En 2013, Jean-Réné Fourtou verra sans doute certains de ses voeux exaucés : Vivendi pourrait arriver à vendre ses opérateurs télécoms au Brésil et au Maroc. Mais, pour parachever un désengagement des télécoms, il faut aussi sortir de SFR. Et là, c’est une autre paire de manches. Le groupe a recruté deux banques conseils pour l’aider sur ce sujet épineux – il s’agit apparemment de BNP Paribas et de Goldman Sachs. Mais les obstacles se multiplient.
Le gendarme de la concurrence s’y oppose
Premier problème : obtenir un feu vert du gendarme de la concurrence, qui sera obligatoirement consulté sur toute vente de SFR. Or, ce n’est pas gagné, car il refuse certaines combinaisons. « Certaines configurations de rapprochement se heurteraient à un refus net de notre part. Elles seraient strictement impossibles. Nous veillerons à maintenir la concurrence », déclarait ainsi à la presse son président Bruno Lasserre le 13 décembre 2012.
Et une fusion entre SFR et Free se verra opposer un tel veto. C’est ce que l’Autorité de la concurrence a répondu à Vivendi et Free, qui sont récemment allés, chacun de leur côté, sonder de manière informelle le gendarme de la concurrence sur une fusion SFR-Free.
Car, malgré les dénégations de Free, des discussions préliminaires ont bien eu lieu il y a quelques semaines sur une telle fusion. Selon des sources industrielles, le gendarme de la concurrence leur a répondu qu’il n’accepterait pas une telle fusion, en raison du poids du nouvel ensemble sur le marché du mobile et surtout de l’ADSL. En effet, la combinaison de SFR et Free détiendraient la moitié du marché de l’accès à Internet, qui deviendrait dès lors un quasi-duopole avec Orange. Ce veto a apparemment gelé les discussions avec Free.
Bolloré émet des critiques
L’Autorité de la concurrence n’a pas été sondée sur une fusion avec Bouygues Telecom, mais sa réponse serait sans doute la même.
Conclusion : pour passer sous ses fourches caudines, la seule solution est de marier SFR avec un acteur plus petit (comme Numericable), voire carrément absent du marché (tel que Vodafone ou l’égyptien Naguib Sawiris).
Les négociations avec le câblo-opérateur se poursuivent donc toujours. « C’est la piste la plus active actuellement. Les négociations portent sur les valorisations respectives, la gouvernance et les possibilités de sortie de Vivendi à terme », dit un banquier. Selon plusieurs sources, « le courant passe bien entre Jean-René Fourtou et Patrick Drahi », principal actionnaire de Numericable.
Le schéma initialement envisagé impliquait de lever huit milliards d’euros de dette, dont cinq milliards de soulte versée à Vivendi. Le nouvel ensemble sera donc lourdement endetté, mais les partisans du projet soulignent les importantes synergies générées par un tel rapprochement: un milliard d’euros, selon Le Figaro. Mais d’autres trouvent ce chiffre bien trop optimiste.
En effet, l’essentiel des synergies doit venir de l’utilisation du réseau du câblo-opérateur pour proposer du très haut débit aux clients de SFR, qui n’aurait pas ainsi à investir dans son propre réseau de fibres optiques. « Mais étant donné le lent démarrage de la fibre en France, ces synergies mettront du temps à se concrétiser », dit un acteur du dossier.
Surtout, Vincent Bolloré n’est visiblement pas encore convaincu d’un tel deal. Selon des sources industrielles, l’industriel breton, coopté au sein du conseil de surveillance lors de la réunion du 13 décembre, a, dès ce premier conseil, émis des objections sur le schéma proposé de rapprochement avec Numéricable. Le premier actionnaire du groupe, avec 5 % du capital, a estimé que le schéma exposé au conseil n’était pas assez favorable à Vivendi. Il aurait donc été décidé de reformuler différemment le deal.
Fourtou, président à vie ?
On ne sait pas précisément sur quoi portaient les objections de Vincent Bolloré. Le nouvel homme fort de Vivendi jugeait peut-être les synergies prévues trop optimistes, ou l’endettement du nouvel ensemble trop lourd. Sans doute, son calendrier est aussi différent de celui de Jean-René Fourtou. Comme son passé le montre, il sait être un investisseur très patient. Or, la valorisation actuelle de SFR (qui est de loin le plus gros actif de Vivendi) est actuellement très basse. Le breton pourrait donc logiquement se demander si c’est vraiment le bon moment pour sortir de SFR.
De son côté, Jean-René Fourtou semble un peu moins patient, même si le groupe répète « ne pas être pressé ». C’est peut être une question d’âge : à 73 ans et demi, le président du conseil de surveillance de Vivendi a 13 ans de plus que Vincent Bolloré. Mais il semble en pleine forme et peut rester à vie au conseil de Vivendi. En effet, les statuts du groupe ne fixent aucune limite d’âge dans l’absolu, et interdisent seulement que plus d’un tiers des membres du conseil ait plus de 70 ans.
Mais sans doute Jean-René Fourtou a-t-il aussi conscience que l’incertitude sur l’avenir de Vivendi ne peut durer éternellement. Le flou est total depuis le départ du président du directoire Jean-Bernard Levy mi-2012. Et une date butoir pour une clarification a été implicitement fixée à l’assemblée générale du 30 avril 2013.
Interrogés, Vivendi, Free et l’Autorité de la concurrence se sont refusés à tout commentaire, de même que la porte-parole de Vincent Bolloré, qui répond juste que « les discussions tenues en conseil de surveillance sont strictement confidentielles ».
Source : BFM Business
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