Annoncé comme le vélo électrique le plus léger du marché avec seulement 11,9 kg sur la balance, l’Eeyo 1S de Gogoro arrive en France, son pays de lancement. Le spécialiste des scooters électriques a opté pour une stratégie étonnante compte tenu de son inexpérience en matière de VAE. En effet, l’Eeyo est un vélo connecté haut de gamme, à 4699 euros donc bien plus ambitieux qu’un VanMoof S3 ou un Cowboy. Mais peut-on réussir un VAE premium du premier coup et, surtout, est-il possible de réduire autant le poids d’un vélo électrique sans sacrifier ses performances ? Voici nos impressions après quelques jours au guidon de l’Eeyo 1S.
Design : un superbe travail sur le cadre
La beauté d’un vélo pourrait être proportionnelle au nombre de fois où l’on est interpellés dans la rue à son sujet. À ce jeu-là, Gogoro figurerait à coup sûr sur le podium de l’année tant les regards, les commentaires flatteurs et les questions des passants ont émaillé cette prise en main. Pas un trajet sans qu’on s’étonne de voir un vélo « aussi beau » et « électrique en plus ! ».
Il faut dire que Gogoro a bien travaillé son bébé. Un cadré moulé dans une seule pièce au design somptueux, des tubes en carbone profilés au millimètre près et une esthétique globale qui ne fait qu’accentuer l’impression de vitesse et de légèreté, voilà les ingrédients principaux de la recette de l’Eeyo.
À première vue, difficile de deviner qu’il s’agit d’un VAE. Le porté à bout de bras ne donne pas plus d’indications puisqu’avec 11,9 kg sur la balance, le 1S pèse deux fois moins qu’un vélo électrique classique. Tout de même, il y a ce bloc sur le moyeu arrière qui intrigue. Il s’agit d’un disque plus imposant que les moteurs classiques et qui concentre l’essentiel du poids du vélo. Cet élément, c’est la clé de voûte de tout le système Eeyo.
La « smartwheel » est un bloc dans lequel Gogoro a regroupé à la fois le moteur, la batterie, et l’électronique du vélo, capteur de couple compris. Intégrée de manière exemplaire, la smartwheel est la prouesse technologique sur laquelle le fabricant taïwanais va s’appuyer, non seulement pour son 1S, mais aussi pour l’ensemble de ces prochains vélos électriques.
Ce choix définit aussi, en partie, l’utilisation du vélo. En effet, à moins d’emporter sa roue arrière avec soi, il faut considérer la batterie de l’Eeyo comme non amovible. La recharge se fait donc à même le vélo avec une « clé » à induction en forme de mâchoire ou en posant son cycle sur un support vendu en option. C’est à ce genre de détails qu’on comprend que l’Eeyo ne veut pas être un vélo comme les autres. Un vélo haut de gamme certes, mais surtout hautement technologique et baigné d’idées innovantes dont le but est d’en réduire le poids.
Des freins à patins sur du haut de gamme ?
L’équipement est l’un des aspects sur lesquels la recherche absolue de légèreté a le plus de conséquences. En effet, pour abaisser le poids d’un vélo il n’y a rien de plus efficace que de lui retirer tout accessoire jugé superflu. Communément, la première victime c’est l’amortissement. Et pour cause une fourche ou une selle suspendues, voire de larges roues, ce sont autant de kilos que l’on tente de chasser.
Il ne faudra pas non plus s’étonner en constatant l’absence de béquille, de porte bagage ou de tout équipement de confort. Ces absences là sont justifiées par la quête de légèreté de l’Eeyo 1S.
En revanche, il est plus difficile d’accepter ces compromis lorsque la sécurité du cycliste entre en jeu. Or, c’est ce que l’on constate sur les freins. Gogoro a opté pour un frein à disque mécanique à l’avant et pour des freins de type V-brake (deux patins qui viennent pincer la jante) à l’arrière. Ce choix est contraint par le système « smartwheel » qui ne peut cohabiter avec un disque, à priori.
Malheureusement la qualité du freinage s’en ressent, sans même parler du fait de retrouver des freins à patins sur un vélo à près de 5 000 euros…
Une partie logicielle à améliorer
L’Eeyo 1S est un vélo connecté certes, mais Gogoro n’a pas souhaité faire de son application un outil de gestion de son VAE. Bien au contraire, la direction choisie par le Taïwanais est celle de la simplification à l’extrême.
L’application, certes indispensable pour déverrouiller et démarrer le vélo, est dépouillée de toute fioriture et ne permet pas de modifier le comportement du cycle si ce n’est en basculant entre ses deux niveaux d’assistance (éco ou sport). Cette opération se fait de manière très simple en glissant vers le haut (sport) ou vers le bas (éco) le cadran indiquant la vitesse.
D’ailleurs l’application du 1S ne se limite qu’à deux menus principaux, la première interface indique l’état du vélo (en charge ou en mouvement) et permet d’afficher la vitesse. Pour accéder aux paramètres, il suffit de tapoter deux fois sur son écran pour basculer dans la partie gestion qui montre le profil du propriétaire, la version de l’OS et qui donne accès à une FAQ plutôt sommaire. Autrement dit, Gogoro n’a pas souhaité encombrer son application et c’est tant mieux.
