C’était il y a une éternité, avant le soleil estival, le raz de marée des iPhone à la rentrée… En juin dernier, à la WWDC 2017, les équipes de Tim Cook faisaient une entorse à leur culte du secret pour lever le voile sur le HomePod et l’iMac Pro.
Le premier est là pour répondre à la multiplication des assistants domestiques intelligents, et on l’attend toujours. Le second a pour mission de prouver – après les « ratés » relatifs des MacBook Pro – qu’Apple s’intéresse non seulement encore aux professionnels qui ont fait la gloire de ses machines… mais qu’il sait frapper fort, sans demi-mesure. De fait, si les fans d’Apple peuvent continuer à baver d’envie sur l’iMac Pro, il faut d’abord remettre les pendules à l’heure.
Cette fois, il est vraiment là pour les professionnels
Car, sans même l’avoir testé, il est certain que cet iMac porte parfaitement sa particule. Il est le plus puissant des Mac jamais produits, il est donc réservé aux… professionnels. Une appellation qui nécessite peut-être une rapide redéfinition. De qui parle-t-on, à l’heure où un MacBook Pro 13 pouces flirte agressivement avec le grand public, malgré son extension ?
De même qu’on ne prend pas un marteau pour écraser une mouche, on n’achètera pas un iMac Pro pour surfer sur le Web ou faire du traitement de texte… même s’il le fait très bien. Non, l’iMac Pro est conçu pour les monteurs vidéo, les producteurs de musique, les réalisateurs, les photographes, les architectes ou encore les scientifiques… La liste est encore longue. Il est également pensé pour les développeurs, une population qui, semble-t-il, aime beaucoup Apple. Ainsi, sur GitHub, plate-forme sur laquelle convergent environ 26 millions de développeurs du monde entier, 60% des projets seraient soumis par des utilisateurs de Mac !
Comment le savons-nous ? Nous avons eu l’occasion de rencontrer l’iMac Pro et quelques-uns des développeurs qui l’utilisent depuis quelques semaines désormais. Soit pour développer des applications ludiques et musicales en VR, par exemple, soit pour améliorer leurs applications professionnelles : c’est le cas d’Adobe, de Maxon et bien entendu…d’ Apple.
Maintenant que le « spectre d’utilisation professionnelle » est mieux défini, dans toute sa diversité, intéressons-nous à l’iMac Pro et à ses multiples facettes.
Noir, c’est noir, il y a à nouveau de l’espoir
Plus le destin des PowerMac/Mac Pro a pris des airs de voie de garage, plus celui de l’iMac a ressemblé à une autoroute à au moins deux voies. Une pour les modèles grand public et une autre pour les modèles si solides qu’ils pouvaient faire de l’œil aux pros qui auraient cherché une station de travail tout en un. Depuis l’arrivée des écrans 4K/5K, l’appel du pied était évident, l’iMac (au moins en 27 pouces) est pensé pour donner satisfaction à la maison et au travail – à quelques bémols près.
Des bémols qui, avec la désertion du Mac Pro et l’apparition d’activités plus exigeantes en puissance, que ce soit la réalité virtuelle ou la 4K, faisaient que l’iMac manquait parfois de souffle. Sans oublier que ces usages (graphiques/vidéos) s’accompagnent aussi de la montée en puissance du développement et des usages de l’intelligence artificielle. Deux activités stratégiques qui ne sont pas étrangères au regain d’intérêt d’Apple pour les utilisateurs dits « scientifiques ».
En attendant le nouveau Mac Pro l’année prochaine, l’iMac Pro est donc pensé pour être le Mac le plus puissant jamais produit, un monstre.
Et puisque son design est inchangé – à l’exception de deux ports USB-C supplémentaires, de deux grandes fentes sur la partie inférieure de son dos et d’une grille cachée derrière son pied – Apple a voulu le distinguer des autres iMac en le dotant d’un boîtier en aluminium noir – gris sidéral, si vous préférez. Le clavier et la Magic Mouse de série suivent le même traitement. Techniquement, c’est un détail, mais esthétiquement, visuellement, ce côté « badass » et classe en impose. L’effet n’aurait pas été le même en « rose gold ».
L’intérieur de la bête
Le boîtier sombre a un autre avantage, il met parfaitement en valeur la dalle 5K, avec son milliard de couleurs et sa technologie P3, telle qu’on l’a déjà rencontrée dans les iMac présentés en juin dernier. Une merveille pour les yeux que les utilisateurs pourront d’ailleurs décider d’installer eux-mêmes (et a posteriori) sur un support VESA. Mais, comme nous le disait un représentant d’Apple, la « vraie histoire commence avec ce que nous avons fait à l’intérieur ».
