9,8 millions de dollars. C’est ce qu’a payé Google en ajustement pour l’équité salariale, en 2018, à 10 677 employés… dont une majorité d’hommes – sans toutefois préciser le pourcentage concerné. « Une tendance surprenante que nous n’avions pas imaginée », a déclaré Lauren Barato, analyste en chef des salaires pour Google, lors de l’assemblée générale du groupe, fin 2018, comme le rapporte le New York Times.
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— Dave Rubin (@RubinReport) March 4, 2019
Une inversion surprise des inégalités ?…
Un résultat étonnant pour une étude dont l’objectif est de favoriser la diversité. Chaque année, depuis 2012, le département des ressources humaines enquête en interne pour déterminer si les femmes et les personnes issues de minorités sont moins bien payées. Quand des biais sont détectés, les salariés perçoivent une compensation financière pour rééquilibrer la balance.
Cette année, Google a découvert que les ingénieurs informatiques de niveau 4 hommes étaient moins bien payés que les femmes en place au même poste de travail. Il a donc procédé à des réajustements en conséquence pour atteindre l’égalité salariale.
« La compensation devrait être basée sur ce que vous faites, pas qui vous êtes », justifie Lauren Barbato dans une note de blog intitulée « S’assurer que nous payons justement et équitablement », où elle écrit :
« Chaque année, la rémunération de chaque employé est modélisée par un algorithme, en fonction de facteurs liés à son travail, tels que le taux du marché, l’emplacement, le niveau et la performance. Si les managers souhaitent ensuite exercer leur pouvoir discrétionnaire pour ajuster la rémunération modélisée de l’employé, ils doivent fournir une justification claire ».
…non, un déséquilibre structurel
Si l’inversion de l’équilibre est assez surprenante, l’explosion du budget de réajustement l’est tout autant. En 2017, la firme aux couleurs primaires avait réajusté « uniquement » 228 salaires pour un montant total de 270 000 dollars. Un différentiel qui viendrait des changements dans la méthodologie de l’analyse, selon Google dans une note explicative [PDF].
Ainsi, cette année, un critère inédit sur les nouvelles embauches a été ajouté, ce qui représente 49% de la somme globale allouée au réajustement des salaires. Le bassin de personnes interrogées a également été élargi puisque la firme déclare avoir interrogé 91% de ses employés.
Mais cette « surprise » est surtout révélatrice de problèmes structurels. Dans un rapport publié en septembre 2018 [PDF], Melinda Gates pointait du doigt le manque de femmes en général et de femmes de couleur en particulier dans la tech. Les 32 entreprises interrogées – dont Google – déclaraient consacrer 500 millions de dollars par an à la philanthropie, mais seulement 5% de ce budget était dédié à l’inclusion des femmes dans la tech, et seulement 0,1% pour les femmes de couleur. Or, la majorité des employés chez Google sont des hommes (69%), et dans les hautes sphères le pourcentage monte à 75%, selon le rapport annuel sur la diversité du géant de Mountain View.
Face à ce constat, Google tente tant bien que mal de corriger le tir. Par le salaire notamment. Mais les biais sont bien plus profonds.
L’enquête interne vise à identifier les employés sous-payés par rapport à d’autres personnes au même niveau. Mais comment savoir si ce n’est pas le processus d’affectation des employés à des niveaux de travail qui est lui-même biaisé ? Ce concept, appelé « nivellement », permet de s’assurer que les employés soient affectés à la catégorie de salaire appropriée pour leurs qualifications.
Google, une affaire de sexe ?
Et en ces termes, Google a déjà essuyé les pots cassés. Kelly Ellis, une ancienne employée qui faisait partie d’un collectif de personnes qui portaient plainte contre la firme, a témoigné pour avoir été engagée en tant qu’ingénieure de niveau 3, un profil junior, malgré ces quatre années d’expériences. Un choix d’autant plus choquant qu’un de ses collègues embauché quelques semaines plus tard, un homme, au même niveau de compétence, avait été, lui, embauché directement au niveau 4. En conséquence de quoi, il avait un salaire plus élevé et des opportunités de bonus plus grandes. Depuis, la réclamation a fait jurisprudence pour plus de 8 300 actuelles ou anciennes employées de Google.
De nouveau sous les projecteurs de l’inégalité – inversée –, Lauren Barato a tout de même assuré que :
« Notre analyse de l’équité salariale garantit que la rémunération est équitable pour les employés qui occupent le même poste, au même niveau, au même endroit et au même rendement. En revanche, nous savons que c’est de la théorie.
Dans la pratique, cela ne peut pas être exactement le cas. Parce que le nivellement, les cotes de rendement et la promotion ont une incidence sur la rémunération. Cette année, nous prévoyons un examen complet de ces processus pour nous assurer que les résultats soient justes et équitables pour tous les employés. »
En 2017, un autre scandale de genre entachait l’image de l’entreprise. Un ingénieur, James Damore, fait tourner un mémo critiquant la politique de diversité de Google, affirmant que le faible nombre de femmes dans le secteur technologique s’expliquait par des facteurs « biologiques ». A la suite de quoi, il a été viré. Un exemple qui prouve qu’ajuster les salaires ne suffit pas.
Source :
The New York Times
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