Jean-Marie Messier et Steve Case ont-ils eu raison trop tôt ? Si tous les deux ont perdu la responsabilité des méga ensembles qu’ils avaient constitués, le rapprochement des réseaux audiovisuels et télécoms constituera pour les gouvernements européens l’un des chantiers majeurs de l’année à venir : les pays membres de l’Union doivent procéder avant la fin juillet 2003 à la transposition du “Paquet Télécom” dans leurs législations.
Trois conséquences de taille
L’harmonisation des règles appliquées aux liaisons audiovisuelles et télécoms, et leur rassemblement dans un vaste ensemble dit de “communication électronique”, constitue l’axe majeur des sept directives et décisions qui le composent. Mais cette réunion est plus empreinte des valeurs télécoms, et anglo-saxonnes, que du registre exception culturelle à la française : stimulation des marchés par la concurrence et non par la réglementation, analyse économique et règlement des conflits confiés aux autorités de régulation, encadrement des “acteurs puissants” sur des “marchés pertinents” aux frontières actualisées.À la demande, notamment, de la France, l’édition de chaînes et la distribution de programmes ont été maintenues hors du périmètre d’application directe du “Paquet “. Les conséquences pour les activités de contenus n’en seront pas moins importantes, à un triple niveau :
par l’effet des dispositions, dont la transposition apparaît à peu près automatique : plus de liberté pour les opérateurs du câble avec la suppression probable de l’autorisation des communes et du plafond de 8 millions d’habitants desservis, mais aussi séparation imposée des activités de transporteur et de distributeur, voire possible contrôle tarifaire ; stimulation de la concurrence dans le secteur de la diffusion, avec la reconnaissance possible du statut d’acteur puissant à TDF ; augmentation des pouvoirs d’investigation économique et de règlement des litiges de l’ART et/ou du CSA, et redéfinition plausible des terrains de compétences des deux instances, pour s’en tenir à ces exemples.
Par des réformes que le Paquet Télécom n’impose pas, mais que le ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon pourrait inscrire dans son projet de loi par souci de cohérence ; à titre d’exemple, la suppression du plafond auquel sont soumis les câblo-opérateurs devrait conduire à une réflexion plus large sur la révision du dispositif anticoncentration en vigueur ; le gouvernement a intégré à la consultation conduite pendant l’été une question relative aux relations entre chaînes et distributeurs, alors que cette question ne relève pas du territoire du Paquet Télécom. Le débat parlementaire pourrait soulever d’autres points de réforme de la loi de 1986… dans la limite du calendrier.
Par une dynamique, moins tangible dans l’immédiat mais qui vise les fondements même de l’encadrement du secteur audiovisuel français, enfin. Ainsi, par exemple, des perspectives ouvertes sur la cessibilité des fréquences et plus encore du débat sur l’éventuel paiement d’un droit d’usage des fréquences : les contraintes d’intérêt général auxquelles sont soumis les opérateurs privés, telles que le soutien à la production, sont traditionnellement considérées comme la contrepartie de la concession gracieuse d’un bien public rare ; on imagine mal que ces contraintes puissent rester au même niveau si l’usage n’est plus gratuit…La transposition du Paquet, si elle est conduite dans les délais prévus par le gouvernement et dans la grande discrétion qui l’a pour l’instant entouré, vaudrait enseignement sur l’évolution des modes d’action politique : alors que le gouvernement Jospin avait fait de l’audiovisuel et de la société de l’information deux thématiques fortes des réformes annoncées en 1997, c’est une loi Trautmann au périmètre réduit qui est entrée en vigueur après trois ans de travaux, quand la LSI, elle, naboutissait tout simplement pas. Reste à savoir si le contexte restera aussi serein quand le débat prendra le tour concret de la rédaction du projet de loi…* Consultant Nouveaux paysages Audiovisuels
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