“J’en ai marre de voir des jeunes mourir sur la table d’opération des urgences après de terribles accidents de la route alors qu’il aurait pu en être autrement.”Voilà le cri d’alarme lancé par le professeur Christian Brunet, chirurgien des hôpitaux et directeur du Laboratoire de Biomécanique appliquée (LBA) de la Faculté de médecine de Marseille-Nord. Un laboratoire particulier, où des chirurgiens spécialisés en traumatologie et des chercheurs se sont mis au service de la sécurité routière dans le cadre d’un programme européen.
Un homme modélisé en 3D
Le LBA travaille en collaboration étroite avec un consortium regroupant 15 centres de recherche et quelques constructeurs automobiles. Le but de l’opération : créer un être humain numérique en trois dimensions, destiné à la simulation de crash tests. Selon Christian Brunet, les mannequins utilisés lors des crash tests, même dotés de capteurs, ne peuvent pas rendre compte des conséquences réelles d’un accident de la route sur les occupants du véhicule.Comment une tête en métal, recouverte de silicone pourrait-elle révéler des blessures, les lésions internes et les hémorragies ? “Les dégâts sont sous-estimés”, affirme Christian Brunet. C’est pourquoi, depuis trente ans, les médecins et chercheurs du LBA utilisent de véritables corps humains pour réaliser leurs crash tests. Il s’agit de personnes décédées ayant fait don de leur corps à la science. Le personnel du LBA les nomme pudiquement “sujets d’anatomie “. Ils sont le seul moyen de mieux connaître les véritables traumatismes occasionnés par un accident. Grâce à ces tests, les voitures ont été radicalement modifiées.Aujourd’hui, par exemple, les pare-chocs sont moins blessants pour les piétons. Mais ce genre de crash test est onéreux, et l’utilisation de cadavres peut choquer du point de vue moral.Ces deux raisons ont poussé le LBA et ses partenaires à se lancer dans la conception d’un modèle informatique.Pour fabriquer Humos, les chercheurs ont eu recours à un véritable corps humain, qu’ils ont congelé à -23?’ en position de conduite avant de le découper en fines lamelles de cinq millimètres. Les contours des organes internes ont alors pu être relevés par des médecins à l’aide d’une tablette graphique. Puis ces résultats numérisés ont été transformés en modèle informatique par Mecalog, une société spécialisée dans la modélisation en 3D qui travaille dans les locaux du laboratoire. Ainsi, chaque élément du corps humain est représenté par une superposition de triangles et de polygones. Chacun des points de liaison entre ces formes géométriques est caractérisé par des lois mécaniques. Au total, Humos est constitué de 58 000 éléments et 53 000 points de liaison, tous régis par 300 propriétés de matériaux différents. “On a reconstitué tous les organes, les os, les ligaments, en appliquant à chacun d’entre eux des caractéristiques de résistance”, explique Pierre-Jean Arnoux, ingénieur chez Mecalog. Certes, Humos n’est pas encore parfait. Il lui manque la tonicité musculaire, de l’air dans les poumons et la pression sanguine.Le LBA continue de pratiquer des crash tests avec des corps humains. Après autopsie, les données sont intégrées dans la base de données de Humos.Grâce à ce corps numérique, le laboratoire a réussi à contredire les thèses sur le “coup du lapin” et à montrer comment il se déroule vraiment. Et les chercheurs travaillent déjà sur… Humos 2
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