Rachat manqué du cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers, résultats du dernier trimestre en dessous des attentes, cours de l’action à son plus bas niveau depuis un an… La fin de l’année 2000 a été houleuse pour le constructeur de Palo Alto. Le dynamisme de son PDG, Carly Fiorina, et la hausse de 15% du chiffre d’affaires annuel n’ont pas suffi à rassurer ses actionnaires. Le groupe tarde à recueillir les fruits du chantier, il est vrai titanesque, entrepris depuis un an et demi : transformer un groupe de plus de 88 500 personnes, affichant l’image d’une ” société d’ingénierie “, en constructeur à l’affût des besoins de ses clients et commercialement plus agressif. Une sorte de cure de jouvence pour une société qui avait jusqu’à présent tendance à s’endormir sur ses lauriers.Depuis quatre ans, Hewlett-Packard a accumulé les errements stratégiques alors qu’il était en position de force au milieu des années quatre-vingt-dix. Dans le monde Unix d’abord. Pendant que le constructeur s’échinait à concevoir le nouveau processeur Merced avec Intel et vantait les mérites de Windows NT, il a perdu du terrain sur ses concurrents directs, IBM et, surtout, Sun qui lui a soufflé sa place de leader. “HP a connu une rupture de gamme et n’a pas su concurrencer l’E 10000 de Sun. Un retard qu’il entend rattraper aujourd’hui avec le Superdome “, estime Maurice Bourlier, président d’Ares, premier distributeur du constructeur en France.Autre difficulté, sur le segment du stockage. Mi-1999, le numéro deux mondial de l’informatique a étendu sa coopération avec Hitachi et remis en cause l’accord qui l’unissait à EMC, ténor du stockage de données, en tant que principal distributeur. “Une démarche qui a quelque peu dérouté les clients” souligne Maurice Bourlier. Enfin, certains distributeurs pointent du doigt les tergiversations côté logiciel, où la stratégie n’était envisagée qu’à l’aune de la rentabilité. Un secteur néanmoins remanié depuis à en juger par les parts de marché prises par HP Openview et le récent rachat de Bluestone, fournisseur de serveurs d’application. Seule l’entité système d’impression et d’imagerie (plus de 40 % du chiffre d’affaires) a toujours fourni au constructeur une position de force.On peut expliquer ces différentes hésitations stratégiques par l’absence d’une organisation stable. Depuis trois ans, en effet, le constructeur cherche une cohérence dans sa démarche marketing et commerciale. Ces chamboulements successifs ont nui à sa présence commerciale chez les clients. Difficile, en effet, de gérer des relations durables lorsque l’interlocuteur change sans arrêt. Le constructeur était notamment handicapé par le manque de communication entre les différentes entités opérationnelles structurées par lignes de produits (imprimantes, serveurs, PC, Services…). D’où des dysfonctionnements, particulièrement du côté des ventes de plates-formes Unix et NT. “Malgré notre partenariat, nos commerciaux serveur NT se retrouvaient souvent en concurrence avec les responsables Unix de HP “, se souvient Philippe Dujardin, directeur général d’Econocom Infopoint. Autre défaut mis en exergue par le distributeur : “HP a une stratégie sur le court terme et une activité commerciale peu agressive vis-à-vis de ses concurrents. Le problème vient du fait que l’approche commerciale et marketing émane des divisions (ndlr : les centres de productions). “Pour répondre à ces critiques, Carly Fiorina a donc lancé une vaste réorganisation l’été dernier qui sera effective dans quelques mois. L’objectif ? Devenir une entreprise plus proche des réalités du marché et trouver une structure commerciale cohérente. Une véritable révolution culturelle au sein du constructeur qui fait grincer des dents en interne tant elle remet en cause les forteresses existantes. Et notamment la production qui tenait les rênes de la stratégie jusqu’alors.Elément clé du changement : la nomination de responsables de compte dévolus à la centaine de gros clients de HP. Il s’agit de véritables chefs d’orchestre qui coordonnent l’ensemble des demandes émanant de l’entreprise. Une structure déclinée au niveau national. En France, une vingtaine de directeurs de compte gèrent deux à trois entreprises clientes. Leur rôle : négocier la politique tarifaire, les contrats, gérer le chiffre d’affaires et allouer les ressources humaines. “Bref une organisation centrée sur le client “, résume Frédéric Dussart, DG informatique d’entreprise de HP France. Autre bouleversement : la création d’un centre de profit dans l’entité commerciale. “Avant, la vente était considérée comme un centre de coût. Désormais, vente et production se partagent le rôle de centre de profit “, affirme le directeur général France. Une mesure du profit par client (et non plus seulement par ligne de produit) est donc réalisée. Et la politique tarifaire se veut enfin plus souple avec la liberté donnée à chaque pays de négocier les prix. Si cette organisation est bien accueillie par l’ensemble des partenaires et clients, elle n’a pas encore eu d’impact sur le terrain. Au-delà, des défis stratégiques se dressent devant le constructeur. D’abord, les ” e-services “, concept très marketing, qui repose sur la notion de dialogue entre applications pour optimiser le service rendu à l’internaute. Pierre angulaire de ce nouveau concept : les infrastructures logicielles. Il faut néanmoins attendre que les nouveaux produits internet (e-speak, Blue-stone…) fassent leurs preuves.Ensuite, dans son virage vers les services, la firme de Palo Alto n’a pas encore démontré sa capacité à implanter des solutions d’entreprise. “HP s’avère incapable de gérer des projets applicatifs “, souligne un ancien client du monde de la distribution. Le constructeur s’est donc focalisé sur les services liés au matériel – support multimarques, maintenance, conseil technique, infogérance d’infrastructures – plutôt que sur l’intégration de solutions. En France, les deux tiers du chiffre d’affaires des services sont réalisés en assistance et maintenance. Au-delà, “HP souffre d’un manque de ressources “, souligne Bertrand de Boissieu président de l’Utigroup. Surtout côté conseil où, là aussi, Hewlett-Packard cible les infrastructures. HP Consulting emploie 200 consultants en France et 3 000 dans le monde, malgré une forte progression cette année. Dernier handicap, et non des moindres : “Le point d’entrée du constructeur dans les entreprises est plutôt le responsable achat que le responsable de projet “, souligne Maurice Bourlier.Toutes ces difficultés ont poussé HP à tenter le rachat du grand cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers à la fin de l’année 2000. Cette acquisition aurait permis au constructeur de toucher les directions générales, de plus en plus impliquées dans les décisions informatiques, et d’atteindre une taille critique au niveau mondial. Après ce mariage avorté, en raison des revendications financières, HP semble réduit à des partenariats. Selon le directeur général pour la France, la signature de nouveaux partenariats spécifiques serait à l’étude (Broadvision pour l’e-commerce, Oracle pour la gestion de la relation client, SAP pour les PGI). A moins que le constructeur ne décide de reprendre l’offensive si le cours de son action se redresse. . .
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