Chercheur et consultant en matière d’usages des nouvelles technologies, Nicolas Nova est l’auteur d’une thèse à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne consacrée aux médias et aux services géolocalisés. Il prolonge sa réflexion dans un livre, Les Médias géolocalisés, paru aux éditions FYP le 12 juin.
01net.: Comment le grand public s’est-il retrouvé à avoir accès à des outils de géolocalisation, a priori réservés à des usages militaires ou professionnels ?
Nicolas Nova : Au sortir de la guerre du Golfe, les Etats-Unis ont choisi de proposer au grand public leur technologie de localisation par satellite, le GPS. Ces outils n’étaient pas d’une précision très grande, mais l’idée était de pouvoir développer des services derrière, par exemple pour l’intervention des secours, des pompiers… En plus, il faut se rappeler qu’en 1992-1994 débutait tout un discours sur les autoroutes de l’information. On pressentait que toute une économie pouvait se créer autour de cela.
Vous faites un inventaire très large des services de géolocalisation, mais il n’y a guère que les assistants pour automobilistes qui aient rencontré un succès commercial. Pourquoi ?
Les usages grand public semblent se résumer aux assistants pour voiture. Or il existe plein de petites applications sur iPod ou sur ordinateur, mais elles sont très peu utilisées. En revanche, dans le monde professionnel, on constate beaucoup plus d’usages, comme la gestion de flotte de véhicules, de marchandises, etc. Les assistants pour automobile se sont répandus parce que cet usage, qui consiste à orienter les gens dans l’espace, est évident.
On n’a donc pas trouvé d’autres usages « évidents » ?
Exactement. Il existe plein de tâtonnements. Parfois, on rencontre un besoin, mais soit c’est superflu, soit il s’agit d’une niche. On n’a pas encore trouvé de besoin aussi général que celui de la navigation. Ce qui ne veut pas dire que tout ce qui est testé ne soit pas intéressant. De toute façon, les usages qui se développeront ne seront certainement pas ceux qu’on avait imaginés, comme cela a été le cas avec le téléphone.
Dans ce que vous avez pu voir ou tester, qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?
Le premier exemple qui me vienne à l’esprit, c’est un projet universitaire américain de pigeons équipés de puces GPS et de capteurs de monoxyde de carbone qui se baladaient dans le ciel de villes californiennes. Ils permettaient de cartographier la pollution au-dessus de ces villes [grâce à une représentation sur Google Maps, NDLR]. L’idée est de rendre ainsi visible quelque chose qui était invisible dans l’environnement.
Autre exemple, toujours aux Etats-Unis, celui de la géolocalisation des individus dans la ville, pour cartographier, cette fois, des flux de population dans l’espace. Bien sûr, toutes les données sont rendues anonymes, on ne se soucie pas de savoir qui fait quoi. Simplement, on voit où vont les gens et où ils ne vont pas. Du coup, on peut proposer des services pertinents, réorienter les transports publics, rediriger les gens, etc.
Vous évoquez également des applications de géolocalisation pour jouer. Cet usage a-t-il un avenir ?
Quand apparaît une technologie, il y a toujours des gens qui réfléchissent aux usages utilitaires et d’autres qui cherchent quoi faire d’amusant avec ! La géolocalisation permet des chasses au trésor et des jeux de piste dans la ville. On peut aussi imaginer de refaire des jeux déjà connus, comme Pac-Man (1). Mais, au niveau des produits, rien n’existe. Il est difficile, en fait, d’imaginer un jeu avec géolocalisation sur le long terme, qui tienne plus d’une journée.
(1) Le designer hollandais Wim Van Eck a conçu une version du jeu avec des criquets vivants évoluant dans un labyrinthe, dont les mouvements, repérés grâce à des capteurs, sont reproduits à l’écran. Le joueur contrôlant le Pac-Man peut ainsi les localiser à l’écran et les attraper, les criquets étant avertis de son approche par des vibrations sur le plateau du labyrinthe (voir ici).
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