Avant d’attaquer ce double test, il nous semble primordial de revenir sur le lien entre Huawei et Honor. Vous le savez peut-être, Honor a longtemps été la filiale « jeune » et « online » de Huawei, avec des prix réputés plus agressifs. Huawei et Honor ont toujours eu l’honnêteté d’assumer leur connexion, ce que l’on ne peut que saluer face aux ambiguïtés pratiquées par certains de leurs concurrents (comme Oppo, OnePlus et Realme). Huawei et Honor ont longtemps profité d’une excellente réputation, aussi bien chez la critique que chez les consommateurs.
Malheureusement, tout s’est effondré en 2019. Bousculé par les sanctions inédites que lui ont infligées les États-Unis (qui le privent de certains composants et des logiciels américains), Huawei a décidé de se séparer de son petit frère fin 2020. Honor a depuis pris son indépendance et, normalement, fabrique désormais ses produits tout seul.
La subtilité de notre précédent paragraphe se trouve dans le « normalement ». Si Honor est désormais une marque à part entière, son dernier smartphone nous interroge sur la réalité de sa séparation avec Huawei. Pour toutes ces raisons, plutôt que de vous proposer deux tests distincts sans grand intérêt (ils se seraient beaucoup ressemblé), nous avons souhaité rédiger un test croisé des derniers smartphones des deux marques chinoises, les Huawei Nova 9 (499 euros) et Honor 50 (549 euros), lancés à quelques jours d’intervalle. Lequel s’en sort mieux ? Peuvent-ils coexister ? Voici quelques éléments de réponse.
L’attaque des clones
Il faut dire que la ressemblance entre le Huawei Nova 9 et le Honor 50 est troublante. Rien que les boîtes de ces produits suffisent pour comprendre que quelque chose cloche : elles sont tout simplement identiques (il y a juste écrit 5G sur la boîte du Honor 50, ce que le Huawei Nova 9 n’est pas).
Ensuite, esthétiquement, les deux smartphones sont les mêmes ou presque. Ils disposent tous deux d’un écran OLED de 6,57 pouces avec les mêmes bordures, d’un dos en verre avec un module caméra en deux parties circulaires, de boutons et de ports exactement aux mêmes endroits et offrent un confort d’utilisation quasiment similaire (avec une finesse de 7,7/7,9 millimètres et un poids de 175/176 grammes, ils sont extrêmement agréables à manier). Les deux smartphones ont sans doute été conçus avec des moules absolument identiques, ce qui rend leurs coques parfaitement interopérables.
Cette ressemblance n’est pas qu’esthétique. Les deux smartphones utilisent la puce Snapdragon 778G de Qualcomm (bridée en 4G sur le modèle Huawei), 8 Go de RAM et une batterie de 4300 mAh. Les deux terminaux peuvent se recharger avec une puissance maximale de 66W et l’interface de leur surcouche logicielle est quasiment la même, mais nous y reviendrons plus tard.
Se pose alors une question : Huawei et Honor se moquent-ils du monde en affirmant qu’ils sont séparés ? Si le timing de ces deux lancements a de quoi faire douter, nous pensons qu’il est trop tôt pour se prononcer sur cette question. Le Honor 50 a sans doute été conçu à l’époque où Honor appartenait à Huawei, ce qui justifie toutes ses similitudes. Seul le futur nous permettra de savoir si Honor s’éloigne vraiment de Huawei. En attendant, c’est la ressemblance entre ces deux produits qui nous dérange : comment un consommateur peut-il faire le bon choix entre deux smartphones aussi semblables, d’autant plus que Honor revendique clairement ses intentions de récupérer les parts de marchés perdues par Huawei ? (Ironiquement, rechercher le « Nova 9 » sur des sites comme celui de la Fnac redirige vers le Honor 50).
Tests labo : avantage Honor
Pour en savoir plus sur ces deux appareils, le laboratoire de 01net.com a effectué différentes mesures. À notre grande surprise, là où nous nous attendions à obtenir des résultats extrêmement similaires, nous avons remarqué d’importantes disparités entre les deux appareils. L’écran du Honor 50 est par exemple plus lumineux que celui du Huawei Nova 9 (774 cd/m2 contre 684 cd/m2), ce qui est très étonnant au vu de leurs caractéristiques absolument identiques. Il s’agit dans les deux cas d’excellentes mesures, mais le smartphone Honor est en effet un peu plus lisible au soleil (les fournisseurs de dalles sont-ils différents ? Est-ce une question de comportement logiciel ?) En revanche, au niveau de la fidélité des couleurs, l’étalonnage du modèle de Huawei est largement supérieure (Delta E de 1,57 au mieux, contre 4,15 chez Honor). Nous pouvons en déduire que les ingénieurs de Huawei et Honor ont conservé une certaine liberté dans leur manière d’utiliser le hardware, ce qui veut dire que les appareils ne sont pas exactement les mêmes.
