Rappelez-vous, c’était en janvier 2015. Microsoft, au creux de la vague après la catastrophe Windows 8 et le manque d’intérêt pour ses smartphones Windows Phone, présentait en détail son nouvel OS, Windows 10. Mais aussi un produit avec lequel il comptait carrément révolutionner l’informatique : Hololens. On découvrait ce jour-là, par le biais d’impressionnantes démos, cet étrange casque de « réalité mixte », tournant sous Windows, capable de mélanger des objets 3D à la réalité. Effet « waouh » assuré pour ce que Microsoft espérait voir devenir « le prochain PC ».
La présentation originelle d’Hololens en 2015, truffée de démos impressionnantes, pour la plupart restées lettres mortes.
Raté. Le Wall Street Journal consacre une longue et intéressante enquête à Hololens. Un article cruel pour Microsoft, qui montre comment cette révolution « holographique » annoncée -on ne parlait pas encore de métavers- s’est terminée en eau de boudin. Et qu’il n’y aura sans doute pas de troisième version de l’appareil, qui a été mis à jour pour la dernière fois en 2019.
Ventes faibles et promesses non tenues
Il y a d’abord les ventes, qui ne sont pas bonnes. D’après les chiffres d’IDC cités par le WSJ, Microsoft n’aurait écoulé qu’aux alentours de 300000 casques depuis le lancement de l’appareil en 2016. C’est peu, trop peu.
Il faut dire qu’Hololens est loin d’être donné. La première version ne coûtait pas moins de 3000 dollars et son successeur est actuellement en vente pour 3900 euros environ. Des tarifs évidemment bien trop élevés pour le commun des mortels. C’est pourquoi Microsoft, après avoir fait rêver avec des démos très grand public (comme Skype, Netflix ou Minecraft en réalité augmentée !) a rapidement changé son fusil d’épaule et fait « pivoter » Hololens vers le marché -beaucoup moins drôle- des entreprises. Sans toutefois réussir à en faire un produit populaire.
Le WSJ offre quelques détails croustillants des débuts de cette aventure mouvementée. Notamment ces premières démos « truquées » dans les locaux de Redmond : Hololens a en effet dès le départ été pensé pour enregistrer un modèle 3D de son environnement, afin de correctement placer ensuite les objets 3D en surimpression de la réalité. Or, on apprend que ses démonstrateurs avaient été obligés de fixer les meubles de la salle, car la moindre variation dans leur position perturbait la machine ! La phase de scan 3D, préalable à la démo, était donc falsifiée.
Durant ces premiers temps, les équipes de Microsoft n’ont également pas hésité à vanter des usages irréalisables par le casque. Et n’ont par exemple pas hésité, durant un « pitch » à des représentants de la force de l’ordre, à expliquer qu’Hololens serait capable de détecter un tireur embusqué à distance. Ce qui n’est évidemment pas le cas.
Un Hololens grand public annulé
L’article revient également sur le partenariat entre Microsoft et l’armée américaine : en 2018, la firme avait conclu un contrat à 22 milliards de dollars avec l’U.S. Army, notamment pour équiper les soldats de casques Hololens modifés pour un usage militaire. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu : déconnexions, problèmes techniques divers et casques peu confortables pour les soldats… Le test est toujours en cours, mais un équipement massif des soldats semble compromis.
Plus proche de nous, on apprend aussi que Microsoft avait prévu de lancer une version « grand public » de son casque, en partenariat avec Samsung. Mais ce produit a été annulé en fin d’année dernière, alors que la firme a commencé à sentir le vent de la récession poindre. Une version modernisée d’Hololens a, elle aussi, été mise au placard.
Depuis, c’est la débandade : l’équipe en charge du développement du casque a perdu plus de 100 personnes, mais aussi son chef et accessoirement le créateur de l’appareil, Alex Kipman. Une catastrophe pour le projet, désormais géré par les équipes de Panos Panay, patron de Windows et Surface.
Quelle stratégie pour Microsoft dans la réalité augmentée ?
Le désintérêt de Microsoft pour Hololens peut s’avérer surprenant, alors que nombre de ses concurrents voient désormais dans la réalité augmentée la prochaine révolution pour l’informatique. Apple travaille en toute discrétion à son propre casque, tout comme Google… et bien évidemment Meta, qui vient de mettre sur le marché l’Oculus Quest Pro, dont la promesse ressemble un peu à celle de Microsoft en 2015.
Mais justement : l’annonce d’une alliance entre Meta et Microsoft donne un bel indice du changement de stratégie de la marque, qui fournira désormais ses logiciels et services phares sur un matériel développé par un autre. Rien d’étonnant, c’est, finalement, ce qui a fait son succès depuis presque 50 ans. Dommage pour Hololens…
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Source : The Wall Street Journal