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Hackers joie

Faut-il engager des hackers pour s’immuniser contre eux ? De grandes entreprises choisissent cette option et considèrent ces êtres à part avec une certaine tendresse. A se demander si la question de l’embauche n’a pas plus à voir avec l’idéologie qu’avec la technique.

Ils ont des cheveux longs, vive les hackers ! Au récit de son expérience avec ces êtres dangereux, le directeur informatique d’une grande, voire énorme, institution publique arbore un sourire satisfait. Pour un peu, il en détournerait les chants patriotiques bretons. Quand ils sont arrivés, jeans en avant, matériel sous le bras, sur un sol qui n’avait jamais été foulé par des baskets, ils n’ont demandé qu’une chose : ” Une ligne téléphonique. “” La première fois, ils sont entrés dans notre système en quelques minutes et nous ont dit ce qu’il fallait faire. Quelques semaines plus tard, ils ont mis plus de deux heures. “ Et comme le propre d’un samouraï (un expert engagé pour entrer en force dans un système informatique), c’est son assurance disproportionnée, le verdict tombe, rassurant, réconfortant : ” C’est gagné, plus personne ne vous ennuiera. “ Effectivement, personne ne les ennuie plus vraiment.La question suivante a tellement été posée qu’elle donne un coup de vieux au tout jeune réseau des réseaux : faut-il engager des hackers ? Oui, car seul un hacker sait comment pense un hacker. Non, car il est possible de former ses propres administrateurs réseau, ce qui est facile puisqu’il suffit d’aller sur Internet pour s’informer. Sauf que le hacker, il fait ça depuis qu’il est tout petit. Non, car, justement, c’est un délinquant depuis toujours, l’accueillir et lui ouvrir les portes, c’est faire entrer le diable au paradis (ou le loup dans la bergerie, c’est comme vous voulez). Oui, car les hackers connaissent les usages de leurs semblables, qui ne sont d’ailleurs pas que techniques (hé ! hé !). Non, parce que entrer dans un système et le réparer, c’est complètement différent… D’habitude, ça se termine en bataille rangée.Alors, au fond, le problème ne serait-il pas tout sauf technique ?Première hypothèse : je n’aime pas les hackers, je n’aime pas ce qu’ils représentent ni leurs valeurs, ils me font peur et, d’ailleurs, ils m’ont déjà causé trop de problèmes. Je recherche la vengeance. Le marchand de fleurs Aquarelle, la société de services Atos et, surtout, la banque en ligne Zebank doivent cultiver ce genre d’acrimonie. Sans parler des sociétés qui ont été sniffées, cybersquattées ou trompées par un cheval de Troie. Pour elles, un seul credo : “Once a liar, always a liar… go to war !” (menteur un jour, menteur toujours… prenons les armes).Seconde hypothèse : mon fils (c’est une image) bidouille, je suis moi-même issu de la génération 68 (ça aussi, c’est une image). Donc, le look me plaît, le côté Robin des Bois aussi… J’ai aussi vaguement conscience que ces délinquants doivent avoir quelque chose de génial, puisque je ne les comprends pas. Pour toutes ces raisons, je prends.Alors, finalement, choisir ses experts en sécurité, a peut-être beaucoup plus à voir avec l’idéologie, l’affinité, voire la psychanalyse, que la technique. Pour leur fournir un accès à vos systèmes critiques, vous devez leur faire confiance. Car s’il y a méfiance, il n’y a pas de joie. Et sans joie, pas de hacker.Prochaîne chronique le lundi 7 mai

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Philippe Billard