Au niveau des performances et de la fluidité, nous donnons aussi l’avantage au Honor 50. Très fluide en permanence, le smartphone n’a connu aucun ralentissement durant les jours où nous l’avons utilisé. Le Huawei Nova 9 s’est avéré plus décevant. Il subit parfois d’étonnants lags qui nous font penser à des problèmes d’optimisation logicielle, ce qui ne serait pas étonnant au vu de tout ce que Huawei a dû faire pour compenser l’absence de Google. Tout ceci se constate très légèrement dans nos tests de benchmarks (AnTuTu) où le mobile de Honor est en effet à peine mieux noté que celui de Huawei. On rappelle également une dernière fois que la puce Snapdragon 778G du Huawei Nova 9 a dû être bridée sur demande des autorités américaines, ce qui l’empêche de supporter les réseaux 5G. Ce n’est pas forcément grave pour les utilisateurs en 2021, mais cela pourrait l’être dans le futur. Niveau commerce, cela désavantage particulièrement Huawei que les opérateurs n’auront pas vraiment envie de mettre en avant.
Du côté de l’autonomie, le Honor 50 bat une nouvelle fois son frère jumeau. Le Huawei Nova 9 a résisté 13 h 57 à notre test d’autonomie polyvalente et 11 h 49 en streaming vidéo, contre 15 h 26 et 13 h 13 pour le Honor 50. Cet écart de deux heures crée une vraie différence au quotidien. Le Nova 9 finit la journée sous la barre des 20%, le Honor 50 est lui un peu au-dessus. Une nouvelle fois, nous blâmons l’optimisation logicielle. Sans certaines API Google (dont les fonctions d’optimisation de la consommation d’énergie d’Android), le Huawei Nova 9 part sans doute avec un handicap. Heureusement, son autonomie est loin d’être mauvaise. Il ne s’agirait pas d’un défaut si nous ne faisions pas la comparaison.
Enfin, parlons de la recharge. Sans surprise ici, les deux smartphones passent de 0 à 100% dans des délais très similaires. Il faut 47 minutes au Honor 50 et 49 minutes au Huawei Nova 9 pour retrouver la forme. Au vu de l’approximation des mesures de recharge (le pourcentage indiqué n’est pas toujours le vrai), nous pouvons en conclure qu’ils vont exactement à la même vitesse. C’est tout sauf étonnant. Il est dommage qu’aucun de ces deux appareils ne supporte la recharge sans-fil.
Huawei a une avance en photo
Faut-il dès maintenant enterrer le Nova 9 ? Ce serait mal connaître Huawei. Roi incontesté de la photo depuis l’apparition de la gamme P20, le constructeur chinois nous prouve une nouvelle fois avec son Nova 9 que son savoir-faire est largement supérieur à la moyenne. Si le Nova 9 n’a pas la qualité d’un mobile Huawei haut de gamme (comme le Mate 40 ou le P40), il réussit sans contestation possible de meilleures photos que le Honor 50. Le tout tient en quatre lettres : RYYB. La technologie SuperSpectrum de Huawei, que Honor n’utilise pas sur son dernier mobile, permet au capteur photo principal du smartphone de capter beaucoup plus de lumière grâce à une évolution de la matrice de Bayer. En conséquence, surtout de nuit, le Huawei Nova 9 gère beaucoup mieux l’absence de luminosité. De jour, les résultats sont proches.
Ne vous fiez pas aux chiffres, le capteur de 108 Mpix du Honor 50 est moins bon que le capteur de 50 Mpix du Huawei Nova 9. Les trois autres appareils photo des deux smartphones sont pour le coup identiques, avec de l’ultra grand-angle relié à un capteur de 8 Mpix, un capteur de profondeur et un capteur macro.
Dernière chose, si le Huawei Nova 9 est meilleur que le Honor 50 en photo, il n’est pas le meilleur mobile milieu de gamme en photo pour autant. Des appareils comme le Google Pixel 4a 5G, vendu au même prix de 499 euros, s’en sortent selon nous mieux. Les meilleurs résultats de Huawei face à Honor n’en font pas néanmoins la nouvelle référence du marché.
Le logiciel pénalise Huawei
Enfin, comment tester le Huawei Nova 9 sans adresser l’épineuse question du logiciel, un point aussi important que le matériel, si ce n’est plus, selon nous ? Sans Google, Huawei multiplie les investissements depuis 2019 pour prendre son indépendance logicielle. Le chemin parcouru en deux ans est impressionnant avec le développement de nombreuses API de substitution à celles de Google, l’arrivée de nombreuses applications sur l’AppGallery (le concurrent du Play Store), le lancement de nouveaux services maison estampillés « Petal » pour remplacer les applications de Google et la création d’HarmonyOS en Chine, un système d’exploitation basée sur Android Open Source. En France, Huawei utilise toujours l’appellation Android, mais a tout de même ajouté à son OS toutes les nouveautés exclusives à HarmonyOS, comme le nouveau centre de contrôle.
Deux ans après, Huawei a-t-il enfin rattrapé son retard ? La réponse est, une nouvelle fois, avec beaucoup de regrets, un grand non.
