Les entreprises spécialisées dans l’IA cherchent à obtenir le maximum de données pour entraîner leurs modèles. Et il arrive manifestement trop souvent que ces données proviennent de contenus protégés par le droit d’auteur et pour lesquels ces sociétés n’ont pas obtenu d’autorisation — du pillage, pour être clair.
La musique, c’est difficile
Pour leur défense, ces groupes invoquent le « fair use » (l’usage équitable ou droit à la citation). Mais plus d’une fois, leurs chatbots génèrent des contenus très proches des contenus originaux, que ce soit des articles de presse, des images, ou du son. En juin 2024, la startup Suno était visée par une plainte de l’industrie du disque américain, avec à la clé des sanctions pouvant se monter à plusieurs milliards de dollars.
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Mikey Shulman, le CEO et cofondateur de Suno, est sorti du bois pour le podcast 20VC, afin d’expliquer l’objectif de son entreprise : « Nous ne voulions pas simplement créer une entreprise qui rendrait les créateurs actuels 10 % plus rapides ou qui faciliterait la création musicale pour 10 % des personnes. Si vous voulez avoir un impact sur la manière dont un milliard de personnes vivent la musique, vous devez créer quelque chose pour un milliard de personnes ».
Chacun devrait donc avoir l’opportunité de créer de la musique. Jusqu’ici, tout va bien mais comme pourrait le dire n’importe quel guitariste amateur, la musique, c’est difficile, frustrant et compliqué. « Ce n’est pas vraiment agréable de faire de la musique aujourd’hui […] Cela prend beaucoup de temps, beaucoup de pratique, et il faut maîtriser un instrument ou un logiciel de production », déclare le dirigeant. « Je pense que la majorité des gens ne prennent pas vraiment de plaisir pendant la majorité du temps qu’ils consacrent à créer de la musique », assène-t-il aussi.
Mikey Shulman déplore que l’industrie du disque s’attaque à son entreprise, car il croit fermement qu’elle permet à plus de gens de créer et d’apprécier de la musique, ce qui au bout du compte ne pourra que profiter à cette même industrie. Et il a peut-être raison, mais cela ne l’exonère pas de demander l’autorisation d’exploiter les catalogues des maisons de disques, en payant les droits le cas échéant…
L’argument voulant que faire de la musique soit quelque chose de pénible n’en reste pas moins étonnante. Car comme pour toute activité intellectuelle (chanter, écrire, développer un app/un jeu vidéo…) ou physique (sport, bricolage, poterie…), cela prend du temps avant d’arriver à quelque chose de potable, et encore plus de sacrifices pour être bon ! Mais le voyage est tout aussi important que la destination, et il y a quelque chose de l’ordre du plaisir aussi à apprendre un instrument de musique.
Le CEO cherche à déplacer le débat de l’exploitation des données non pas sur le pillage des œuvres — ce dont l’accuse l’industrie de la musique — mais sur celui de l’accessibilité et de la démocratisation de la création musicale. Une ligne de défense qui ne répond pas à la question cruciale : est-il éthique et légal de bâtir un modèle commercial en s’appuyant sur des œuvres protégées, sans compensation adéquate pour leurs créateurs ?
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Source : 404media