Google a annoncé au mois de septembre 2020 son ambition de cesser de recourir à des énergies carbones (charbon, pétrole, gaz naturel) avant 2030 pour faire fonctionner ses bureaux et data centers. Plutôt ambitieux.
Adieu la compensation
Le groupe américain affichait déjà une consommation énergétique compensée à 100%. Ce qui signifie qu’il continuait à utiliser des énergies carbonées mais qu’il s’assurait à la fin de l’année que ses développements dans le renouvelable étaient de quantité équivalente pour les compenser. Désormais, il s’agit d’éliminer tout bonnement le recours au fossile (charbon, pétrole, gaz naturel).
« Nous allons passer d’une compensation annuelle mondiale de 100% de notre consommation électrique avec de l’énergie non carbonée, à une utilisation d’électricité non carbonée en local 24 heures sur 24. Il s’agit, pour chacun de nos data centers, de n’utiliser, à toute heure de la journée et tous les jours, que de l’ énergie qui n’émet pas de CO2, soit parce que cette énergie existe déjà dans le réseau soit en implémentant de nouveaux projets complémentaires : nouveaux développements renouvelables, stockages d’électricité, etc » , nous détaille Fabien Vieau, directeur des stratégies énergétiques des data centers Google.
Une précision s’impose ici. Les énergies renouvelables sont souvent présentées comme « propres » ou « non carbonées » dans le langage courant. Google déclare, par exemple, qu’elles n’émettent pas de CO2. Mais c’est faux. Elles émettent bien des gaz à effets de serre (GES) en amont, lors de la fabrication et de l’installation des équipements, et en aval, lorsqu’il faut traiter leur fin de vie. Les quantités de GES sont malgré tout beaucoup plus faibles qu’avec des sources fossiles.
Une consommation optimisée dans le temps
Pour atteindre son objectif en 2030, Google oeuvre sur plusieurs fronts. Le plus impressionnant est sans doute sa capacité récente à optimiser sa consommation électrique au niveau mondial.
Il dispose de 23 très gros data centers dits hyperscale (voire la carte ci-dessus), de plusieurs centaines de points de présence et de multiples serveurs installés plus profondément dans les réseaux de ses partenaires. Concernant les structures hyperscale, le géant américain a dévoilé en avril 2020 le pilote d’une plate-forme informatique intelligente qui répartit automatiquement les tâches de calcul au moment de la journée où les sources d’énergie renouvelables sont les plus abondantes.
Pour cela, il s’est associé avec le service de prévisions météo Tomorrow qui appartient à Twitter et qui prédit l’intensité carbone horaire moyenne du réseau électrique local au cours d’une journée.
De son côté, Google calcule les ressources énergétiques dont un centre de données a besoin pour effectuer ses tâches de calcul sur la même période. Il ne reste alors plus qu’à aligner les deux.
Des tâches de calcul réparties dans le monde
En 2020, il s’est surtout agi de déplacer les tâches de calcul dans le temps au sein d’un même data center. La deuxième étape en cours, consiste à les transférer physiquement d’un centre de données à un autre dans le monde pour éviter de recourir à des énergies fossiles ou nucléaire.
« Une opération qui devait avoir lieu au Nevada, par exemple, va pouvoir simplement être repoussée au lendemain après-midi au moment où il y aura de l’énergie solaire. Si elle doit être exécutée immédiatement, nous ferons alors appel à un emplacement où prévaut l’énergie non carbonée à ce moment précis. Cela pourra être en Finlande grâce à de l’éolien, par exemple », explique Fabien Vieau.
En revanche, Google ne compte pas se mettre à construire lui-même des fermes solaires ou éoliennes.
« Nous ne produisons pas d’énergie. Nous arrivons en acheteur sur le long terme sur des projets à développer, notamment à travers des PPA ». Les PPA sont des Power Purchase Agreement.
Ce sont des contrats d’électricité qui lient un acheteur et un producteur, assez courants aux Etats-Unis. Ils permettent de financer la construction et l’utilisation d’installations pour les énergies renouvelables.