Même avec la meilleure volonté du monde, Huawei fait face à un problème quasiment impossible à régler : aujourd’hui, le monde du numérique dépend beaucoup trop des services américains, ce qui risque de l’empêcher indéfiniment de s’adresser au public français (les derniers chiffres de ventes en témoignent). Rien que la configuration du Nova 9 risque d’être compliquée pour celui ou celle qui n’est pas en possession de son ancien smartphone Android, ce qui est le seul moyen potable de récupérer ses contacts et ses applications. Beaucoup de services Petal sont aussi indignes d’une marque premium comme Huawei, comme l’AppGallery et ses publicités mettant en avant des femmes en décolleté ou le journal chinois Xinhua News, les nombreuses suggestions d’applications et les logiciels préinstallés, Petal Search qui suggère « maladie d’alzheimer » ou « covid » dans la barre de recherche de l’écran d’accueil… ou l’assistant vocal Celia, incapable de répondre à la moindre question et dont la voix semble étrangement dépressive (on vous invite à l’écouter dans notre vidéo-test, Celia semble vraiment souffrir). On pourrait aussi citer l’absence de services d’autoremplissage des mots de passe, Huawei Music qui nous propose des « surprises » ou l’impossibilité de mettre des vidéos en picture-in-picture. L’expérience est vraiment dégradée par rapport à un mobile Android avec les services Google, et Huawei n’y est malheureusement pour rien.
Au niveau des applications, l’expérience logicielle de Huawei résulte surtout du bidouillage. Si l’AppGallery s’est bien amélioré (son interface est enfin agréable, on sent que Huawei a vraiment fait attention aux critiques), le magasin d’applications du constructeur chinois ne propose toujours pas certaines applications populaires, particulièrement les Américaines (mais aussi quelques classiques français comme myCANAL). Pour le seconder, Huawei propose dans l’application Petal Search un moteur de recherche chargé de trouver des APK sur des sites tiers. Le tout fonctionne bien, mais, parfois, certains résultats ne sont pas affichés ou des liens sont cassés et mènent vers des applications obsolètes. Les mises à jour ne sont aussi pas automatiques, il faut télécharger un nouvel APK à chaque fois et l’installer manuellement…
Pour vous donner un exemple concret de dysfonctionnement, prenons l’application Velib, fièrement mise en avant sur l’AppGallery. Une fois téléchargée, cette dernière dit ne pas être à jour et ne fonctionne pas. Pourtant, sur l’AppGallery, aucune version plus récente n’est proposée. Il faut passer par le Play Store… indisponible sur les mobiles Huawei. Le serpent se mord la queue, l’AppGallery reste un magasin secondaire pour un grand nombre de développeurs.
Seule consolation, les incompatibilités, elles sont devenues très rares. Si la plupart des applications doivent être installées manuellement à l’aide d’APK, la plupart des logiciels qui indiquent ne pas être compatibles avec les smartphones Huawei (comme Netflix, myCANAL ou Chrome) le sont en réalité. Les API de substitution de Huawei réussissent leur mission. En revanche, certaines applications ne sont que partiellement fonctionnelles et ne permettent par exemple pas de s’identifier à un compte (comme Google Maps). Il reste quelques applis complètement incompatibles, comme YouTube. Elles sont rares.
En 2021, grâce aux efforts de Huawei, la vie sans services Google est possible. Cependant, on ne peut s’empêcher de se demander quel est l’intérêt de galérer autant pour une expérience finalement inférieure à ce que propose toute la concurrence ? À moins d’aimer Huawei plus que tout et/ou de détester Google, il vaut sans doute mieux prendre un appareil non restreint par les États-Unis. Nous ne pouvons que souhaiter un allègement des sanctions que subit Huawei qui lui permettrait, au moins, de récupérer les services Google en Europe.
Conclusion : Huawei ou Honor ?
Le Huawei Nova 9 et le Honor 50 ont un point commun : ils sont tous les deux de bons smartphones. Cependant, dans un contexte politique inédit, on peut se demander à quoi jouent les deux constructeurs en lançant deux appareils quasiment identiques à quelques jours d’intervalle, en jurant tous les deux qu’il s’agit d’une coïncidence. Tout ceci est d’autant plus étonnant que les prix des Huawei Nova 9 et Honor 50 sont quasiment les mêmes (autour de 500 euros, avec plusieurs remises à chaque fois) et que les revendeurs associent beaucoup trop les deux appareils, même s’ils tentent de vous vendre le Honor 50 qui est 5G et plus simple à utiliser.
Dans le cas de Honor, ce qui nous dérange le plus est l’absence d’une identité propre. Le Honor 50 est une copie du Huawei Nova 9 et ne permet pas à la marque de nous prouver qu’elle est devenue indépendante. Toujours est-il que l’on vous recommande son appareil et que seul l’avenir pourra nous dire ce qu’il adviendra vraiment de la marque chinoise. On a envie de lui faire confiance !
Dans le cas de Huawei, c’est beaucoup plus compliqué. Sans 5G, avec une expérience logicielle fortement restreinte et, surtout, face à un concurrent aussi semblable que le Honor 50, le Huawei Nova 9 peine vraiment à nous convaincre. Espérons que l’arrivée prochaine du P50 en France, avec ses appareils photo bien partis pour faire du mal à la concurrence, relance notre intérêt pour l’entreprise en Europe.
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