01 Informatique : Le CSA vient de transmettre au gouvernement sa position en matière de régulation d’Internet. Quelles en sont les principales propositions ?
Hervé Bourges : Cela fait un an que le CSA réfléchit aux mutations induites par les nouveaux réseaux de communication et les nouveaux services. La consultation lancée par le gouvernement sur la société de l’information est, pour nous, l’occasion moins de formuler des propositions que de rappeler un principe souvent mis à mal : la nécessité de protéger l’internaute contre toutes les forces qui pourraient porter atteinte à sa liberté. Ne rien faire équivaut à laisser la porte ouverte à l’établissement de règles ne résultant que du seul marché, en dehors de tout cadre démocratique, et pour lesquelles les opérateurs dominants seraient à la fois juge et partie. Le terme de multirégulation que nous utilisons désigne l’effort de toutes les autorités existantes, judiciaires ou administratives, qui, en exerçant le rôle qui est le leur, à leur place et selon leurs compétences, cherchent à atteindre cet objectif : c’est sur ce type de régulation que les instances du monde entier, réunies à l’Unesco à notre initiative en décembre 1999, sont parvenues à s’entendre.Quels pourraient être les moyens de contrôle par le CSA, et son pouvoir de régulation des sites Internet ? Le bon sens veut que le CSA soit concerné avant tout par la régulation des services audiovisuels se rapprochant des services traditionnels, pour lesquels il est actuellement compétent. La dimension internationale d’Internet, ainsi que la complexité des questions techniques, juridiques et sociales qu’il soulève ne doivent pas être sous-estimées. Elles incitent au pragmatisme. Mais elles ne sont pas non plus une barrière à toute régulation. Des solutions sont en train de voir le jour, notamment avec la mise en place de l’organisme de corégulation souhaitée par le gouvernement. D’autres sont encore à trouver. L’adéquation de ces solutions aux services offerts sur Internet sera, bien entendu, une condition de leur succès.Quels sont les enjeux de la régulation d’Internet en France ? Les hébergeurs doivent-ils être les seuls responsables du contenu des sites qu’ils hébergent ? La liberté et la protection de l’internaute doivent être le point de départ de toute réflexion sur la responsabilité des acteurs du réseau – a fortiori si l’utilisateur est un enfant. Dans l’intérêt du public, il est donc souhaitable qu’une transparence véritable s’exerce sur Internet en ce qui concerne l’identité de l’éditeur d’un contenu. C’est sous cet angle que doit se poser la question de la responsabilité de l’hébergeur. Le législateur tranchera quant à savoir à quelles conditions un fournisseur peut être tenu pour responsable des contenus qu’il héberge. Ces débats juridiques ne doivent pas occulter la présence sur le réseau de contenus certes légaux, mais néanmoins préjudiciables. La mise au point de mécanismes utiles pour protéger les enfants, comme les systèmes de labellisation et les logiciels de filtrage, peut constituer une réponse à ces problèmes. Mais attention ! Ils doivent aussi garantir la liberté d’expression et la liberté d’accès à toutes les informations… Halte aux filtrages invisibles et non motivés, qui s’apparentent à des censures !Y a-t-il beaucoup de sites qui déclarent au CSA des utilisations audiovisuelles sur Internet ? Quelle sont la procédure à suivre et les conséquences en cas de non-déclaration ? Prévue par la loi de 1986, la formalité de déclaration préalable des sites Web auprès du CSA est méconnue et, souvent, inappliquée. Cela s’explique par le fait qu’elle est inadaptée à l’objectif qu’elle vise, à savoir identifier les éditeurs de services de communication audiovisuelle. Cet impératif, qui n’est pas propre aux médias audiovisuels mais existe aussi pour la presse, l’affichage ou l’édition, ne doit pas être perdu de vue : dans une démocratie, il est normal qu’un éditeur de contenu, s’adressant à un public indifférencié, puisse être tenu pour responsable du message qu’il diffuse. Par conséquent, si le CSA est favorable à la suppression de cette formalité, c’est à la condition que soit clairement affirmée l’obligation d’identification des éditeurs de contenu en ligne. Cette identification pourra être effectuée soit par l’éditeur lui-même, s’il fait conna”tre son identité à la page d’accueil de son site, soit par le fournisseur d’hébergement, pour qui la connaissance de l’identité de l’éditeur de contenu devrait être une condition sine qua non à la signature du contrat d’hébergement.Quelle est votre perception sur les conséquences des mégafusions récentes, du type AOL/Time Warner (Etats-Unis) et Vivendi/Vodafone (Europe) entre contenu et contenant ? Pensez-vous qu’il y a un risque de monopole de l’information au niveau planétaire, alors qu’Internet est encore aujourd’hui décrit comme un média d’expression locale ? La bataille des contenus a déjà commencé. C’est un défi qu’il nous faut relever : celui de la création. Regarder d’un ?”il dubitatif et critique l’évolution en cours, c’est se condamner à en devenir tôt ou tard la victime, simplement parce que les enjeux et les moyens ne seront plus culturellement et financièrement à notre portée. L’investissement dans la création est donc indispensable. Il y va de la survie même de notre héritage culturel et de nos valeurs. Aujourd’hui, la France doit investir massivement dans la création multimédia en soutenant toutes les initiatives prises dans ce domaine. Priorité aux créateurs, aux auteurs, aux inventeurs. C’est entre leurs mains que repose l’avenir de notre culture
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