Le Huawei P9 et sa version Plus ont été officialisés hier : deux terminaux haut de gamme qui marquent un tournant dans les ambitions photographiques du constructeur chinois. Et pour s’attaquer aux terminaux d’Apple et de Samsung, références dans le domaine, Huawei a fait appel à rien de moins que Leica, marque légende dans le domaine.
Annoncé comme un partenariat de co-ingénierie, l’association des deux marques – dont on ne connaît rien des aspects business – est une première. Ou presque : Panasonic avait déjà sorti un smartphone doté d’une optique estampillée Leica, le CM1, mais le lancement avait été bien plus discret et aucune annonce de partenariat spécifique n’était annoncé – les deux marques sont déjà étroitement liées dans le segment de la photo pure.
L’originalité du Huawei P9 est son système de double module caméra. Si nous avons déjà vu des smartphones embarquer deux capteurs arrière, c’est la première fois qu’un terminal intègre deux focales et deux capteurs identiques. Identiques ou presque, car si la définition et la taille de photosites des composants sont les mêmes, un de ces capteurs est unique : il est 100% monochrome.
Double capteur dont un monochrome
Supposément développés par Sony, les capteurs du P9 sont des modules CMOS de 12 Mpix équipés de photosites de 1,2 micron. Le premier est un capteur à matrice RBG standard (dite « de Bayer »), c’est-à-dire qu’il voit en couleur, le second est dépourvu de cette matrice et voit donc le monde en noir & blanc.
A quoi peut bien servir un tel capteur ? Outre un usage dédié à la photo noir & blanc (lire plus bas), Huawei a expliqué être en mesure de coupler ses informations à son jumeau en couleur. Tandis que ce dernier récupère les informations de chrominance – la couleur donc – le module en noir & blanc interprète la luminance du signal, c’est-à-dire la quantité de lumière pour chaque pixel.
En couplant les deux informations, Huawei affirme que son P9 est « 270% plus sensible à lumière qu’un iPhone 6S et 90% plus sensible qu’un Samsung Galaxy S7 ». Il faudra voir si, en pratique, les ingénieurs logiciels de Huawei ont trouvé les bonnes astuces pour combiner efficacement les deux signaux mais sur le papier, cela semble possible.
Flou d’arrière-plan et post focus
Ce second capteur noir et blanc peut aussi être utilisé pour simuler un effet physiquement impossible* à recréer avec de si petits capteurs : le flou d’arrière-plan. Le premier HTC One M7 avait été le premier à simuler cet effet grâce à un second capteur. A l’époque, ce module d’une définition deux fois inférieure à celle du capteur principal de 4 Mpix ne servait qu’à mesure la distance du terminal aux objets. Outre la médiocrité des deux capteurs, le logiciel embarqué de l’époque n’était pas abouti et offrait des résultats – au mieux – médiocres.
Avec deux capteurs de définitions équivalentes et les années de R&D et retour sur expérience, Huawei pourrait réussir à simuler ce flou d’arrière-plan si cher aux amateurs de portraits et de photos au look éthéré.
Ce second capteur offrirait aussi, selon Huawei, une fonction de post focus. Dans ce mode, l’appareil capture plusieurs images rapidement, les combine dans un fichier et permet à l’utilisateur de définir la zone de mise au point – et la valeur d’ouverture de diaphragme simulée – à postériori. Ici le défi technique est encore plus grand, et il nous tarde de voir comment les ingénieurs chinois s’en sont sortis.
Optique certifiée Leica : lumineuse, mais pas trop
Les deux modules caméra estampillés Leica sont des Summarit équivalent à des 27 mm (en équivalent reflex plein format) ouvrant à f/2.2 soit la même ouverture que celle des iPhone 6 & 6S. Au jeu de la luminosité, ces blocs optiques n’ont donc rien d’impressionnant, le LG G4 intégrant par exemple une optique à f/1.8 – le dernier Galaxy S7 ouvre à f/1.9.
Mais l’ouverture maximale d’une optique ne présage en rien de sa qualité optique, de son homogénéité ou de son piqué. Si la collaboration avec Leica a été bien menée, les ingénieurs allemands devraient avoir imposé des normes drastiques sur la qualité des lentilles et celle de la formule optique. Espérons-le pour Leica, car la marque allemande joue sur sa réputation.
