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Greyball, le logiciel secret d’Uber pour éviter les contrôles de police

A Paris, Tampa ou Las Vegas, la société de VTC a utilisé un programme pour «protéger ses chauffeurs» mais aussi pour éviter les contrôles.

Uber, déjà montré du doigt ces derniers jours, a avoué en ce début mars 2017 l’existence d’un logiciel secret destiné, notamment, à éviter que ses chauffeurs ne soient contrôlés par les autorités.

La société de VTC a admis avoir utilisé un programme baptisé Greyball après qu’un article du New York Times en ait dévoilé l’existence grâce à des révélations d’employés actuels et anciens. Selon un communiqué de l’entreprise envoyé à l’AFP, « Greyball empêche les demandes d’utilisateurs frauduleux qui violent les termes du service, que ce soit des gens qui veulent s’en prendre physiquement aux chauffeurs, des concurrents voulant perturber nos opérations, ou des opposants qui s’allient aux autorités pour des opérations secrètes visant à piéger nos conducteurs ».

L’entreprise a souligné que le logiciel était surtout utilisé dans des endroits où les chauffeurs craignaient pour leur sécurité, en France, en Inde ou au Kenya notamment, mais seulement « rarement » pour éviter d’avoir affaire aux forces de l’ordre.

Mais selon le New York Times, le logiciel sert aussi pour éviter les contrôles et amendes qui peuvent lui coûter fort cher dans plusieurs villes où certains de ses services sont interdits comme Boston, Las Vegas ou Paris et plus loin en Australie et en Chine.

Vérification de numéros de carte bancaire, geofencing…

Le fonctionnement de ce programme a ainsi été filmé en 2014 à Portland. A cette époque, Uber avait commencé à proposer les services de ses chauffeurs dans la ville sans y avoir été autorisé. Des officiers assermentés avaient alors tenté de commander une course pour constater l’infraction. En vain.

Et pour cause : Greyball fonctionne grâce aux données personnelles des utilisateurs et permet, par exemple, de cibler les personnes travaillant pour les autorités de régulation. Le logiciel leur montre une fausse situation sur leur smartphone, avec carte et des voitures fantômes en mouvement, selon le quotidien new-yorkais.

Le logiciel met aussi hors limites certains bâtiments du gouvernement en utilisant de techniques de geofencing. Une autre manière d’évincer les contrôleurs consiste aussi à vérifier que le numéro de carte bancaire accolé à un client est bien lié à une carte personnelle, et non à un compte gouvernemental ou de la police, précise encore le New York Times.

Au total, le quotidien américain indique qu’Uber avait répertorié une douzaine de signes pour déterminer si un nouvel utilisateur de l’appli était un passager « réel » ou un agent municipal. Et si ces indices ne suffisaient pas, les employés d’Uber allaient chercher en ligne toutes les informations susceptibles de les aider dans cette identification. Et si un utilisateur était reconnu comme travaillant pour les autorités, Greyball associait à son nom un code pour qu’il ne puisse jamais obtenir une course.

Des problèmes éthiques et juridiques

De quoi se poser de sérieuses questions sur l’éthique du programme, car finalement il sert à constituer une base de données de personnes à discriminer, voire sur sa validité juridique puisqu’elle permet à Uber d’éviter les contrôles ! Selon des spécialistes juridiques consultés par le journal, Greyball pourrait être considéré comme une violation de la loi fédérale sur la fraude informatique (Computer Fraud and Abuse Act) ou une obstruction volontaire à la justice.

Plus près de nous, une membre néerlandaise du Parlement européen a écrit à la Commission pour savoir si elle allait enquêter sur la légalité de cet outil. Prenant les devants, Uber a finalement décidé de demander à ses chauffeurs de ne plus utiliser Greyball.

Source :
New York Times

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Cécile BOLESSE