” Désolé, votre mot de passe est invalide… “Maurice fait grise mine devant son PC. Pour la troisième fois, sous le regard goguenard de sa petite famille, il essaie les codes fournis par sa banque. Tout y est : pas de faute de saisie, respect des minuscules et des majuscules, code de l’agence, numéro de compte, mot de passe… Pourtant, rien n’y fait.S’ensuivent quelques remarques amusées de son épouse : “Ah ! c’est génial Internet. Et ça sert à quoi d’avoir une ligne ADSL si on ne peut même pas voir son extrait de compte ?” Même les enfants exultent :“Papa, il est planté ! Papa, il est planté !”
Papa Maurice ne ” moufte ” pas, mais n’en pense pas moins. “Vous, les gamins, Contrôle-Z.”Sur le papier envoyé par son agence, on lui rappelle dans un coin qu’il peut changer son mot de passe. Maurice n’hésite pas, il y va de son honneur ! Sinon, ses trois mômes et son épouse vont le ranger directement dans la catégorie des ” technoploucs “.
Retour sur la page précédente, clic sur l’option ” Vous souhaitez changer de mot de passe “. Maurice suit scrupuleusement chaque étape. Il remplit absolument toutes les options et valide enfin son mot de passe, un élégant agrégat des prénoms de ses gniards et de sa tendre épouse. “Ressaisissez le mot de passe pour contrôle, et validez.”Maurice obtempère.Miracle ! S’affiche à l’écran : ” Opération réussie, vous pouvez utiliser votre nouveau mot de passe. “Et voilà Maurice le sourire aux lèvres, mais quand même un peu pâle, qui revient à la case départ : code agence, numéro de compte, nouveau mot de passe, validation. Les yeux vrillés sur l’écran, Bernadette, son épouse, commente : ” Euh ! là, tu es un vrai magicien… “
Effectivement. A l’écran, le solde est grassement positif, à la limite de l’obscène, là où un découvert autorisé devrait logiquement s’afficher en rouge. Maurice n’en croit pas ses yeux. Il ne savait pas que son PEL était plein à craquer, qu’il avait des actions sur un PEA et quelques autres broutilles qui rendent les fins de mois souriantes.Du coup, Bernadette lui demande de cliquer ici et puis là. Même l’option ” Virement ” est active. Par acquis de conscience, Maurice note les montants (la part du rêve), les infos qui lui permettront de prouver qu’il était bien ailleurs.
A ses côtés, Bernadette commence à criser sur la sécurité qui protège son découvert bancaire des yeux indiscrets. Maurice revient à la page de saisie des codes. Il l’ausculte, tel un médecin-légiste face à un cadavre tout frais, et découvre dans un coin un bouton ” Démonstration “. Clic ! Revoilà les mêmes comptes, toujours aussi grassement garnis.Ainsi, son mot de passe perso lui ouvre les portes… de la démo vantarde de sa banque plutôt que celles de son compte naufragé, sans explication. De fait, la procédure de personnalisation du mot de passe est en rade. Et la banque, subtile, de conduire tous les internautes-clients de bonne foi vers une page où il fait bon rêver. A croire que la banque aimerait bien navoir que des clients ayant au minimum ce profil !
Maurice, pas bête, a quand même testé deux autres mots de passe avant de décrocher son téléphone. “Ecrivez à votre agence, lui a-t-on répondu, elle transmettra au service informatique.”
Génial ! Ils ne lisent même pas leurs mails au service informatique du Crédit Lyonnais.Prochaine chronique le samedi 14 octobre 2000
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