En partenariat avec Intel, la firme de Cupertino propose non pas trois mais quatre processeurs au choix, tous issus de la toute nouvelle gamme de Xeon W, pensée pour les stations de travail les plus exigeantes et la VR. Les utilisateurs pourront ainsi choisir un modèle à 8, 10, 14 ou 18 cœurs – ces deux derniers processeurs sont d’ores et déjà commandables mais ne seront livrés qu’en janvier.
De même, la mémoire vive sera disponible en 32, 64 ou 128 Go. A noter que ces modules ne sont pas soudés à la carte mère et qu’il sera donc possible de mettre à jour la capacité totale de RAM. Néanmoins, il faudra passer par un professionnel agréé Apple, puisque l’iMac Pro ne présente aucune trappe pour y accéder. Ajoutons également que c’est le seul élément de la configuration qui pourra être dopé pour coller à des besoins grandissants.
Les deux modules de NAND qui assurent le stockage de 1, 2 ou 4 To ne pourront pas être changés. Pas plus que la carte graphique. Là encore, Apple offre le choix entre deux itérations de la dernière génération de GPU d’AMD, les Vega Pro 56 ou 64, avec respectivement 8 et 16 Go de mémoire HBM2.
Enfin, passons rapidement sur la puce maison Apple T2, qui est en soit une révolution, dont nous vous parlons dans cet autre article, et assure un niveau de performances et de sécurité renforcé.
Evolutif… grâce à sa connectique
Quand on regrette que cet iMac Pro ne soit pas plus évolutif, ce qui est un élément central pour définir une machine professionnelle, Apple avance une réponse sensée. Outre la configuration de base, qui est assez puissante, c’est tout l’écosystème d’Apple élaboré ces dernières années qui apportent une solution selon la marque. Besoin croissant de stockage ? Les ports Thunderbolt 3 au format USB-C sont synonymes de baies externes connectées avec des débits fulgurants. Sans parler même du port 10 Gigabit Ethernet, idéal pour les NAS pro.
Besoin de faire évoluer la carte graphique ? La solution repose d’une part sur macOS High Sierra et son Metal 2… et les ports Thunderbolt 3 permettent d’y connecter un eGPU. Prévu pour une disponibilité en version finale au printemps prochain, le support des processeurs graphiques externes est une voie en laquelle Apple croit fort, et pas seulement pour suppléer les puces mobiles un peu légères des MacBook Pro.
Adossé à un iMac Pro, nous avons vu des eGPU permettre de rendre en quelques minutes ce qui prenait encore quelques jours il n’y a pas si longtemps avec une solution comme Cinema 4D. Si ce format de cartes graphiques externes n’est pas finalisé, il assure une “montée en puissance linéaire” et une facilité d’installation prometteuse.
Des développeurs de Maxon s’enthousiasmaient du gain de performances apporté par l’iMac Pro seul, ou avec ses eGPU. Si ce que nous avons vu se convertit en un produit final aussi performant, l’iMac Pro pourrait être une excellente base pour les petites structures qui font du rendu graphique et souhaitent ensuite monter en puissance. Si le chiffre n’est pas définitif, nous nous sommes laissés dire que la limite pour un iMac Pro serait de 24 eGPU !
Une solution qui a un seul défaut : vous n’entendrez pas à quel point l’iMac Pro est silencieux, car les boîtiers externes le sont bien moins. Toutes les configurations d’iMac Pro que nous avons vu tourner avaient pour point commun d’être incroyablement silencieuses, dans un environnement relativement calme. Nous les avons vu gérer des écrans 4 ou 5K externes (le maximum est de deux écrans 5K ou de quatre écrans 4K), compiler du code, faire tourner un rendu 3D en temps réel d’un projet architectural réalisé avec Twinmotion (qui utilise le moteur Unreal Engine), et jamais nous le l’avons entendu se mettre à ventiler bruyamment – ce qui ne veut évidemment pas dire que ce ne sera jamais le cas. En tout cas, les 80% de capacité de refroidissement en plus ne semblent pas avoir été inventés.
Pas un iMac Pro, des iMac Pro
Pour répondre à ces nombreux usages professionnels, Apple propose une assez large palette de composants qui devront être choisis intelligemment. Ainsi, le processeur devra être logiquement sélectionné en fonction de ce à quoi il est destiné. A chaque besoin, sa configuration. D’ailleurs Apple a indiqué que des pages destinées à faciliter le choix des bons composants pour l’iMac Pro seraient prochainement mises en ligne sur son site Web.
