Homme politique, administrateur civil de formation, député de la Nièvre, Christian Paul, 40 ans, multiplie ses compétences informatiques sur Internet. Hier, il faisait passer la loi sur la signature électronique ; aujourd’hui, il peaufine un rapport sur la corégulation d’Internet. Cette mission, débutée le 15 novembre dernier, doit déboucher début mai et devrait définir la composition et les compétences d’un futur organisme de contrôle du Web en France.
Quinze jours avant la remise officielle de votre rapport au Premier ministre Lionel Jospin, quel est l’état d’avancement de vos travaux ?
– ” L’option politique majeure est de ne pas créer un ” gendarme de l’Internet “. Ainsi, la régulation ne se fera certainement pas par une autorité qui donne des autorisations, effectue un contrôle ou fixe des quotas. Ce qui ressort des auditions que nous menons, tant du côté des internautes libertaires que des entreprises, c’est un message simple : il faut que les institutions démocratiques – Parlement, gouvernement et juges – jouent leur rôle, tout en conservant une souplesse d’action. Nous nous orientons actuellement vers une structure qui aura pour but de stimuler la régulation publique et l’autorégulation. En clair, ce doit être un lieu de rencontre, un lieu de recommandations et d’information au public, précisant les droits et les devoirs de chacun en matière d’Internet. “
Pensez-vous qu’un pays puisse entreprendre de réguler Internet qui est, par définition, un réseau mondial, c’est-à-dire l’exact opposé d’un système centralisé comme le Minitel ?
” Tous les Etats du monde se posent aujourd’hui la même question. Et certains pays, comme les Etats-Unis, sont beaucoup plus en avance sur ce sujet que la France. La question n’est pas tant de savoir s’il faut réguler Internet que de trouver une forme adaptée de régulation. La régulation publique d’Internet, qui se distingue de celle effectuée par le marché, se construit actuellement simultanément aux niveaux national, européen et mondial. “
Mais n’y a-t-il pas une sorte d’ambivalence entre le conseil prudent, d’un côté, et lefficacité répressive, de l’autre ?
” Peut-être, mais personne aujourd’hui ne remplit vraiment ce rôle-là. Et cet organisme sera tout sauf une expression des lobbies. Il aura donc, de fait, un vrai pouvoir de recommandation en s’autosaisissant, si besoin, de questions sensibles ou en instance de règlement. “
Vous préconisez, donc, la création d’une sorte de comité des sages d’Internet…
” Non. Nous réfléchissons plus à une sorte de forum ouvert, à géométrie variable selon les sujets à l’ordre du jour. Une composition modulable, avec peut-être, toutefois, une sorte de noyau dur pour assurer une certaine stabilité. Pour sa part, le Sénat s’est récemment prononcé pour la création d’une autorité de contrôle d’Internet… Si le Sénat veut s’amuser à contrôler le réseau, il peut en faire la proposition. Il a fait, jusqu’à récemment, des propositions plutôt intéressantes dans le domaine de la société de l’information. Il se trouve que là, avec les amendements qu’il a portés au projet de loi de Catherine Trautmann, il a plutôt dérapé. Je crois que l’idée d’un Conseil supérieur d’Internet n’a en effet pas grand sens.”
Un difficile exercice de dosage
Initialement prévu pour fin mars, le rapport de Christian Paul a pris du retard. Mais la complexité de la mission justifie ce délai supplémentaire. Il est, en effet, nécessaire que les conclusions du député reflètent – au plus près – les attentes de chacune des parties pour que les décisions qui seront prises soient respectées par tous. Des internautes qui plaident pour une certaine liberté ; des fournisseurs d’accès et de services, qui veulent des responsabilités définies ; des organes publics – ART, CSA, Cnil -, qui cherchent à être représentatifs ; des entreprises (Medef), qui désirent un certain contrôle, et des associations familiales et de consommateurs, qui veulent définir des limites. Une multitude d’intérêts et de demandes qu’il sera difficile de doser. D’un côté, le gouvernement désire contrôler les usages du réseau des réseaux. De l’autre, conscient des limites de la territorialité, il ne peut instaurer un gendarme comme il en existe déjà dans les télécoms (ART) et l’audiovisuel (CSA). Dans le débat légitime sur le bon usage du réseau, les facteurs personnels et politiques ne manqueront pas d’affleurer. Lionel Jospin, sur la foi du rapport, engagera la décision du gouvernement. Hubert d’Erceville
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