Dans un contexte économique déjà difficile pour les start-up, la grève entamée le 19 février dernier par les juges consulaires des tribunaux de commerce devrait encore plus clairsemer les rangs de l’Internet français.” Cette situation est catastrophique pour les jeunes pousses “, estime Renaud Dragon, greffier responsable du service des procédures collectives au tribunal de commerce de Paris. ” La grève des juges empêche les start-up de se déclarer en cessation de paiements et de déposer le bilan. Elles continuent donc à perdre de l’argent et, comme elles ne disposent plus de fonds propres, sont finalement contraintes d’arrêter leur activité “, ajoute-t-il. (voir encadré ci-dessous)En temps normal, rien qu’au tribunal de commerce de Paris, environ une centaine de demandes de cessation de paiements sont traitées chaque semaine. Et parmi ces entreprises en difficultés, les start-up représentent bien sûr une part de plus en plus importante : ” une petite quinzaine par semaine”, estime Renaud Dragon. Reste qu’avec un tribunal de commerce tournant au ralenti pour cause de grève, beaucoup de ces jeunes pousses risquent de ne trouver aucune autre solution que la fermeture définitive et complète de leur activité…
Les tribunaux privilégient les plans de cession
Sur l’ensemble des tribunaux de commerce français, près de 10 000 affaires sont actuellement en souffrance. Dans la capitale, environ 400 dossiers en attente concernent des entreprises en cessation des paiements, dont 150 qui attendent une ouverture de procédure leur permettant de bénéficier d’un plan de cession.En effet, pour sauver une jeune pousse de la faillite, les administrateurs judiciaires nommés par les juges recommandent généralement un plan de cession. Il s’agit le plus souvent de revendre les actifs de la société à l’un de ses concurrents.Malheureusement, sur Internet, l’essentiel de l’activité est immatérielle et rapidement périssable :“Comme les juges sont en grève, ils ne peuvent pas ouvrir de procédure de liquidation ou de redressement judiciaire. Les jeunes pousses qui ont stoppé leur activité perdent alors leur clientèle et leur raison d’être. Et, au bout du compte, personne ne veut les racheter”, estime Renaud Dragon.
Une procédure d’urgence pour les plus gros employeurs
” Nous traitons tout de même les cas d’extrême urgence, nuance cependant Perette Rey, présidente de chambre au tribunal de commerce de Paris. Il s’agit essentiellement d’entreprises comportant de nombreux salariés, ce qui est le cas de beaucoup de start-up qui ont recruté à tour de bras pour assurer leur croissance “, précise-t-elle.Depuis le début de la grève, une audience a lieu chaque semaine pour ces cas d’extrême urgence. “Lors de la dernière audience, mardi, j’ai traité dix dossiers dont sept étaient des jeunes pousses. Grâce à cette procédure, je pense que nous avons écumé les affaires qui étaient redressables”, estime-t-elle. Mais, pour la vingtaine de jeunes pousses qui n’a pas pu bénéficier de ce régime spécial, il ne restera plus qu’à mettre la clef sous la porte. Sans avoir eu la chance de défendre leur dossier.Autre conséquence de la grève : les juges des tribunaux de commerce ne signent plus aucun document. Or, il n’est pas possible de repousser ad vitam aeternam les actes signés par les juges consulaires. “Les jeunes pousses qui sont en redressement judiciaire depuis le mois de décembre risquent de se trouver rapidement dans une impasse. C’est le juge qui signe le paiement des salariés ou encore les plans de cession. Sans sa signature, tout le processus est bloqué “, explique Perette Rey.
Les plus prévoyants échappent à la grève
Une autre solution ?” pour les start-up n’étant pas encore à court de trésorerie ?” est de recourir au système de la prévention. Une loi de 1984 leur permet ainsi d’obtenir la nomination d’un conciliateur auprès du tribunal de commerce, à titre préventif.Le conciliateur aide alors la société dans ses relations avec les fournisseurs afin de rééchelonner les paiements ou éventuellement trouver un repreneur. Le système de la prévention continue de fonctionner pendant la grève, quitte à régulariser la situation auprès du juge, a posteriori.Le 27 mars prochain, le projet de réforme des tribunaux de commerce élaboré par le gouvernement sera présenté à l’Assemblée nationale. Un certain nombre d’amendements, proposés par la commission des lois de l’Assemblée nationale et contestés par les juges consulaires seront débattus. En fonction de l’issue des débats parlementaires, les tribunaux de commerce débattront, lors d’une assemblée générale le 3 avril prochain, s’il poursuivent ou non leur grève. S’ils décident alors de continuer leur mouvement, de nombreuses start-up risquent la faillite car, le 6 avril, débutent les vacances judiciaires…
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