« L’IA mondiale doit fonctionner sur des rails américains » : cinq jours après avoir été annoncé par des sources de Bloomberg, l’administration de Joe Biden, sur le départ, a finalement bien porté un dernier coup à l’industrie chinoise. Le ministère du Commerce américain a publié ce lundi 13 janvier sa nouvelle règlementation qui limitera la vente de semi-conducteurs destinés à l’IA à la Chine et à d’autres pays « adverses ».
Dans un document de plus de 200 pages, Washington décrit un tout nouveau système mondial de licences pour les exportations de technologies d’IA les plus avancées. Il s’ajoute aux quatre vagues de restrictions déjà émises depuis octobre 2022, destinées à entraver le développement technologique de la Chine. Depuis des années, Washington a en effet cherché à limiter la capacité des fabricants de puces américains, comme Nvidia et AMD, à vendre des processeurs avancés à Pékin. Certaines règles ont également été étendues aux pays alliés des États-Unis. Cette fois, la nouvelle règlementation vise à garantir que l’intelligence artificielle de pointe soit développée par les États-Unis et par ses alliés, à l’exclusion de la Chine.
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Pays alliés, pays interdits, pays limités
Concrètement, la carte du monde est désormais divisée en trois parties :
- les 18 pays alliés des États-Unis conservent un accès illimité aux puces développées par Nvidia, le géant américain des semi-conducteurs, et d’autres entreprises locales ou alliées. Parmi eux, on trouve le Japon, l’Australie, la Corée du Sud, Taïwan, le Canada, la Nouvelle-Zélande, ainsi que la majorité des pays européens (comme les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, le Danemark, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, la Norvège, l’Espagne, la Suède mais pas le Portugal ou la Suisse) ;
- les pays déjà sous embargo américain sur les armes comme la Chine, la Russie, mais aussi l’Iran, l’Irak, le Soudan, la République démocratique du Congo… ne pourront plus du tout importer ces semi-conducteurs ;
- pour tous les autres pays du monde comme les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite ou encore les pays d’Amérique du sud et d’Asie du sud est, des plafonds limitant le nombre de puces d’intelligence artificielle pouvant être importées sont imposés. Ces pays pourront faire sauter ces limites, en concluant des accords spéciaux avec le gouvernement américain.
Le développement de l’IA sous contrôle américain
Avec ces nouvelles règles, le développement de l’IA restera sous le contrôle des États-Unis et de leurs alliés, et hors des mains d’adversaires qui pourraient l’utiliser pour renforcer leur armée, mener des cyberattaques et menacer les États-Unis, précise le communiqué officiel.
L’objectif est aussi de maintenir les modèles d’intelligence artificielle les plus avancés à l’intérieur des frontières des États-Unis et de leurs alliés, a précisé Jake Sullivan, conseiller du président Biden en matière de sécurité nationale, cité dans le communiqué du Bureau de l’Industrie et de la Sécurité, une agence du Ministère du Commerce américain.
« Nous avons dû investir des centaines de milliards de dollars afin de ramener sur le territoire américain » l’infrastructure nécessaire à la formation de l’intelligence artificielle la plus avancée comme les puces, les batteries et d’autres industries, a-t-il ajouté. Ces nouvelles règles apportent « plus de clarté à nos partenaires internationaux et à l’industrie, et contrecarrent le contournement sérieux et les risques de sécurité nationale connexes posés par les pays préoccupants et les acteurs malveillants qui pourraient chercher à utiliser les technologies américaines avancées contre nous », a-t-il poursuivi.
Un nouveau statut d’utilisateur final validé
Toute commande de puces ayant une puissance de calcul collective ne dépassant pas les 1 700 GPU ne nécessiteront pas de licence, mais pour les autres, il faudra bien respecter les nouvelles normes.
Les entreprises qui ne sont pas localisées dans des pays « interdits » pourront toutefois y échapper à condition de respecter « un ensemble d’exigences de sécurité du gouvernement américain et de normes en matière de droits de l’homme ». Elles obtiendront alors le statut « d’utilisateur final universel validé (UFV) », un statut qui leur permettrait de « développer et de déployer l’IA dans des environnements sécurisés à travers le monde ».
À noter que cela concerne aussi la construction de centres de données dans le monde entier : les entreprises américaines et celles localisées dans des pays alliés devront obtenir une autorisation du Bureau de l’industrie et de la sécurité du ministère du Commerce en cas d’utilisation de technologie américaine. Les nouvelles règles ne s’appliquent pas aux développements des modèles d’IA open source comme le Llama de Meta, indique aussi le communiqué du Département du commerce américain.
Pour Nvidia, c’est une règle « sans précédent et peu judicieuse »
Pour les fabricants américains de semi-conducteurs, ces nouvelles règles saperont la compétitivité américaine. Ned Finkle, vice-président de Nvidia pour les affaires gouvernementales, décrit ainsi cette règlementation comme étant « sans précédent et peu judicieuse ». Dans un article de blog de ce lundi, il estime qu’elle « menace de faire dérailler l’innovation et la croissance économique dans le monde entier ». « Plutôt que d’atténuer toute menace, les nouvelles règles de M. Biden ne feraient qu’affaiblir la compétitivité mondiale de l’Amérique, en sapant l’innovation qui a permis aux États-Unis de rester en tête », précise-t-il.
Cinq jours plus tôt, le leader mondial des semi-conducteurs décrivait déjà « une règle de dernière minute restreignant les exportations à la majeure partie du monde ». De quoi « constituer un changement majeur de politique qui ne réduirait pas le risque d’utilisation abusive, mais menacerait la croissance économique et le leadership des États-Unis ». Les entreprises du monde entier ont désormais un an pour se conformer aux nouvelles règles.
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