Après la condamnation de « Google recherche de livres » par le tribunal de grande instance de Paris, Hervé de La Martinière, le PDG de la maison du même nom (Le Seuil, Delachaux et Niestlé, N. Abrams, etc.) revient sur les enjeux du procès et de la numérisation d’ouvrages.
01net : Vous avec obtenu 300 000 euros de dommages et intérêts au lieu des 15 millions demandés. C’est peu non ?
Hervé de La Martinière : Au contraire, je suis extrêmement satisfait. Le montant n’a qu’une importance relative par rapport aux enjeux du procès. Nous voulions un arrêt de la numérisation et que le droit d’auteur soit respecté. La somme obtenue a un effet dissuasif, en particulier les 10 000 euros d’astreinte, si Google n’arrête pas de numériser nos livres, et ne retire pas ceux qui le sont déjà de son service.
Combien de livres sont concernés ?
Il est difficile de faire un compte précis du nombre d’ouvrages concernés. Nous sommes sur une fourchette comprise entre 5 000 et 9 000 livres.
Google a annoncé son intention de faire appel. Pour vous, la suite c’est quoi ?
Je ne veux pas me mettre à la place de Google, mais en appel, le montant des dommages et intérêts pourrait être démultiplié. Je refuse de diaboliser Google, qui est une entreprise respectable utilisant des méthodes qui ne le sont pas.
Nous souhaitons le forcer à se mettre à la table de négociation pour voir de quelle manière il pourrait légalement rendre disponible nos œuvres. Nous regardons à cet égard avec le plus grand intérêt les négociations entre les éditeurs américains et nous sommes en attente de la décision définitive [le ministère de la Justice a jusqu’au 4 février 2010 pour valider l’accord, NDLR].
En quoi pourrait consister un accord respectable ?
La numérisation des livres passe par un contrat qui doit définir pour une ou plusieurs œuvres une rémunération pour l’auteur et l’éditeur. Ce n’est pas le cas pour le moment. Nous assistons à un pillage des œuvres. Que Google ne se donne pas des airs de mécène, c’est une entreprise commerciale. Plus il propose de contenus, plus il engendre du trafic et gagne de la publicité. Donc, des bénéfices.
Vous n’êtes donc pas réfractaire à la numérisation des livres ?
Absolument pas. Nous n’avons pas attendu pour lancer Eden, une plate-forme numérique, en partenariat avec Flammarion et Gallimard.
Justement en quoi consiste Eden ?
Eden est une plate-forme sur laquelle nos ouvrages sont disponibles sous forme dématérialisée. Elle s’adresse à nos libraires, qui l’adressent à leur tour à leurs clients. Les lecteurs récupèrent auprès de leur libraire des liens et mots de passe pour télécharger l’ouvrage de leur choix. Un millier de nos livres sont à ce jour disponibles. Et autant chez Flammarion et Gallimard. D’ici à la fin de l’année, nous devrions proposer 5 000 livres.
On peut trouver le service partout ?
Eden est disponible chez les libraires avec lesquels nous avons signé un accord. Ils sont pour le moment une quinzaine à être équipés. C’est un tout petit marché.
Pourquoi ne pas avoir fait le choix de proposer une alternative à Google Recherche de Livres directement au grand public ?
Proposer directement une plate-forme au grand public serait faire fi des libraires. Le livre numérique n’est qu’une diversification. En tant qu’éditeur, nous avons besoin des libraires pour vendre nos ouvrages. Et les clients ont besoin d’eux pour les conseiller dans leur choix de lecture.
Avez-vous des projets sur les e-books ?
Les livres présents sur Eden se téléchargent sur les e-books. Mais nous ne développerons pas d’e-book à notre nom pour accueillir nos œuvres.
En 2010, Google va lancer un service de vente en ligne de livres. Pourriez-vous travailler avec ?
Nous envisageons de travailler avec Google à condition qu’il respecte le prix unique sur les livres.
Plus globalement, le numérique a-t-il modifié votre métier d’éditeur ?
Non, la création d’un livre n’a pas été modifiée par les nouvelles technologies. La démarche, les relations entre l’auteur et l’éditeur restent les mêmes. En revanche, le support de l’œuvre a été bouleversé. Nos équipes de représentants, par exemple, ne prospectent plus avec des épreuves papier, mais montrent des extraits des œuvres aux libraires sur leurs e-books. Le numérique permet des économies d’impression, de papier et entre dans une démarche écologique.
Les auteurs vous envoient leurs manuscrits sous quel format ?
Les auteurs ont plutôt le réflexe de nous envoyer leurs œuvres sur papier. Comme si pour eux, une création avait plus d’existence sur le papier que sur fichier dématérialisé. Le papier fait exister une œuvre.
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