Pour un développeur « classique » le Xeon W 10 cœurs est un bon compromis, nous ont assuré plusieurs développeurs. Il offre un mode TurboBoost solide (à 4,5 GHz) et assez d’unités de calcul. En revanche, si vous développez pour « l’intelligence artificielle » ou travaillez avec des applications multithreadées, le 18 core est sans doute le meilleur choix.
En attendant, nous avons eu droit à plusieurs démonstrations assez probantes. A chaque fois les développeurs annonçaient, heureux, avoir observé de sérieux gains de performances. Le plus significatif affiche un facteur 12x par rapport à l’iMac haut de gamme sorti en juin dernier.
Nous avons ainsi pu constater que l’iMac Pro peut apporter pas mal de souplesse à un développeur. Petit cas d’étude. Tout commence, dans XCode, avec l’exécution d’un test de l’interface utilisateur d’une application iOS. Le test tourne sur trois appareils « émulés » en même temps : un iPhone 8 Plus, un iPhone X et un iPad. Tout est fluide, aucun ralentissement en vue. On constate alors qu’une machine virtuelle VMWare est en cours d’exécution et fait tourner une distribution Ubuntu, avec un serveur. Toujours pas de ralentissement. Puis on découvre une autre machine virtuelle, avec une vieille version de macOS. Car il est parfois nécessaire de tester la rétrocompatibilité d’une application Web avec une vieille version de Safari, nous dit-on avec le sourire. Nous en sommes donc à trois OS sur une machine… et ce n’est pas fini. On voit bientôt s’afficher la fenêtre d’une dernière machine virtuelle dans laquelle s’exécute Windows 10, avec de nombreuses itérations de Chrome.
Quatre OS et l’iMac Pro ne bronche pas. Le démonstrateur lance alors l’installation d’un framework Ruby sur l’OS principal. A aucun moment l’iMac Pro, son Xeon W 10 cœurs et ses 128 Go de RAM ne semblent ralentir, ni même vouloir ventiler.
Avec Final Cut Pro, on passera volontairement sur le montage d’une vidéo 360 – désormais supportée – et sur celui d’une vidéo 4K (4608, pour être précis), avec ces effets de correction de couleurs en temps réel. L’iMac Pro ne semble pas même forcer. On s’arrêtera directement sur le rendu d’un projet en… 8K, tourné avec une RED Weapon. Pourquoi la 8K ? Parce que ce format commence à être très populaire, notamment parce qu’il permet également de recadrer à la volée un plan pour avoir de la vraie 4K. La 8K permet à un réalisateur de repenser son travail en postproduction. Derrière cette démonstration, ne nous y trompons pas, Apple veut bien nous prouver que l’iMac Pro est lui aussi à l’épreuve du futur. Sans compter qu’avant lui, n’importe quel Mac aurait cessé de fonctionner dans ces conditions. Voilà, qui en dit long sur la puissance de la bête.
On pourrait multiplier les références aux démonstrations qui nous ont été faites, qu’il s’agisse d’outils de design industriel, d’imagerie médicale ou du nouveau Adobe Dimension, qui permet de créer des objets photoréalistes en s’appuyant sur toute la force de la Creative Suite et même sur Sensei, l’IA maison.
Toutes montrent que l’iMac Pro est une bête de course, qui rend possible certaines choses et en accélèrent d’autres. C’est également un monstre de puissance qui incarne l’ouverture d’Apple vers de nouveaux domaines, comme la réalité virtuelle – même si l’iMac haut de gamme sorti en juin dernier est également prêt pour la VR, selon Apple. L’intérêt enfin revendiqué du géant de Cupertino pour cette technologie est une bonne nouvelle pour les utilisateurs de Mac mais aussi pour la réalité virtuelle. Car, cela met cette technologie à la portée de “tous les créatifs qui travaillent sur Mac et ne souhaitent pas quitter cet écosystème“, remarquait un représentant de la jeune société Survios, éditeur d’Electronauts, jeu-expérience de création musicale en VR.
Demeure la question du prix. Disponible à partir de 5500 euros en France, l’iMac Pro est cher, sans aucun doute. Mais, en attendant de voir ce que le monde PC pourra proposer d’équivalent, on peut néanmoins se dire qu’Apple vient de poser la première pierre qui redéfinira en beauté sa gamme vraiment professionnelle. S’il faudra attendre nos tests pour s’en assurer, l’iMac Pro a tout l’air d’une machine particulièrement bien intégrée, très polyvalente et d’une certaine façon évolutive. Apple pense avoir visé juste, suffisamment pour séduire de nouveau des professionnels qu’il semblait avoir délaissé. Au mieux, il restera comme la station de travail tout-en-un qui a tout redéfini. Au pire, il demeurera un bel avant-goût de ce que peut faire Apple… en attendant le futur Mac Pro.
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