L’incubateur paneuropéen Gorilla Park a réussi le tour de force de lever 23 millions d’euros (environ 151 millions de francs), auprès de Fortis, un bancassureur belgo-néerlandais, et du capital-risqueur Nesbic Group, filiale de Fortis. Un fait plutôt étonnant quand on sait qu’une crise frappe de plein fouet les incubateurs, ces sociétés ?” souvent jeunes pousses elles-mêmes ?” qui accompagnent le développement des sociétés de croissance. Fin juin, par exemple, Venture Park, une grosse pointure allemande ayant débarqué en France en décembre 2000, a mis la clé sous la porte. L’incubateur, détenu à 36 % par l’agence web Pixel Park, liquide ses filiales. Et rend simplement les 20 millions d’euros encore disponibles à ses investisseurs ! Au début du mois, Ideas Hub, un homologue britannique, décime une partie de son équipe, et se concentre sur son portefeuille. Dans l’impossibilité de lever de nouveaux fonds, l’incubateur ne peut procéder aux investissements prévus. Et les quelques sociétés cotées du secteur n’affichent pas une meilleure figure. CMGI, l’ancien enfant chéri du Nasdaq, voit son cours s’effondrer, de plus de 42 dollars (environ 45,37 euros) lors de son introduction à 1,27 dollar au début du mois de septembre, aux États-Unis. Dans ce contexte, et avant même les événements américains, l’engouement de Fortis et Nesbic avait de quoi étonner.
Un pari très rentable
Peter Daasbeek, directeur exécutif de Fortis, relativise l’exploit : “ Certes, quelques incubateurs ont connu des déconvenues. Mais aujourd’hui, et à condition de croire au concept même d’incubateur, investir dans ce domaine devient une opportunité. Avec le dégonflement de la bulle qui a touché la nouvelle économie, les incubateurs, comme les autres sociétés, connaissent une dévalorisation. Parier aujourd’hui sur ce business modèle peut devenir très rentable. ” La participation de Nesbic étonne moins, puisque le capital-risqueur suit Gorilla Park depuis ses débuts. Il participait déjà au premier tour de table de 12 millions d’euros en janvier 2000, aux côtés de Crescendo Ventures, ABN Amro Corporate Investments, Atlas Ventures, la Deutsche Bank et Goldman Sachs. Tout ce petit monde, rejoint par Cable & Wireless, réitère en septembre 2000 sa confiance à l’incubateur en lui apportant cette fois plus de 42 millions d’euros. Aujourd’hui seuls les Néerlandais persistent et signent. Il faut dire que l’avenir de Gorilla Park ne semble pas tout rose, hors de son pré carré, en France, en particulier. “Nous n’avons pas eu le succès escompté dans l’Hexagone. Nous n’avons jamais pu conclure un seul “deal” depuis notre implantation. Je ne m’explique pas vraiment pourquoi. Peut-être parce qu’il existe déjà de nombreux incubateurs“, commente Jérôme H. Mol, fondateur de Gorilla Park.
Ambitions revues à la baisse
Officiellement l’activité en France est en stand-by, Gorilla préférant se concentrer sur l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède ou les Pays-Bas. L’équipe dirigeante française a été remaniée et six postes supprimés. Des licenciements que Jérôme H. Mol explique par un remaniement total de son modèle économique : “Nous appliquons le même “business plan” depuis nos débuts, à savoir accueillir une start-up, lui prodiguer services, conseils en stratégie et soutien financier pour amorcer ses activités. Mais, nous avons revu nos ambitions en termes de calendrier. Au lieu de mettre sur pied une société en six mois, nous travaillons sur le long terme. Aussi avons-nous moins besoin de forces vives. ” Si la société admet ne pas réaliser encore de bénéfices, elle prévoit un retour sur investissement pour le second semestre 2002. La profitabilité devrait aussi gagner rapidement des sociétés du portefeuille, comme Mooshake, Britannique spécialisée dans les infrastructures internet. Des éclaircies qui ne doivent pas faire oublier que trois des 17 sociétés financées par l’incubateur ont dû fermer boutique.
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