“Toute la musique que j’aimeu…” : le PDG de Vivendi-Universal, Jean-Marie Messier, pourrait être tenté d’utiliser ce tube inoxydable pour vanter l’offre du futur service de téléchargement musical concocté par Universal et Sony Music. Mais quel que soit le talent de Johnny, il n’est pas du tout sûr que les internautes se bousculent pour s’abonner à ce juke-box internet payant, dont le lancement est prévu dans les semaines qui viennent.La même désaffection menace Music Net, le service concurrent que projettent d’ouvrir dans les mêmes délais Warner Music, BMG et EMI. C’est en tous cas l’avis, très tranché, du Gartner Group. Une étude publiée le 29 août par l’institut américain (*) apporte un son de cloche discordant dans la partition idéale que souhaitent jouer les majors du disque en matière de musique en ligne. Selon Gartner, qui a interrogé un échantillon représentatif de 4 000 personnes, la grande majorité des 156 millions d’internautes américains ne sont pas du tout disposés à sortir leur carte bancaire pour télécharger des morceaux qu’ils obtenaient jusque-là gratuitement : un quart d’entre eux écoutent régulièrement des fichiers musicaux récupérés sur le net, mais seulement 6 % auraient acheté un morceau de musique en ligne ces trois derniers mois… Les majors auront beau jeu de répliquer que l’offre musicale payante était jusque-là trop pauvre pour séduire le consommateur et que les choses vont changer avec la mise en ligne massive de leurs catalogues, à grand renfort de publicité. Faux, répond P.J. McNealy, l’analyste qui a coordonné l’étude : “Ces chiffres prouvent que les consommateurs n’ont pas encore accepté de payer pour télécharger des morceaux sur internet, et il est peu probable que le pourcentage d’acheteurs de musique en ligne augmente avec l’apparition de ces nouveaux services”, tranche-t-il.
La seule chance : l’union
C’est la première fois qu’une étude menée à grande échelle soulève de tels doutes sur l’avenir des futurs services de téléchargement payants, projetés par les grandes maisons de disque. Gartner ne se risque d’ailleurs à aucune prévision chiffrée, contrairement à Jupiter MMXI pour qui la musique en ligne devrait générer un marché de 8,6 milliards de dollars (9,37 milliards d’euros) à l’horizon 2005.Pour l’analyste de Gartner, la seule chance de réussite des majors passerait par l’union : “Si les “Big Five” veulent réellement vendre de la musique en ligne, elles doivent se mettre d’accord pour adopter une plateforme standardisée, simple d’utilisation et fonctionnant sur tous les terminaux.” À Hollywood, cinq grands studios de cinéma sur sept viennent précisément de se ranger à ce constat de bon sens.Mais pour l’heure, les deux coalitions de l’industrie musicale sont chacune bien décidées à gagner la bataille de ” l’après MP3 “, et ont mis au point des solutions de distribution sécurisées propriétaires. Press Play reposera ainsi sur l’infrastructure technologique du site MP3.com, dont Vivendi Universal vient de boucler l’acquisition pour 372 millions de dollars, Microsoft fournissant de son côté son lecteur multimédia Windows Media Player. En face, Music Net a choisi de s’appuyer sur l’ex-ennemi public numéro 1 Napster (tombé dans l’escarcelle de Bertelsmann pour la bagatelle de 60 millions de dollars), le player étant cette fois fourni par Real Networks. Côté distribution, Press Play sera le service musical payant privilégié de Yahoo et MSN, tandis que Music Net sera massivement relayé par AOL.
Napster, petit challenger ?
En ordre de bataille, les deux camps ne sont pas à l’aube d’un Yalta. Le 27 août dernier, lors de sa dernière conférence de presse, Jean-Marie Messier a rejeté dédaigneu- sement l’éventualité d’un rapprochement avec le camp adverse en qualifiant au passage Napster de ” petit challenger “. Têtu, le Gartner Group prédit que la raison l’emportera avec une ” standardisation ” des offres de musique en ligne pour 2004.(*) Un résumé de l’étude est disponible sur le site www.gartner.com.
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