George Hotz est un jeune homme de 26 ans, plutôt discret, qui vit à San Francisco. Si Ashlee Vance, journaliste réputé de Bloomberg, a accepté de le rencontrer sur une simple invitation pour voir sur quoi il travaillait dernièrement, c’est qu’il n’est pas n’importe qui.
Tout du génie
A 17 ans, sous le pseudonyme de GeoHot, il a été le premier à hacker l’iPhone d’Apple pour qu’il soit utilisable avec un autre réseau qu’AT&T, à l’aide d’un fer à souder et de beaucoup de talent. Quelques années plus tard, parce qu’il n’acceptait pas que Sony interdise l’installation d’un autre OS sur la PlayStation 3, il a été le premier à cracker la console de salon jusque-là restée imprenable. Un exploit qui lui a valu le courroux éternel du géant japonais et l’admiration de beaucoup de hackers, geeks et nerds. Depuis il écumait les concours où des hackers doivent découvrir des failles de sécurité contre une récompense. Il en a remporté quelques-uns, sans trop forcer, comme cette compétition coréenne, prévue pour une équipe de quatre, où il est arrivé seul, s’est classé premier et a empoché 30 000 dollars.
Un défi à sa hauteur
Après de tels états de service à quoi peut bien s’être attaqué GeoHot ? A rien de moins qu’au point de conjonction de technologies les plus trapues, révolutionnaires et prometteuses du moment, la voiture autonome.
« Beaucoup de sociétés font vraiment un travail décevant », affirmait-il provocateur devant Ashlee Vance. Avant d’ajouter que parfois, la seule chose qu’il faut, c’est « un regard nouveau». Un domaine où Geohot pourrait tenir lieu de référence.
Alors qu’après des centaines de milliers de kilomètres engrangés, Google commence à vouloir apprendre à ses voitures autonomes comment conduire davantage comme des humains, Geohot a pris le parti d’apprendre à sa voiture autonome comment conduire en imitant les humains, d’emblée.
Après avoir développé un modèle d’intelligence artificielle nouveau, il l’a exposé à seulement dix heures de conduite humaine, en guise d’exemple. Pourquoi dix heures ? Parce que ça ne fait qu’un mois que son « prototype » physique a pris forme, celle d’une Acura ILX. Evidemment, la berline de luxe, bien équipée en capteurs de série, a été quelque peu modifiée.
Mieux que Tesla, pour l’écran tout au moins
Tout d’abord, il a fallu à Geohot installer des boîtiers pour intercepter les informations du système de bord et pouvoir envoyer des commandes au véhicule. Sont ensuite apparus l’habituel Lidar sur le toit et une caméra accrochée au rétroviseur intérieur. Il a ensuite travaillé à faire en sorte de pouvoir contrôler, donc de pouvoir conduire sa voiture depuis un joystick enfiché sur une planche connectée à des dizaines de câbles qui courent dans l’habitacle, vers le coffre, où se trouve l’ordinateur et sa batterie, et principalement vers la boîte à gants béante. C’est là qu’il a installé un mini PC, qui tourne sous Ubuntu, un switch réseau et les capteurs GPS. Entre le siège du conducteur et celui du passager, un écran de PC de 21,5 pouces en mode portrait : « Tesla n’en propose qu’un de 17 pouces », ironisait GeoHot devant le journaliste de Bloomberg.
A termes, le hacker prodige entend bien en faire commerce au travers de sa société Comma AI, créée pour l’occasion. Sur son site minimaliste, la jeune structure ne promet pas moins que du « ghostriding pour tous », une appellation moins pompeuse que celle de voiture autonome, mais qui veut finalement dire la même chose. Une dénomination qui peut, en plus, être lue comme une double référence. A la culture geek, à celle du Web, d’une part, quand les conducteurs se filment descendant de leur voiture alors qu’elle roule encore pour la laisser avancer seule, sans personne derrière le volant. Et à la « ghostrider » d’Anthony Lewandowski, d’autre part. Cet autre génie, comme nous le rappelait à juste titre Woeflsy, un de nos lecteurs attentifs, en commentaire, a créé la première moto autonome dans le cadre d’un concours pour la Darpa, avant de travailler pour Google et ses fameuses Cars.
Des ambitions démesurément mesurées
Pour l’instant GeoHot n’entend pas s’attaquer à Google ou même à Ford, BMW et autres géants qui investissent lourdement dans ce marché en devenir. Mais il ne vise pas moins haut pour autant. Il semble vouloir tenter de secouer des sociétés comme Mobileye, dont la technologie permet à des voitures comme les Tesla de proposer une fonction Autopilot. Clairement, le hacker veut faire mieux que Mobileye en construisant un kit comprenant six caméras, similaires à celles qu’on trouve dans les smartphones et qui coûtent environ 13 dollars, pour les placer autour de la voiture, au rétroviseur, à l’arrière, etc. Le but est évidemment de supprimer les angles morts. Une caméra fisheye serait placée au sommet de la voiture, sur son toit.
Vient ensuite le logiciel, qui n’est pas la moindre affaire. Pourtant la partie intelligence artificielle ne semble pas l’inquiéter. Après un passage dans une des start-up les plus pointues dans le domaine, il résume ainsi les choses : « Je comprends les papiers sur l’état de l’art » de l’Intelligence artificielle. « Les maths sont simples. Pour la première fois de ma vie, je me dis : ‘’Je sais tout ce qu’il y a à savoir’’ ».
On a beau être forcément sceptique, son approche est suffisamment convaincante pour qu’Elon Musk ait cherché à l’embaucher pour récupérer son projet, selon Ashlee Vance. Une offre que GeoHot a poliment déclinée pour construire sa propre aventure et sa propre solution.
Il pense d’ailleurs la vendre soit aux constructeurs automobiles, soit aux particuliers eux-mêmes. Il estime en tout cas que l’ensemble caméra et logiciel pourrait ne coûter que 1000 dollars, là où l’armada de capteurs actuels nécessaires coûtent une vraie fortune.
Un premier défi
Conscient qu’il est très attendu et qu’il a tout à prouver, GeoHot a indiqué à Bloomberg qu’il diffusera dans quelques mois une vidéo où son Acura fera mieux qu’une Tesla S sur une autoroute.
Car pour l’instant, celui qui a fait trembler Apple et Sony entend limiter ses ambitions à une autonomie restreinte à certains types de route, comme les voitures d’Elon Musk. D’ailleurs ce petit défi revêt un double intérêt à ses yeux. D’une part, prouver que sa technologie fonctionne et, d’autre part, lui permettre de remporter une sorte de pari, passé avec le fondateur de Tesla lui-même… Rendez-vous est donc pris pour dans quelques mois.
Si seul le temps dira où sa voiture autonome le conduira, GeoHot a tout d’un Steve Wozniak du 21e siècle… Celui qui a opéré en marge de la légalité et reconnaît vivre par la morale et non les lois, va toutefois devoir jouer le jeu cette fois-ci. Comme Steve Wozniak a ses débuts. GeoHot a peut-être, en plus, un zest de Steve Jobs pour le bagout, la volonté d’ouvrir la techno au plus grand nombre et l’art de créer le buzz. Il y a pire comparaisons…
Source :
Bloomberg
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