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Guerre des semi-conducteurs : sous pression, les Pays-Bas suivent les restrictions américaines contre la Chine, le Japon résiste (encore)

L’administration Biden oeuvre depuis des mois pour convaincre ses alliés (dont les Pays-Bas et le Japon) de restreindre davantage leurs exportations vers la Chine de machines produisant des semi-conducteurs. Les Pays-Bas ont accepté une partie des demandes. Le Japon, qui craint des mesures de rétorsion de la Chine qui pourraient impacter son industrie automobile, n’a pas encore donné son feu vert.

Les Pays-Bas ont cédé, le Japon va-t-il suivre ? Vendredi 6 août, le gouvernement néerlandais a annoncé qu’il allait davantage limiter ses exportations d’équipements de fabrications de semi-conducteurs vers la Chine. Vingt-quatre heures plus tôt, c’était l’administration Biden qui publiait une mise à jour de ses règles en la matière, une nouvelle réglementation qui aurait fait « l’objet d’un large accord technique entre nos partenaires internationaux ».

Que ces deux annonces tombent coup sur coup n’est pas un hasard. Voilà des mois que les États-Unis tentent de convaincre les Pays-Bas – mais aussi le Japon – de limiter davantage leurs exportations de machines produisant des semi-conducteurs vers la Chine. Alan Estevez, un membre de l’administration Biden, était chargé de rencontrer les gouvernements et de négocier un durcissement de leur positionnement, rapportent Reuters, Bloomberg et Nikkei. Les deux pays abritent des maillons essentiels dans la chaîne de production mondiale de puces, ces composants indispensables aux smartphones, à l’automobile, mais aussi à l’IA. Aux Pays-Bas se trouve le siège du leader mondial de machines de production des puces, ASML. Au Japon siègent d’autres fabricants d’équipements, comme Nikon Corp et Tokyo Electron.

Un accord précédent en 2023

En 2023 déjà, les États-Unis avaient convaincu ces deux pays d’appliquer certaines restrictions américaines sur les semi-conducteurs. Tout avait commencé un an plus tôt lorsque Washington, en pleine compétition technologique avec Pékin, avait limité les exportations vers la Chine des équipements et des processeurs de pointe sortant des lignes de fabrication américaines. Et pour que ces mesures impactent réellement l’économie chinoise, le pays avait demandé à certains de ses alliés, comme Tokyo et Amsterdam, de le suivre – une demande en partie accordée.

  • Depuis juillet 2023, Tokyo a limité les exportations vers la Chine de 23 équipements fabriqués sur son sol, allant des machines qui déposent des films sur les plaquettes de silicium aux dispositifs qui gravent les circuits.
  • Amsterdam a, pour sa part, mis en place une licence (une demande d’autorisation) pour toute exportation en Chine de certains équipements DUV (pour ultraviolets profonds). En conséquence, les sociétés chinoises ne peuvent plus acquérir depuis le 1ᵉʳ janvier 2024 les machines les plus récentes de la société néerlandaise.

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Mais cela ne s’est pas arrêté là puisque quelques mois plus tard, les États-Unis ont durci le ton. Ils ont désigné plusieurs sociétés chinoises qui ne peuvent plus recevoir de machines d’ASML, arguant que ces équipements contiendraient des pièces et des composants américains, rapporte Reuters. Et Washington discuterait de la possibilité d’ajouter d’autres usines chinoises de fabrication de puces à cette liste noire, selon plusieurs sources de nos confrères. Sur ce document confidentiel, il y aurait au moins cinq usines énumérées, dont SMIC, le plus grand fabricant chinois de puces.

Plus de maintenance et de réparation des machines déjà vendues

En réponse à cette série de restrictions, la Chine s’est lancée tous azimuts dans un grand plan d’autosuffisance en la matière. Et si le pays est encore loin d’avoir rattrapé le niveau de TSMC, le leader mondial des puces, il investit des milliards dans cette industrie, avec quelques succès à la clef.

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Huawei, l’ancien champion chinois des smartphones, est par exemple parvenu à lancer des appareils équipés de puces de 7 nanomètres fabriquées en Chine, grâce à des machines plus anciennes. Au grand dam des États-Unis, qui estimaient que les mesures ne suffisaient plus, et qu’il était donc temps de les élargir… y compris chez les alliés.

Le pays souhaitait en particulier que le Japon et les Pays-Bas cessent de fournir aux clients chinois toute maintenance ou réparation des machines déjà achetées et utilisées en Chine. Cette règle s’applique déjà aux fabricants américains comme Applied Materials Inc., Lam Research Corp. et KLA Corp. La demande a été formulée pour ASML dès le mois d’avril et cet été pour le Japon.

Et cela n’a rien d’anodin : si une usine ne peut plus changer ses pièces défectueuses, et réparer ses machines en panne, sa ligne de fabrication est impactée, et la production de semi-conducteurs s’en réduira.

Les Pays-Bas et le Japon pris en étau

Face à ce possible durcissement, la Chine a martelé à plusieurs reprises qu’elle prendrait des « sévères mesures de rétorsion économique », si les Pays-Bas et le Japon accédaient aux demandes américaines. Le pays pourrait couper l’approvisionnement en matériaux rares, des éléments indispensables à l’industrie automobile japonaise. De quoi inquiéter Toyota Motor Corp, cette mesure pouvant mettre à l’arrêt ses lignes de production, si un tel scénario se produisait. Mais pour un haut fonctionnaire interrogé par Nikkei, le Japon « s’oppose à un élargissement de la réglementation qui bloquerait le développement de l’industrie » locale.

Côté néerlandais, le gouvernement a expliqué que les machines d’ASML « TWINSCAN NXT:1970i et 1980i DUV » nécessiteront désormais une licence du gouvernement néerlandais pour être exportés vers la Chine – il n’y aura plus à passer par Washington. Fin août, des sources de Bloomberg avaient précisé qu’Amsterdam envisageait de ne pas renouveler des licences d’entretien et de fournitures de pièces détachées qui expireront fin 2024. Mais ce point n’a pas été mentionné dans le communiqué du 6 septembre.

Ces dernières semaines, les États-Unis avaient accentué leur pression, en brandissant la menace de leurs règles de contrôle aux exportations. Car si, jusqu’à présent, les Pays-Bas et le Japon ont accepté de jouer le jeu de certaines restrictions américaines sur la base du volontariat, ils pourraient y être contraints par le biais de cette règlementation spécifique. Déployé en octobre 2022 contre la Chine, le contrôle aux exportations permet aux États-Unis d’imposer unilatéralement des contrôles sur les produits fabriqués à l’étranger – donc des vétos sur certaines exportations vers tels pays… à partir du moment où une technologie américaine, aussi minime soit elle, est utilisée dans un produit.

Pris en étau entre les deux puissances, les Pays-Bas ont donc en partie accepté d’étendre ces restrictions. Le Japon n’a pour l’instant pas répondu favorablement à la demande américaine, mais selon Nikkei, Tokyo n’exclurait pas de le faire.

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Stéphanie Bascou
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