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Des batteries de stockage
Autre axe de développement, l’installation de batteries directement dans les data center. En cas de panne, les centres de données doivent être capables de puiser en quelques secondes des millions de watts. La solution la plus courante était jusqu’à maintenant d’avoir recours à des générateurs fonctionnant avec du diesel qui restent inactifs la plupart du temps.
Un nouveau système de secours avec batteries est en train d’être déployé, et peut faire double emploi.
« Nous déployons des batteries qui permettent de stocker de l’électricité issue de sources d’énergies non carbonées, qui peut être réinjectée dans le réseau électrique quand nous en avons besoin, comme c’est progressivement le cas dans notre data center en Belgique », ajoute le porte-parole de Google.
Une expérimentation de géothermie
Parmi les nouveaux projets aux résultats plus hypothétiques, il y a aussi la géothermie. Lors de sa dernière conférence développeurs du mois de mai dernier, Google a annoncé un partenariat avec la start-up Fervo pour faire de la géothermie nouvelle génération. Il s’agit de forer des puits pour atteindre des couches chaudes du sous-sol, puis d’injecter de l’eau afin d’en récupérer l’énergie et, enfin, de la convertir en électricité.
Dès 2022, les data centers de Google situés dans le Nevada pourront en bénéficier. Le géant de Mountain View va d’ailleurs développer des logiciels pour rendre cette technologie plus efficiente. Des câbles en fibre optique seront poser à l’intérieur des puits et permettront de faire remonter des informations sur le débit, la température ou les performances. Google s’occupera de l’aspect logiciel.
« Nous allons développer des algorithmes d’intelligence artificielle qui vont améliorer l’efficacité de la production de ces puits et que nous rendrons ensuite disponibles pour que d’autres acteurs de cette industrie puissent également obtenir plus de productivité. »
Verdir la consommation d’électricité n’est pas suffisant
Vous l’aurez compris, Google se montre très volontaire pour optimiser et verdir sa consommation d’électricité. Dommage que ses actions s’accompagnent d’un discours un peu biaisé. Le géant du cloud et du Web met en effet systématiquement l’accent sur la consommation électrique de ses data centers et de ses bureaux. Ce qui semble signifier que c’est ce qui aurait le plus d’impact sur l’environnement. Non seulement ce n’est pas le cas, mais cela a pour effet de minorer d’autres aspects négatifs.
Comme le rappelle l’expert Green IT Frédéric Bordage dans son livre La sobriété numérique, c’est au moment de la fabrication des équipements et non de leur utilisation que la dépense énergétique est la plus forte. Cela vaut pour un smartphone, comme pour un serveur. L’étape de la fabrication concentre à elle-seule 80% de cette facture énergétique.
Ce n’est pas le seul problème. Ces centres de données consomment aussi beaucoup d’eau et ont des conséquences sur les sols, la faune et la flore lors de leurs installations, comme Google le reconnaît dans son rapport annuel sur le développement durable.
Alors certes, il s’est engagé dans un modèle d’économie circulaire basé sur l’allongement de la durée de vie de ses serveurs, ainsi que le réemploi et le recyclage au maximum des composants. Il soigne aussi l’écoconception des bâtiments et tente de limiter ses dépenses en eau.
Mais il faudrait procéder à une analyse complète et multicritère du cycle de vie de ses data centers pour rendre compte avec précision de leur impact sur l’environnement et de la quantité exact de gaz à effet de serre qu’ils émettent. Or, l’entreprise se refuse à communiquer ce type d’analyses comme toutes les grandes sociétés du secteur.
Les centres de données sont amenés à se développer dans les années à venir, sous l’effet d’une forte demande de stockage et de traitement des données. Sans ces analyses de cycle de vie, il sera impossible de savoir si leur impact global s’alourdit.
Sources : Rapport sur le développement durable Google 2020, les communiqués de presse de Google sur ses data centers et leur efficience, le livre La sobriété numérique de Frédéric Bordage
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