujourd’hui. Pourquoi ? Sur le papier, le secteur public territorial a pourtant tout pour séduire : plusieurs dizaines de communautés de communes, plusieurs centaines de centres communaux d’action sociale (CCAS), 36 700 communes, 100 conseils généraux, 26 conseils régionaux. Avec, pour chacun, plus de 50 métiers susceptibles d’utiliser l’ordinateur, 1,2 million de fonctionnaires territoriaux et un budget total informatique et télécoms de près de 7 milliards de francs. Séduisant, certes. Mais, à y regarder de plus près, le marché n’est pas aussi volumineux ni aussi ” facile ” que les chiffres le laisseraient paraître.D’abord parce que, dans la pratique, seules les villes de plus de 3 000 habitants ont une taille suffisante pour nécessiter la création d’une véritable architecture informatique, ou encore possèdent un informaticien à temps plein. C’est-à-dire guère plus de 2 600 clients potentiels, dont seuls 112 ont une taille supérieure à la moyenne des PME françaises (les mairies de plus de 50 000 habitants). De plus, les besoins de traitement et les moyens financiers d’une commune de 5 000 habitants n’ont rien à voir avec ceux des villes de 100 000 habitants. Quant aux très grandes villes, comme Paris ou Marseille, elles ont toujours préféré les développements internes. Deuxième raison : la logique de l’achat public local privilégie la sécurité et la durée. La procédure de l’appel d’offres est lourde, tant dans sa présentation – de nombreuses offres sont écartées pour vice de forme – que dans ses délais – certains marchés courent sur trois à six mois.
Les éditeurs devront composer avec les nouveaux venus
Enfin, il est faux de penser que les informaticiens territoriaux – au nombre de 3 000, selon l’Association des informaticiens territoriaux – sont des proies faciles. La plupart sont issus du privé. Leur compétence est reconnue, mais leurs budgets sont parfois très serrés. Ils doivent donc faire à l’économie, en investissant ou en paramétrant eux-mêmes les applications. Ce qui les rend même innovants. Bien avant les entreprises privées, ils ont informatisé la gestion des emplois et des compétences, les tableaux de bord comptables ou leur cartographie avec des systèmes d’information géographique (SIG).Toutes ces raisons concourent à rendre difficile d’accès un marché informatique territorial mature. Certes, il y a encore des affaires à faire. Mais dans des niches comme la gestion sociale, les maisons de retraite ou la fiscalité locale. Du coup, depuis cinq ans, les fusions et les acquisitions sont allées bon train – seuls une douzaine d’éditeurs comptent sur le marché, contre une cinquantaine dans les années quatre-vingt-dix. A cette époque, la partie informatique et télécoms du Salon des maires et des collectivités locales faisait salle comble. La prochaine édition (du 21 au 23 novembre prochain) sera réduite. Sinorg et Sedit-Marianne n’y figureront même pas, estimant que le bouche à oreille est un meilleur vecteur de vente.Internet devrait cependant bouleverser la donne. Les éditeurs actuels s’y attendent et préparent leur révolution ASP. Secret ou pas, tous ont un projet qui les associe à la mairie et au citoyen autour d’un portail. Sinorg/GFI a pris les devants en claironnant, pour 2001, une solution e-collectivité. Magnus est moins disert : “L’ASP est l’un des axes de travail, nous avons besoin d’une réflexion plus élaborée “, avance prudemment la direction générale. L’éditeur est pourtant le seul à disposer d’une expérience de ce type pour avoir mis en place des applications à distance sur minitel pour les très petites communes. Mieux : son appartenance au groupe Berger-Levrault lui confère une dimension d’expert juridique dans le domaine public local.Désormais, c’est le fournisseur de données – et non celui qui les traite – qui est en bonne position. Aussi, les éditeurs ” happy few ” actuels voient d’un mauvais ?”il la montée en charge de grands portails dédiés uniquement au service public local. Tous ces sites offrent déjà des services d’actualités, d’emploi et des fiches sur les techniques et les statuts. Ils sont parrainés par des figures du secteur : le Crédit local de France ( www.dexia-clf.fr), la Gazette des communes ( www.lagazettedescommunes.com/), la Caisse des dépôts ( www.cdc-mercure.fr), France Télécom, Vivendi ou encore le Sénat ( www.carrefourlocal.org).Autant de nouveaux venus dont aucun ne s’est encore imposé, et avec lesquels les éditeurs devront composer dans les mois à venir. Il faut faire vite : selon les estimations, ce marché des sites web territoriaux devrait peser 1 milliard de francs en 2003.
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