Impensable il y a six mois, le rachat de Sema Group est aujourd’hui d’actualité. L’acquisition mal négociée de l’éditeur américain LHS, la mise en cause pour délit d’initié d’un dirigeant de cette même société, et deux ” avertissements avant résultats ” auront suffit à remettre en cause la cote de la SSII franco-anglaise auprès des investisseurs. Son titre a plongé et elle est devenue une proie facile pour ses concurrents. L’industriel Schlumberger, en plein développement de son pôle informatique et en discussion avec la Sema depuis quelques mois pour un partenariat, a donc lancé une OPA de 5,7 milliards d’euros en liquide.Une offre qui devrait aboutir, puisque les principaux actionnaires – France Télécom (16,9%), BNP Paribas (5,1%) et les dirigeants de Sema – ont donné leur accord. “Nous n’avons plus le temps d’attendre que les choses se tassent. Nous sommes sous la menace de tentatives de rachat inamicales. En outre, si nous voulons peser au plan mondial, il nous faut atteindre rapidement les 80 000 salariés. Passer sous une structure protectrice nous permet de poursuivre nos ambitions “, assure François Dufaux, directeur général de la SSII.Concrètement, Sema conserve son nom et devient une filiale d’une division de l’industriel. La SSII verra ses ressources renforcées puisque ses 21 700 salariés actuels seront rejoints par 10000 autres, provenant des entités énergie (RMS) et tests et transactions de l’industriel. Ces nouveaux venus gravitent dans des domaines tels que la carte à puce, les logiciels liés aux systèmes de paiement, la publiphonie, la transmission de données, la gestion de réseaux de transport d’énergie, la sécurité des applications… Selon les dernières estimations du cabinet d’étude Pierre Audoin Conseil (PAC), le nouvel ensemble détient un chiffre d’affaires pro forma de 2,75 milliards d’euros en Europe.
Certaines activités seront arrêtées
A priori, la SSII ne perd pas son identité, puisque l’industriel s’est engagé à conserver l’essentiel de ses métiers. “Un rachat par les sociétés américaines intéressées telles EDS ou CSC aurait été beaucoup plus douloureux “, confirme Jean-François Perret de PAC. Certaines activités devraient néanmoins être arrêtées. “Non pas à cause de la fusion, mais d’une restructuration amorcée en amont “, renchérit François Dufaux. Et celui-ci d’évoquer l’infogérance qui bat de l’aile en Allemagne ou en Belgique. A contrario, la première conséquence du rachat sera le développement de secteurs jusqu’alors marginaux au sein de la SSII, tels les transports et la distribution d’énergie (respectivement 15% et 7% du chiffre d’affaires de Sema au premier semestre 2000).Les synergies, quant à elles, concernent d’abord la carte à puce (voir dans ce numéro, notre enquête page 28) et les systèmes de paiement dans les télécoms ou la finance, secteur où Schlumberger recherchait des ressources en intégration de systèmes.Les autres domaines de collaboration potentiels sont moins évidents car minoritaires dans les revenus actuels de la SSII. Mais elle y détient néanmoins une réelle expertise. Dans le secteur de l’énergie, il s’agit, par exemple, de la supervision de réseaux de transport d’électricité ou de gaz (Sema est présent chez EDF-GDF) ou de la création de nouveaux services de facturation. “Mais il faudra attendre la dérégulation du marché pour que cette activité se développe pleinement, souligne Jean-François Perret. Par contre, l’argument d’une synergie possible dans les services parapétroliers est moins convaincant.” La SSII concède d’ailleurs qu’elle possède un seul client dans ce domaine.Reste que la Sema a peu collaboré dans le passé avec l’industriel et qu’une grande partie de ses activités est éloignée des préoccupations de Schlumberger. Même si ce dernier s’est engagé à conserver l’ensemble des métiers de la SSII, leur devenir reste en question. “Il sera difficile à Schlumberger de faire le grand saut, c’est-à-dire rester sur tous les tableaux pour devenir une SSII globale “, souligne d’ailleurs Peter Redshaw, analyste du cabinet d’étude Gartner Group. Ce rachat reflète néanmoins le regain d’intérêt des industriels pour les services informatiques réputés rentables. Des groupes tels que Schneider, Volkswagen, BMW ou Thales en France, par exemple, ont tendance à les valoriser alors qu’ils laissaient jusqu’alors ces activités en jachère.
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