Au milieu des années 2010, le phénomène des Youtubeurs virtuels, ou Vtubers, a vu le jour au Japon. Concrètement, certains vidéastes ont choisi de se faire connaître sans jamais apparaître sous leur vrai visage. Pour échanger avec leur communauté ou réaliser des exploits en ligne, ils s’appuient sur un logiciel de modélisation, une webcam et des capteurs de mouvement.
Grâce à cette technologie, ils apparaissent sous la forme d’un avatar virtuel. Bien souvent, ils conçoivent leur propre personnage animé inspiré de l’art japonais. Certaines chaînes de Vtubers, comme celle de Yume Kotobuki, génèrent plus d’un million d’euros par an.
Interrogée par l’AFP, Mayu Iizuka, la jeune femme derrière le personnage de Yume Kotobuki, explique que ses fans sont nombreux à lui envoyer de l’argent pour la soutenir. Les abonnés sont également prêts à payer pour qu’un de leurs commentaires soit mis en avant lors d’une vidéo en direct.
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Le phénomène des influenceurs virtuels
Le phénomène s’est rapidement propagé en dehors de la péninsule nippone, notamment en Chine. Sous l’impulsion des agences marketing, les marques ont massivement investi dans la popularisation de ces icônes virtuelles. Pour celles-ci, il est plus facile de contrôler un influenceur virtuel qu’une personnalité de chair et de sang. Cette approche inédite permet en effet de réduire les risques de scandale.
« Cela permet aux marques de mieux contrôler leur cadence marketing, l’apparence physique de la figure virtuelle et leur intégration dans des initiatives marketing », explique Pablo Mauron, directeur général de Digital Luxury Group à Shanghai, aux journalistes de Rest of World.
Pour l’heure, la mode des YouTubeurs virtuels reste l’apanage des pays du continent asiatique. Les Vtubers sont surtout populaires au Japon, en Chine, en Corée du Sud ou encore en Indonésie. Néanmoins, le phénomène est loin d’être méconnu en Occident. D’après une étude de l’agence Influencer Marketing Agency, 58 % des Américains âgés de 18 ans ou plus suivent déjà un influenceur virtuel sur les réseaux sociaux.
Parmi les plus grands succès de cette nouvelle industrie, on trouve A-Soul, un groupe de musique pop composé de quatre filles virtuelles. Le groupe a été créé par Yuehua Entertainment, maison de disques basée à Pékin, avec l’aide de ByteDance, le géant chinois qui détient le réseau social TikTok. Depuis son lancement en décembre 2020, A-Soul a multiplié les concerts et les événements en direct. Le groupe est également apparu dans plusieurs campagnes publicitaires, pour KFC ou L’Oreal par exemple. Grâce à A-Soul, Yuehua Entertainment a généré des millions de dollars en moins de deux ans.
Des conditions de travail extrêmes
D’après une enquête réalisée par Rest of World, une organisation internationale à but non lucratif qui couvre la question de la technologie hors de l’Occident, les acteurs derrière les avatars ne sont pas rétribués à hauteur des profits générés.
En mai dernier, l’actrice qui prête sa voix et ses mouvements à Carol, l’un des personnages du groupe A-Soul, s’est mise à se plaindre de ses conditions de travail sur son blog personnel. Inconnue du grand public, elle pensait que son témoignage passerait inaperçu, mais des internautes sont parvenus à mettre la main sur son blog. Elle y évoque notamment la cadence infernale imposée aux acteurs et des faits de harcèlement. Peu après ce message, Yuehua Entertainment a annoncé que Carol prendra une « pause indéfinie » en raison de ses problèmes de « santé ».
Citant une source anonyme chez ByteDance, des médias chinois affirment avoir découvert les clauses du contrat des actrices de A-Soul. Selon la fuite, les comédiens ne percevraient que 0,5 % des revenus générés par leurs fans en plus de leur salaire. Yuehua Entertainment a fermement nié les rumeurs, assurant que les actrices touchent 10 % des revenus.
Selon l’enquête de Rest of World, il ne s’agit pas d’un fait isolé. Les acteurs derrière les influenceurs virtuels se ruineraient la santé pour donner vie à leur personnage. Sur ses réseaux sociaux personnels, la jeune femme derrière Carol explique notamment souffrir de perte auditive et de lésions de la corde vocale.
Comme le souligne l’enquête, les acteurs sont bien souvent dépendants des sociétés de production derrière le projet. Mengyu Peng, responsable chez SuperACG, une société qui propose des avatars virtuels, révèle qu’un acteur n’est pas libre de décider combien d’heures il souhaite prester. Le comédien dépend des impératifs de son double virtuel.
« Porter des combinaisons pour la capture des mouvements est épuisant, et il est fatigant de sauter dans tous les sens tous les jours. On a l’impression que c’est beaucoup de travail acharné pour très peu de récompense », témoigne un Vtuber, interrogé par le média chinois Biede.
Le retour de l’humain
Déçus par les révélations autour du groupe A-Soul, de nombreux internautes se sont mis à suivre l’actrice qui incarne Carol sur ses réseaux sociaux personnels. La jeune femme échange tous les jours avec plus de 10 000 personnes. Suite au scandale, les fans d’A-Soul se sont visiblement plus attachés à l’actrice qu’à son avatar. Les influenceurs en chair et en os semblent loin d’être has-been.
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Source : Rest of World