La grande distribution est décidément une affaire de famille. Après les Leclerc, voici les Bouriez, père (Philippe) et fils (Pierre). Le premier est pdg de Cora, le second a pris les rênes de houra.fr, filiale Internet de l’hypermarché fondée en mai 1999. Et comme leurs concurrentes, ces grandes enseignes ont adopté une stratégie Internet similaire, à savoir une externalisation de l’activité avec création d’une filiale spécialisée. À croire qu’elles ne souhaitent pas mélanger le monde du Net aux activités traditionnelles, ou qu’elles lorgnent du côté de la bourse, nouvel eldorado des sociétés Internet. En fait, les divergences s’affichent au niveau des contenus des sites. Ainsi, les établissements Leclerc ont mis en ligne trois Web thématiques (bijouterie, voyages et jouets), tandis que Casino a lancé une offre de cybermarché régional et Cora un cybermarché national.
UNE OUVERTURE EN FANFARE
Huit mois ont été nécessaires à houra.fr pour concevoir le magasin virtuel de la femme urbaine. Ouvert le 5 janvier dernier, le site a été annoncé tambour battant par une vaste campagne publicitaire : affichages sur les murs des grandes villes françaises durant quinze jours, spots radio et publicités dans la presse grand public pendant un mois. Montant de l’opération : 25 millions de francs. Il s’agissait de frapper fort dès le lancement afin d’acquérir une notoriété et de coiffer au poteau les éventuels concurrents. En une semaine, 100 000 personnes ont visité le cybermarché et près de 2 000 commandes ont été enregistrées. Une affluence qui étonne le pdg de houra.fr et semble avoir posé quelques problèmes de logistique. Plusieurs clients se sont en effet plaints de retards, voire de livraisons non honorées. Pierre Bouriez s’explique : “Deux phénomènes se sont produits. D’un côté, des problèmes informatiques avec une mauvaise transmission entre le système de commande et celui de la facturation (SAP) ; de l’autre, un nombre de commandes volumineuses (machines à laver ) que nous n’avions pas imaginé. Aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre au niveau informati-que et nous avons doublé le nombre de livreurs (25 sur Paris et sa région pour la plus grosse journée de la semaine, le lundi).”
LA PERSONNALISATION AVANT TOUT !
Organisé en magasins spécialisés (épicerie, boissons, cave, hygiène et beauté, bébé, jouets, loisirs, électroménager, hi fi et bientôt informatique), le site compte à ce jour 50 000 références. Il bénéficie de la centrale d’achats Opéra, commune à Cora et Géant. Le cybermarché propose tous les articles vendus en magasin, à l’exception du frais et du surgelé. “Pour certaines gammes de produits, les offres disponibles sur houra.fr sont même plus nombreuses qu’en hyper, le site n’étant pas soumis à la loi de l’espace nécessaire au stockage des marchandises”, souligne Pierre Bouriez. Six photos illustrent chaque référence présente sur le site, soit quelque 300 000 clichés (tous réalisés en interne) archivés dans la base de données Oracle. Outre les fiches de produits, le middle office contient la base de données clients et celle des commandes. Pour la publication et le profiling, houra.fr a choisi le logiciel Vignette afin de lancer rapidement une véritable stratégie de personnalisation client. “Cet outil nous aidera à identifier les goûts et les besoins de nos acheteurs fidèles, puis à leur constituer des offres annexes susceptibles de les intéresser, précise le pdg. Nous ne lancerons pas, à l’instar de ce qui se pratique actuellement, une offre de fournisseur d’accès gratuit. Ce n’est pas notre métier, même si d’aucuns assurent que cette stratégie reste indispensable à l’acquisition d’une visibilité”, ajoute-t-il.
HOURA.FR SE MET EN QUATRE POUR SÉDUIRE LA CYBERMÉNAGÈRE
“Séduire la cyberménagère implique un site ergonomique, convivial et sécurisant, explique Pierre Bouriez. Nous avons donc opté pour la solution de paiement hautement sécurisé d’Atos (SSL) et offrons aux réfractaires au règlement par Carte Bleue sur Internet, la possibilité de communiquer leur numéro de carte bancaire par téléphone.” Pas question, non plus, de freiner l’achat en ligne par une politique de prix différente de celle pratiquée dans les hypermarchés. “Nos tarifs sont identiques à ceux affichés en magasins, insiste le pdg. En revanche, nous ne faisons pas d’offres promotionnelles.” Les achats sont livrés sous 48 heures dans toute la France métropolitaine. Les clients d’Île-de-France bénéficient toutefois d’un régime de faveur puisque “la livraison peut s’effectuer dans la journée, aux créneaux horaires de leur choix”. Sous-traitées à la société Calberson, les livraisons sont facturées 47 francs (soit 7 euros), qu’il s’agisse d’un transport à Paris ou au fin fond de la Corrèze, et quel que soit l’article (congélateur avec installation ou carton alimentaire de 10 kg). “Un tarif unique et peu onéreux pour solliciter l’achat en ligne, précise Pierre Bouriez. 47 francs c’est bien peu lorsque l’on sait que certaines livraisons peuvent nous coûter jusqu’à 400 francs !”, confie-t-il. houra.fr a adopté la même stratégie de sous-traitance pour la gestion de la logistique et du stock. Situé à Marne-la-Vallée, l’entrepôt de 10 000 m2, totalement indépendant des autres centres de stocks Cora, est géré par l’entreprise Géodis.
“100 000 clients d’ici à la fin 2000 et une rentabilité à quatre ans, tels sont nos objectifs, annonce Pierre Bouriez. Nous gagnerons de l’argent sur les marges des prix des produits, les volumes et les frais de livraison.”
QUATRE ANS POUR ATTEINDRE LA RENTABILITÉ
Toutefois, si la rentabilité n’est envisagée qu’à l’horizon 2004, la maison mère subventionnera-t-elle aussi longtemps une activité déficitaire ? On peut également se demander quel impact aura la récente nouvelle, selon laquelle Carrefour se désengagerait du capital de Cora (l’enseigne en détient aujourd’hui 40 %), sur l’évolution du site ? Interrogé, Pierre Bouriez reste discret : “Cora est prêt à soutenir le projet même si celui-ci est déficitaire durant plusieurs années. Une chose est sûre : houra.fr n’ira pas chercher de capitaux sur un marché boursier.”
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