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Industrie de la carte à puce : attention, nappe de brouillard !

Derrière une bataille de normes plus politique que technique sur la carte SIM se joue en fait tout l’avenir de la carte à puce : la carte SIM représente en effet 70 % de son marché.

Le succès de la carte à puce ne se dément pas, porté par la vague de la carte SIM, dont les ventes, cette année, pourraient approcher les deux milliards d’unités, et par un mouvement de consolidation industrielle et financière qui va
bientôt faire émerger un groupe de plus de deux milliards de dollars, issu de la fusion annoncée entre les deux leaders du marché, Gemplus et Axalto.Mais… il y a un mais. Un coup de brouillard en ce début de printemps. Une perte de visibilité subite, qui pourrait mettre en danger cette industrie très européenne et pourtant florissante, aujourd’hui encore étroitement liée à
celle du mobile.

Des possibilités immenses mais un consensus qui s’effrite

L’avenir de la carte SIM, est en effet en train de perdre de sa clarté et de sa lisibilité. Il est devenu le motif de sourdes interrogations. D’un côté, tout indique que l’évolution actuelle de son marché, en dépit d’une segmentation
de plus en plus fine, conduit à une dangereuse réduction des prix moyens de vente, donc des marges ; de l’autre, son évolution prochaine, tirée par l’intégration de capacités mémoire de plus en plus importantes (1 Go annoncé pour la fin de
l’année dans le format plug-in), la promesse de nouveaux services à forte valeur ajoutée, et fixée sur l’établissement de nouveaux standards, vient de conduire par deux fois à une impasse et à un constat d’impuissance, par
manque d’accord entre les acteurs concernés.Et qui plus est, sous les auspices de l’Etsi, pourtant symbole s’il en est de l’extraordinaire réussite du GSM et du concept même de la carte SIM (Subscription Identity Module). L’industrie rassemblée pour décider
du nouveau protocole de communication (HSP, pour High Speed Protocol) de la future SIM s’est finalement divisée, non pas entre partisans du protocole USB pour interfacer les cartes et partisans du MMC
(MultiMediaCard), mais bien entre partisans de la solution USB et opposants à cette dernière.

Le fin mot reviendra aux plus puissants, mais lesquels ?

Le règlement électoral de l’Etsi s’est révélé pour l’instant incapable de départager les deux camps. L’USB a obtenu une majorité de voix (un peu plus de 60 %), mais pas la décision (il en fallait 71 %, soit un déficit d’une
centaine de voix). Une règle conçue à l’origine pour rassembler une forte majorité, consolider un consensus, asseoir avec force ses décisions, qui devient l’instrument de man?”uvres dilatoires (lors du dernier vote, il n’était plus question de
voter sur le choix du protocole, mais sur l’intérêt de voter…). En politique, cela s’appelle l’exception d’irrecevabilité. L’imbroglio est complet. A nombre de voix égal, le pouvoir de s’opposer est devenu deux fois plus fort que celui de
proposer. Le danger est réel. Car cette situation illustre la nature des rapports de force en place.Premier constat : la carte SIM est devenue un composant stratégique pour l’industrie de la flash (NAND), dont un certain nombre d’acteurs ?” membres de l’Etsi ou non ?” se sont invités dans les débats sur le
High Speed Protocol.L’annonce faite une semaine avant le dernier vote, le 23 mars dernier, par la MMCA (MultiMediaCard Association) qu’elle n’avait aucun brevet à faire valoir si la proposition MMC était retenue a été suivie par
la publication, à la veille du vote, d’une déclaration de SanDisk listant 8 brevets qui infirmaient l’affirmation précédente. Et le leader mondial des cartes flash amovibles, qui pèse aujourd’hui plus 2,3 milliards de dollars, a déclaré
qu’il n’avait aucune intention de licencier ses brevets. En un mot, que chacun reste chez soi. Il faut sans doute rappeler que SanDisk, qui va investir plus d’un milliard de dollars dans la réalisation d’une usine d’assemblage
(70 000 tranches par mois) avec Toshiba, est l’un des principaux concurrents de Samsung, dont la position est dominante au sein de la MMCA.Deuxième constat : la récente commercialisation par Orange d’une carte SIM MMC de 128 Mo dans un téléphone Sagem dont le port MMC a été interdit illustre la rivalité naissante entre cartes SIM de grandes capacités et cartes
flash amovibles. Cette carte pourrait d’ailleurs tomber dès aujourd’hui sous les brevets SanDisk. A plus long terme, ce dernier pourrait proposer aux opérateurs télécoms une carte SIM amovible sur le modèle des cartes flash actuelles.Troisième constat : Axalto et Gemplus se trouvent, à la veille de leur fusion, dans les camps opposés. L’inventeur de la solution USB (Axalto) et le premier fournisseur d’Orange (Gemplus) n’obéissent pas aux mêmes logiques.
L’argument de Gemplus-Orange est surtout commercial (une implémentation MMC est plus rapide à mettre sur le marché). Mais il est en train de s’amenuiser avec les reports successifs des votes. Celui d’Axalto reste technique et surtout stratégique
vis-à-vis de l’industrie de la flash, dont les acteurs ne proposent que des solutions de stockage. Mais son problème reste entier : il lui faut trouver 100 voix pour transformer sa majorité d’aujourd’hui en décision pour demain. Et
dissiper le brouillard.Prochaine chronique le jeudi 4 mai.

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Yvon Avenel