Indestructible. On a tous en tête l’image d’Arnold Schwarzenegger continuant à avancer malgré des membres arrachés dans Terminator. C’est un peu le résultat que des chercheurs français sont parvenus à atteindre avec des robots plus modestes. Des robots capables de s’adapter comme des animaux. C’est sous ce titre que que leur article a créé l’événement au mois de mai dernier dans la prestigieuse revue Nature. Parmi les auteurs, le jeune Antoine Cully, doctorant à l’ISIR (Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique).
Avec d’autres scientifiques, il a passé trois ans à mettre au point un logiciel permettant aux robots de continuer à fonctionner malgré une panne mécanique. A la veille de soutenir sa thèse, il présentait ses travaux ce 26 novembre au forum de l’innovation de la DGA qui participé au financement du projet. Encore un peu surpris face au fort enthousiasme que ses recherches suscitent.
Un robot endommagé ne peut aujourd’hui continuer à fonctionner
Tout est parti d’une simple constatation. « Les systèmes actuels de résilience mécanique se basent souvent sur des diagnostics et des décisions prises par des ingénieurs qui contraignent finalement les capacités d’adaptation des robots », nous explique Antoine Cully. Incapable de continuer à fonctionner même avec des pannes mineures, le robot doit carrément être changé ou au moins retourné à sa base pour être réparé.
Sur le terrain, cela peut aboutir à de véritables catastrophes en cas d’urgence comme abandonner une charge précieuse pour un soldat ou passer plusieurs heures à réapprendre à marcher d’une nouvelle façon. Après la catastrophe de Fukushima, par exemple, certains robots d’assistance n’ont pas pu accomplir leur mission de secours pour cette raison.
S’inspirer des animaux pour rendre les robots résilients
Et c’est là que nos chercheurs ont eu une idée lumineuse : pourquoi ne pas s’inspirer des animaux ou des enfants qui vont instinctivement boiter après s’être foulé une cheville ? De quoi permettre à un robot, même diminué, d’achever sa mission.
C’est bien à ce résultat qu’est parvenu Antoine Cully en laboratoire. Pour mener ses expérimentations, il a choisi deux prototypes de robots : un hexapode dont la mission était de parcourir une ligne droite le plus vite possible, et un bras robotique chargé de remettre une balle dans un panier.
Au niveau matériel, rien de très complexe : une caméra Kinect ou un GPS pour que le robot évalue sa vitesse, un ordinateur embarqué comme un Rasperry Pi et une batterie. Mais pas besoin de localiser la panne. « La seule contrainte finalement, c’est de disposer d’une certaine redondance de moyens. Si vous avez une patte d’immobilisée sur six, vous avez davantage de moyens de vous adapter qu’avec un robot bipède », nous détaille-t-il.
Du machine learning pour s’adapter en quelques secondes
Les innovations se situent au niveau logiciel et leur intérêt se situe à deux niveaux : donner la possibilité aux robots de s’adapter à leur situation en apprenant une nouvelle solution et faire en sorte que cet apprentissage soit ultra-rapide.
« Les techniques d’apprentissage actuelles nécessitent plusieurs heures pour réapprendre à marcher à un robot. Nous, nous y parvenons entre vingt et trente secondes grâce au machine learning ». On peut le voir dans cette vidéo ci-dessous filmée au forum de la DGA. Antoine Cully vient de débrancher l’une des pattes de l’hexapode. Il va presque aussitôt se mettre à boiter et réussir à avancer.
Pas besoin non plus d’une grande puissance de calcul. « Notre algorithme est divisé en deux. La première étape consiste à simuler les différents moyens de se déplacer du robot et à évaluer sa redondance. On ne cherche pas à formuler des hypothèses sur ce qui pourrait lui arriver », détaille Antoine Cully. Ce qui prend environ deux semaines. Au moment où l’on déploie le robot, tout a déjà été calculé à l’avance et à priori.
Les travaux vont maintenant être poursuivis par Jean-Baptiste Mouret, chercheur associé à l’INRIA, qui a encadré la thèse d’Antoine Cully. Durant les cinq ans à venir, il va s’atteler à tester le dispositif sur des robots plus complexes comme des humanoïdes, à l’image d’iCub ou des machines hybrides combinant roues et pattes. « Il faudra aussi expérimenter des tâches plus difficiles comme ramasser des objets et les trier, y compris sur le terrain réel », avance Jean-Baptise Mouret. Et non plus la pelouse jouxtant le laboratoire des scientifiques …
Au niveau des applications, pas de limite. Cela pourrait concerner aussi bien les robots mulets des militaires que les robots d’assistance, les cobots des usines et même les robots compagnons. « Ce serait dommage de jeter ou de remiser son robot compagnon au placard alors qu’il peut encore être utilisé endommagé », conclut Antoine Cully.
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