L’Union européenne devrait adopter prochainement une directive sur l’organisation et le fonctionnement du marché européen de l’électricité. Ce texte capital doit, six ans après la première directive, achever la mise en place d’une véritable Europe de l’électricité, donnant à tous les acteurs la possibilité d’intervenir et d’échanger sur un vaste marché de plus de 2 500 milliards de kWh. Les enjeux que la nouvelle directive doit impérativement prendre en compte sont, à mes yeux, au nombre de quatre : transparence, indépendance, harmonisation et sécurité.Pour garantir une réelle transparence et la non-discrimination, il convient d’instituer un système d’accès des tiers aux réseaux électriques fondé sur des tarifs publiés et applicables à tous les utilisateurs (“accès des tiers au réseau réglementé”) plutôt que sur des négociations de gré à gré (“accès négocié des tiers au réseau”).L’indépendance des gestionnaires doit être effective et également partout garantie par une autorité de régulation nationale, comme c’est le cas en France, où le transport de l’électricité est ouvert à tous les opérateurs (producteurs, grands consommateurs, négociants), de manière neutre et transparente. RTE est indépendant d’EDF, au service de tous les utilisateurs du réseau, qu’ils soient français ou européens, sous le regard vigilant de la Commission de régulation de l’électricité. Qu’il s’agisse des tarifs, des règles d’accès et des pouvoirs des autorités de régulation, l’harmonisation européenne est impérative, si l’on veut éviter une “tour de Babel” électrique.La sécurité d’approvisionnement repose sur le bon équilibre entre l’offre et la demande sur le long terme. La crise californienne a montré que les signaux fournis par le marché interviennent trop tard, concernant des investissements demandant des années de mise en ?”uvre. Chaque pays devrait construire un bilan prévisionnel ?” une prévision à 10 ans de cet équilibre ?” pour qu’il s’intègre, dans un deuxième temps, dans une vision européenne consolidée.Mais tout cela ne sera possible que si le marché européen fonctionne véritablement comme un marché unique plutôt que comme un “patchwork” de marchés nationaux plus ou moins bien reliés entre eux.
Toute une ossature à bâtir
Cela suppose l’existence d’un réseau électrique d’interconnexion puissant en Europe. Un tel réseau existe en partie. Il réunit électriquement 21 pays, de la Tunisie à l’Ukraine, ce qui en fait le plus grand du monde. Il fonctionne grâce à la coopération entre gestionnaires de réseaux électriques nationaux. Mais il a été conçu pour assurer le secours mutuel entre pays, et non pour être l’ossature d’un marché unique de l’électricité. De nombreux “bouchons” subsistent aux différentes frontières électriques intérieures, ne permettant pas un transit de l’électricité réellement fluide. Le marché se décompose ainsi en sous-marchés, entre lesquels les prix connaissent une grande disparité, au détriment de l’ensemble des consommateurs européens.Le Sommet des chefs d’États et de gouvernements a adopté à Barcelone, en mars 2002, des mesures pour développer les interconnexions transfrontalières. En collaboration avec ses voisins, la France, qui occupe une place centrale, devra sans aucun doute améliorer ses liaisons avec l’Espagne, l’Italie, la Belgique et l’Allemagne. Cet effort d’équipement devra associer, très en amont, les départements et les régions.Le marché européen de l’électricité ne peut se contenter de règles de libre concurrence. Paradoxalement, il a besoin d’une gestion et d’un développement harmonisés du transport électrique en Europe et d’une régulation communautaire guidée par une volonté politique et une vision stratégique commune des États membres.* directeur de Réseau de transport de lélectricité (RTE).
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