C’est dans les situations de crise que l’on mesure le mieux ses propres handicaps. Il faut ensuite s’attacher à les éliminer avec la volonté politique nécessaire. La crise financière que nous connaissons depuis plus de deux ans peut nous faire poser une question d’une grande simplicité : à quoi servent les Bourses européennes ? Si l’on suit attentivement les journées boursières du Vieux Continent, elles se partagent en effet en deux périodes bien distinctes : la matinée, où les opérateurs s’efforcent de reproduire la tendance observée la veille à Wall Street, et l’après-midi, où les opérateurs s’efforcent de reproduire la tendance du jour à Wall Street.
Après la concentration, la fusion
Il n’y a rien là que de très naturel, et notre propos ne vise ni à critiquer les opérateurs des Bourses européennes, ni ces Bourses elles-mêmes. Quand on opère sur un marché dont l’économie sous-jacente est liée à l’économie américaine, mais dont la profondeur financière est bien moindre que celle de New York, on ne peut que reproduire la tendance new-yorkaise, et ce phénomène est vrai de toutes les Bourses européennes, même de la plus importante, celle de Londres.C’est bien le morcellement des Bourses européennes qui est en cause. Ces places sont engagées depuis quelques années dans un mouvement de concentration capitalistique (création d’Euronext, acquisition par Euronext des dérivés londoniens), mais ce mouvement, nécessaire, n’a pas encore entraîné là ce qu’on pourrait appeler la fusion des supports : le fait de ne plus avoir qu’une Bourse entre plusieurs pays, avec exactement la même liste de valeurs cotées.Qu’en serait-il si nous n’avions un jour en Europe qu’une seule Bourse, elle-même assise sur une seule monnaie ? Tout d’abord, les entreprises auraient accès à un marché financier bien plus profond que celui auquel elles ont accès aujourd’hui sur leurs Bourses nationales. C’est cette profondeur financière que les plus importantes d’entre elles vont chercher aujourd’hui dans la double cotation entre leur place européenne d’origine et New York. Ensuite, les investisseurs et opérateurs pourraient réaliser des économies importantes en n’ayant plus à intervenir que sur un marché, au lieu d’avoir à entretenir, comme aujourd’hui, des équipes nationales sur les principales places européennes. Enfin, une évolution financière européenne autonome pourrait voir le jour, ou plus exactement renaître. Les surenchères politiques entre démocrates et républicains à la veille des élections partielles de novembre cesseraient d’être un enjeu financier pour les entreprises européennes. Peut-être même verrait-on Wall Street influencée par l’Europe…
Un obstacle : la rivalité des places
Il ne faut pas se dissimuler l’obstacle principal à cette fusion, qui est la rivalité, presque biséculaire, entre les places financières européennes. Les banques ont certainement un rôle moteur à jouer dans cette fusion, car elles en seraient parmi les principaux bénéficiaires. Le caractère purement électronique des transactions doit aussi aider à concevoir une Bourse européenne qui soit la plus immatérielle possible, avec une localisation de bureaux politiquement neutre, sans doute ailleurs qu’en France, au Royaume-Uni ou en Allemagne. L’unification monétaire en cours aura été bien plus ardue que ne le serait l’unification boursière : cette dernière serait certainement une étape très importante dans la construction dune Europe unie.* Partner Accenture
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