Outre la coopération sur les blocs optiques, le partenariat avec Leica a aussi porté sur le logiciel. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est surtout sur ce terrain-là que nous attendons Leica.
Des couleurs Leica ?
Nul doute que les ingénieurs de Huawei ont un grand savoir-faire en matière de ces micromodules caméra. Dans ce domaine, où Leica ne produit rien, il est surtout probable que Leica a imposé un cahier des charges plus drastique et donné deux trois tuyaux, sans plus.
En revanche, en ce qui concerne la couleur et de leur interprétation, Leica a un savoir-faire. Richard Yu, directeur de la division grand public de Huawei, a lourdement insisté sur les trois modes de rendu des couleurs que va proposer son P9 : standard, vivid (saturé) et smooth (doux).
Tout appareil numérique ne produit, en sortie de capteur, qu’un charabia de données informatiques qu’il faut interpréter. Or, dans ce domaine, ce sont les marques occidentales qui ont l’avantage : jadis Nokia, aujourd’hui Apple, les les terminaux de ces fabricants proposent les meilleurs couleurs en Jpeg sortis de boîtier, les marques dites « asiatiques » proposant bien souvent des clichés trop froids, trop artificiels.
De par son héritage argentique et la qualité des Jpeg de ses boîtiers numériques, Leica a sans aucun doute apporté un savoir-faire dans l’interprétation des données et des couleurs, ainsi que dans la qualité de la compression Jpeg. Là encore, il nous tarde de vérifier les dires de Mr Yu.
Un vrai mode monochrome !
Leica est la seule marque grand public à proposer des appareils photo qui ne voient qu’en noir & blanc – les Leica M Monochrom. Ces boîtiers sont équipés, comme le P9, d’un capteur dépourvu de matrice colorée qui vient se positionner devant le capteur. Outre le gain parfois non négligeable en termes de sensibilité à la lumière (donc une meilleure conservation des détails lors de la montée en ISO), un capteur noir & blanc offre une plus grande richesse de tons gris. Ci-dessous, une image provenant d’un fichier RAW de Leica M Monochrom développées dans Lightroom – notez la richesse des détails dans les nuages.
Outre la production de fichiers noir & blanc d’une qualité unique dans le monde des smartphones, le P9 pourrait, sur la papier, aller encore plus loin : tandis que le capteur monochrome récupère l’image en noir & blanc, les informations du capteur coloré pourraient permettre de simuler un filtre de manière logicielle. De quoi faire ressortir les nuages en filtrant la lumière sur les bleus du ciel, etc.
Logiciel : expérience Leica
Si l’utilisation des bruits (obturateur, etc.) et de la police de caractères de la société allemande nous semble tout à fait gadget, l’annonce que le P9 dispose d’une interface logicielle co-développée avec Leica semble être une bonne nouvelle. Car que cela concerne les M, le T ou le Q, Leica développe des interfaces logicielles épurées et efficaces chez tous ses derniers appareils numériques.
Huawei a mis en avant une interface efficace capable de se débrayer rapidement en mode « professionnel ». Notons tout de même que l’accès au format de fichier RAW (le « négatif » numérique) et aux débrayages manuels n’est pas une exclusivité de Huawei puisque Android 6 offre désormais ces fonctions de manière native.
Triple autofocus
Les Huawei n’ont jamais brillé dans leur vitesse de mise au point, mais la marque a promis que cela allait changer avec le P9 puisque le terminal fait appel à trois technologies : laser, mesure de la profondeur/distance et la détection de contraste. Mr Yu a affirmé que le laser est utilisé dans la mise au point de sujets peu éloignés, les deux autres AF venant en soutien notamment pour les scènes avec plus de profondeur.
Si la détection de contraste est un classique – c’est même la technologie utilisée premièrement par TOUS les smartphones – l’usage des deux optiques à la manière de deux yeux pour mesurer la distance (télémètre) est si ce n’est une première, en tous les cas rare dans la téléphonie. Ce très long étalage de technologies dédiées à la photo est une première : jusqu’ici, les seuls longs articles consacrés aux « smart-photo-phones » concernaient soit Apple, soit Samsung.
Les promesses – et donc les attentes – photographiques vis-à-vis de ce P9 sont donc très importantes, c’est donc peu de dire que Huawei est très attendu au tournant… et n’a pas intérêt de (nous) décevoir !
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