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HP prend un pari à hauts risques en rachetant Compaq

Coup de théâtre dans le ” top five ” de l’informatique : le numéro deux rachète le numéro trois pour mieux rivaliser avec le numéro un, IBM. En jetant ainsi son dévolu sur Compaq, HP devient un acteur ” global “, selon la formule de Carly Fiorina… Du moins sur le papier.

Ce que Compaq n’a pas réussi avec Digital, HP peut-il le réussir avec Compaq et Digital ?” Cette boutade, lancée par Eric Ochs, directeur général d’IDC France, résume la situation dans laquelle se retrouve HP, à la suite de l’annonce surprise de ses intentions. En clair : acquérir 64 % du capital de Compaq par échange d’actions, pour un montant de 25 milliards de dollars, si la transaction obtient le feu vert des autorités de régulation américaine et européenne.

Une réduction des coûts structurels en prévision

L’ambition de Carly Fiorina, la “dame de fer” du constructeur, est de faire de HP, à travers cette acquisition en porte-à-faux de la culture de l’entreprise, un “acteur global” capable de rivaliser avec IBM. Sur le papier, la comparaison fait sens ! Ainsi, le nouveau groupe pèsera 87,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires contre 90 milliards pour le numéro un. En talonnant de si près Big Blue, le constructeur table sur une réduction des coûts structurels “pour mieux affronter la concurrence dans un contexte de baisse des prix et de ralentissement économique”, affirment les dirigeants de la firme.En additionnant les parts de marché, HP deviendrait même le leader mondial dans les domaines des serveurs (Unix et Intel), des PC, des agendas électroniques ainsi que dans les imprimantes. La comparaison avec IBM ne doit pourtant pas cacher l’essentiel : HP a encore bien du chemin à parcourir avant de pouvoir devenir un “acteur global” dans les serveurs, le stockage et les services intégrés. Allant plus loin, Eric Ochs estime qu’“IBM risque de rester longtemps encore le seul interlocuteur capable d’intervenir sur tout le système d’information de l’entreprise “. Et ce, même si HP conserve une forte image auprès des directions informatiques. Ainsi que le font remarquer de nombreux analystes, un plus un ne font pas forcément deux !La synergie de l'”excellence technologique” de HP et l'”excellence marketing” de Compaq reste à orchestrer au sein d’une entité qui ne comptera pas moins de 145 000 employés, des gammes de serveurs réunies autour de sept systèmes d’exploitation (HP/UX, Tru64Unix, NonStop Hymalaya, MPE3000, SCO, OpenVMS, Linux et Windows NT/2000), quatre architectures de stockage, deux systèmes NAS de stockage en réseau, sans compter les redondances en matière de PC ou de PDA.

Un rachat défensif avant tout

L’inventaire avant le rachat (prévu d’ici le premier semestre 2002) risque de réserver bien des surprises. On sait, pour l’heure, que la nouvelle entité s’articulera autour de quatre divisions : produits d’accès (29 milliards de dollars), informatique (23 milliards de dollars), imagerie et impression (20 milliards de dollars), et services (15 milliards de dollars).Sur le fond, Andrew Butler, consultant au GartnerGroup, estime qu’il s’agit d’une “acquisition défensive qui risque de profiter avant tout aux concurrents, IBM, Sun Microsystems et Dell “. Les difficultés inhérentes aux fusions de cette envergure ne manqueront pas de jalonner les deux années qui seront nécessaires au mariage des deux organisations. Un contexte qui pèsera lourd sur l’incontournable rationalisation des catalogues que craignent tant d’utilisateurs. Ces derniers devront pourtant s’attendre à la suppression de nombreuses gammes redondantes… et vivre dans l’incertitude de nombreux mois. Autant de facteurs qui font dire à Brian Richardson, du Meta Group, que “le nouveau HP perdra entre 10 et 15 % de ses clients “.

L’échec de MC2 et le retard d’Itanium en cause

HP avait pourtant imaginé un plan infaillible pour assurer sa croissance future sans subir les assauts de concurrence. C’était la stratégie MC2, engagée en 1992. L’idée ? Faire converger les technologies de la mesure, l’informatique et la communication, et de générer ainsi de nouveaux revenus grâce à de produits trois-en-un uniques sur le marché. MC2 a connu un échec cuisant, dont le constructeur continue de payer le prix dans le monde Unix. Ainsi, le développement des processeurs PA-Risc, c?”ur des gros serveurs Unix, a-t-il été stoppé net en 1992 au profit d’une alliance avec Intel, qui a apporté à ce dernier tout le savoir-faire HP dans le développement de composants de haut de gamme, estimé “trop coûteux pour un constructeur informatique “.HP n’avait plus qu’à recentrer son offre HP-UX autour du processeur Itanium, mais les retards de ce dernier ont affaibli le c?”ur de son activité Unix, l’obligeant à reprendre certains développements de PA-Risc. D’où, pour l’ancien numéro un du marché Unix, des pertes de clients et de parts de marché dès 1999, au profit de Sun, l’actuel numéro un, mais aussi d’IBM. La bonne nouvelle aujourd’hui, c’est que les plates-formes HP-UX et Tru64 Unix (sur processeur Alpha, de Compaq) migreront, à terme, vers Itanium. Quant aux deux environnements Unix, conformes aux normes Posix, ils risquent de fusionner ainsi que le souhaitent les usagers. Le Meta Group voit le nouvel Unix constitué à 80 % de HP-UX et 20 % de TruCluster, la technologie cluster de l’ex-Digital.

Services : un défi à relever

Mais le vrai défi pour la nouvelle organisation reste dans les logiciels et les services, secteur où le constructeur réalise moins de 20 % de son chiffre d’affaires contre plus de 50 % pour IBM. L’été 2000, HP avait tenté l’acquisition de PricewaterhouseCoopers. Sans succès ! Résultat : HP est resté fragile dans les services à forte valeur ajoutée comme le consulting, l’intégration de systèmes ou l’infogérance. “Des secteurs qui croissent de 30 % l’an et génèrent de fortes marges”, comme l’explique Eric Ochs ?” contre 7 % pour le matériel avec des marges qui n’en finissent pas de s’éroder. Idem du côté des logiciels où, contrairement à IBM ou à Sun, HP n’a pas su construire à temps une véritable offre dans les plates-formes e-business, secteur qui tracte 90 % des projets de conseil aujourd’hui. Sur ce terrain, IBM capitalise depuis 1995 sur sa plate-forme WebSphere dont les fonctionnalités ont été renforcées via un nombre impressionnant de partenariats. HP tente aujourd’hui un retour à l’occasion du second round : la bataille des services XML, terrain sur lequel il a été précurseur avec sa technologie e-Speak, lancée en 1999. Celle-ci est au c?”ur de l’offre Netaction, commercialisée récemment. Reste à l’imposer face aux offres concurrentes d’IBM, de Sun… et de Microsoft avec HailStorm.On le voit, HP a du chemin à parcourir pour devenir un “acteur global“. Pour l’heure, sa priorité sera de réussir la fusion et de rassurer les utilisateurs.

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Jo Cohen