Malgré sa simplicité et son apparente pureté l’application ne s’est pas montrée sans défaut lors de notre prise en main. En effet, nous avons rencontré plusieurs difficultés pour mettre à jour notre vélo et, bien plus embêtant, pour le démarrer. En effet, au cours d’une journée de test et malgré plusieurs déconnexions et autres tentatives d’appairage, notre modèle d’Eeyo n’a pas réussi à se connecter à son application rendant son utilisation impossible. Il nous a fallu recharger sa batterie au maximum pour enfin parvenir à déverrouiller le VAE.
Tel est le risque d’un vélo connecté entièrement dépendant de son application et nous en avons payé le prix. Contactées, les équipes de Gogoro nous ont assuré qu’elles travaillaient sur les derniers bugs de leur application et qu’une mise à jour fin octobre devrait régler quantité de petits problèmes de ce genre.
Performances sur la route : explosif mais peu endurant
Finalement, la question primordiale c’est de savoir ce que vaut vraiment cet Eeyo 1S sur la route. Bien évidemment sa légèreté se ressent dès les premiers coups de pédale. C’est au démarrage et à l’accélération que l’Eeyo est le plus impressionnant. Non seulement parce qu’il ne faut que deux tours de roue et demie pour arriver à 25 km/h mais aussi parce que le moteur semble presque s’effacer au cours de cette accélération. En effet, il n’est pas rare, notamment sur des VAE d’entrée de gamme, de bénéficier de moteurs électriques grossièrement réglés et qui offrent leur couple maximal dès le premier appui sur la pédale. La sensation d’accélération y est forte, mais pas naturelle. À l’opposé, sur le vélo électrique de Gogoro la justesse du capteur de couple combinée au poids plume du vélo fait qu’on oublie assez vite l’existence même de l’assistance.
En revanche, il faut un petit temps, d’adaptation pour appréhender la direction du vélo. Non pas que celle-ci soit déficiente, mais du fait de la répartition du poids, situé essentiellement à l’arrière de l’Eeyo, l’équilibre est légèrement modifié. Une fois cette donnée intégrée, la conduite devient un véritable plaisir.
C’est sans doute sur ce terrain que Gogoro est le plus à même d’appliquer son expertise du deux-roues. En effet, nous avons été agréablement surpris par la qualité de la transmission automatique du vélo qui repose essentiellement sur les capacités du capteur de couple et le rendu de la courroie.
Cette machine bien huilée délivre une assistance globalement bien dosée qui n’est mise à mal que lorsque le relief commence à s’élever. En effet, avec ses 20 Nm de couple, le moteur de Gogoro ne fait pas de miracles face à une pente.
Facile à soulever, frustrant à enfourcher
Malheureusement ce tableau plutôt positif comporte une zone d’ombre majeure : le mode de sécurité (« protection mode » dans la version originale). En effet, lorsque le cycliste atteint 32 km/h une notification s’affiche sur l’application annonçant l’activation de ce mode. De quoi s’agit-il ?
Concrètement, une fois cette vitesse atteinte, le moteur du vélo se coupe pour entrer dans un léger sommeil. Dès lors le seul moyen de le réactiver, c’est de redescendre en dessous de 11 km/h. Ce réglage, s’il permet de faire souffler la smartwheel nous paraît être un non-sens.
En effet, 32 km/h c’est une vitesse relativement simple à atteindre pour n’importe quel cycliste, or devoir couper intégralement son effort pour retrouver de l’assistance est tout simplement contre-productif.
Exemple : vous approchez d’une côte relativement ardue pour laquelle l’assistance serait la bienvenue. Si, en vous engageant dans cette difficulté, l’Eeyo roule à plus de 32 km/h, son moteur ne vous viendra en aide qu’après avoir bien fait chauffer vos cuisses, ou si vous décélérez suffisamment.
Nous avons fait part de notre étonnement à l’équipe de Gogoro qui nous a confirmé que ce choix était volontaire et qu’il avait pour but de ménager le couple moteur/batterie.
Quant à l’autonomie, les données avancées par le constructeur nous paraissent très ambitieuses dans la mesure ou nous n’avons pu dépasser les 40 km avec une charge en mode sport là où Gogoro annonce 65 km. Quant au mode éco, prévu pour durer 90 km, la courte durée de notre test ne nous a pas permis de le confronter à la réalité.
Verdict du test
Est-il vraiment possible d’éviter les erreurs de jeunesse lorsqu’on produit son premier VAE ? Malgré toutes ses bonnes intentions et quelques prouesses techniques remarquables, il paraît aujourd’hui difficile de conseiller sans réserves l’achat d’un Eeyo.
Entendons-nous, le 1S est impressionnant de technicité et réalise un exploit industriel en divisant par deux le poids d’un vélo électrique classique.
Malheureusement, les compromis pour arriver à ce résultat sont trop nombreux. Qu’il s’agisse de l’autonomie (40 km), de la puissance (20 Nm) mais aussi de certains choix qui influent sur le comportement du vélo, comme ce mode de sécurité incongru ou la trop forte dépendance à l’application.
Dès lors, malgré son superbe design et son poids record, les 4 700 euros nécessaires à son achat paraissent difficiles à justifier.
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