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Grâce au mobile, je travaille plus (et je fume moins)

La vraie révolution technologique a été occultée : ce n’est pas l’irruption de l’Internet dans nos vies, mais, depuis une demi-décennie, celle du téléphone portable !

Le téléphone portable est le meilleur antidote au cancer du poumon. Une très sérieuse étude publiée dans le British Medical Journal le montre : comme ils passent leur temps à téléphoner, les adolescents succombent moins aux charmes du tabac. En 1999, le taux de fumeurs a baissé de 25 % chez les jeunes Britanniques tandis que le nombre de propriétaires de portables dans la même population augmentait de 70 %.Le rapport de cause à effet ? Le téléphone mobile joue chez les ados le même rôle que la cigarette : il occupe les mains, donne l’air adulte et renforce le sentiment d’appartenir à un groupe. En plus, l’argent utilisé n’est plus disponible pour Marlboro… Bientôt, on apprendra qu’en Belgique le portable fait chuter la consommation de pommes de terre (ceux qui ont déjà essayé de manger un cornet de frites en téléphonant à un pote comprendront).Au 31 mars 2001, on recensait en France 31,3 millions d’abonnés au téléphone mobile. Son taux de pénétration est de 52,1 %, trois fois supérieur à celui du Net (19 %).

Un milliard d’utilisateurs de portables dici la fin 2002

Même si Alcatel ou Ericsson souffrent depuis que les ventes ralentissent (normal : comme la télé ou la voiture, le portable n’est plus un marché de premier équipement mais de renouvellement), les chiffres coupent le souffle : un milliard d’individus utiliseront, d’ici la fin 2002, cet objet encore dans les limbes, il y a une décennie.L’automobile a mis trente ans à se généraliser, la télé vingt, le mobile n’en aura mis que trois. Mais contrairement à ce qui s’est passé pour le Web ?” on a crié à la révolution avant qu’elle ait eu lieu ?”, les spécialistes peinent encore à prendre la mesure des transformations qu’il provoque. Pourtant, ces changements ” occultés ” sont aussi révolutionnaires.Les experts attribuent les hausses de productivité spectaculaires des cinq dernières années (jusqu’à 4 % par an outre-Atlantique) aux nouvelles technologies, sans jamais préciser ?” c’est incalculable, paraît-il ?” la part imputable à l’ordinateur, au Net, ou au mobile.

Accroissement de la productivité… et du temps de travail

Or, ce dernier a généré une extraordinaire accélération de la prise de décision, donc des transactions commerciales. Avant de déformer les poches de veston des cadres sup et d’alourdir les sacs à main des superwomen, le mobile est apparu au ceinturon des techniciens de maintenance ou dans la mallette des commerciaux et des artisans, tous ces SBF (sans bureau fixe) dont il a changé la vie. Une enquête Gallup auprès des premiers utilisateurs de portables américains (1993) montrait déjà que l’outil allongeait leur journée de travail de 1 heure 12minutes et leur permettait d’accroître leur productivité de 34 % !Et pour cause : le travail ambulatoire était né. Avec le mobile, tout travailleur consciencieux peut désormais faire plusieurs choses à la fois : négocier avec un client en se rendant chez un fournisseur, résoudre un problème technique en patientant dans une salle d’attente, souhaiter l’anniversaire du frangin en descendant à la cantine.C’est la fin des temps contraints ?” les trajets passés à rêver, les attentes imprévues à pester ?” et des marchés perdus faute d’avoir été joignable. Le temps est densifié, rentabilisé, la rapidité d’intervention décuplée. Au point qu’une nouvelle notion apparaît dans le business : celle de chrono-compétitivité. Même les plus réfractaires à cet instrument barbare et plus m’as-tu-vu qu’une paire de Ray-Ban se sont résignés à prendre un abonnement. On peut choisir de ne pas avoir la télévision chez soi. Mais se passer de portable serait une faute professionnelle.Et qui permet aux entreprises françaises de limiter les dégâts des trente-cinq heures ? C’est encore le mobile. Grâce à ce joujou magique, le travail entre sans douleur dans la sphère privée. Les coups de fil sans fil permettent d’en garder un à la patte. Le vendredi après-midi, le sous-directeur peut se trouver physiquement sur l’autoroute du Sud et professionnellement dans l’usine de Cambrai. “Ma journée de travail se termine lorsque je mets mon portable sur messagerie, à 20 h 30”, entend-on. Ce nouveau cordon ombilical a bien ses effets pervers, attendus ou insoupçonnés. Mais c’est une autre histoire… (suite au prochain numéro).

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Christine Kerdellant