La Commission européenne a donné son feu vert. Les autorités antitrust américaines aussi. Chacun retient maintenant son souffle en attendant le vote final. Car “la fusion du siècle” entre HP et Compaq est loin d’être entérinée. Voilà quatre mois qu’opposants et partisans bataillent pour rallier un maximum d’actionnaires à leur cause. Aujourd’hui, les deux camps sont au coude à coude. Le sort en sera jeté la semaine prochaine ?” le 19 pour les actionnaires de HP, et le 20 pour ceux de Compaq. Sur fond de guéguerre d’actionnaires, c’est du bouleversement du paysage informatique dont il s’agit. Avec des conséquences fâcheuses pour HP, que la fusion se fasse ou non.
Un mariage à risque sur le terrain du PC
Pour justifier le rachat de Compaq, les responsables de HP expliquent que “le monde informatique traverse non seulement une période de consolidation, mais aussi de standardisation autour de technologies comme l’Itanium, Linux et Windows.” Le rachat de Compaq permet donc de “s’assurer de la meilleure position sur ces standards” et de réaliser “d’importantes économies d’échelle”, tant en matière de production que de recherche et développement. Mais les opposants à cette fusion estiment qu’elle manque de vision stratégique. Ils s’inquiètent de l’énorme effort que représentera l’intégration de Compaq. Pour eux, HP prend un énorme risque, d’autant qu’il s’expose davantage aux faibles marges du marché du PC. Le constructeur serait plus avisé de travailler sur ses propres forces ?” les serveurs et les imprimantes ?” tout en développant des services à forte valeur ajoutée.Il faudra maintenant attendre l’issue du scrutin pour savoir qui a su être le plus convaincant. Si la fusion est votée, tout devrait aller très vite. HP et Compaq ont réuni quatre cent cinquante de leurs dirigeants dans une “salle blanche” pour travailler à l’intégration : organisation des équipes, définition de la stratégie produits, unification des systèmes informatiques, etc. L’objectif étant d’être en ordre de marche dès le 1er avril. Le nom Compaq sera alors rayé de la carte informatique, et quinze mille employés des deux entreprises seront licenciés. Côté produits, le mot d’ordre est clair : si deux gammes sont redondantes, l’une devra disparaître. En micro-informatique, le nouvel ensemble reprend, sur le papier, la première place mondiale à Dell. Mais il serait prématuré d’additionner les parts de marché. Dell, IBM et NEC se réjouissant déjà de cette difficile période de transition.Côté serveurs, en revanche, il faut s’attendre à un grand ménage. HP entend migrer l’ensemble de son offre sur puces Intel et ne retenir ainsi que Windows, HP-UX et Linux. Là encore, le nouvel HP devra gérer une transition vers les standards tout en accompagnant ses clients actuels. Ce qui laisse des opportunités à des concurrents comme Dell, IBM ou Sun.Le nouvel HP n’échappera cependant pas à une crise interne. La famille des fondateurs, qui mène le groupe des opposants à la fusion, pourrait progressivement se désengager de HP, risquant de faire chuter le cours. Les héritiers étant très respectés par les employés, leur retrait pourrait aussi induire un malaise au sein des troupes.
De graves conséquences si le non l’emporte
En revanche, si les actionnaires rejettent la fusion, les responsables qui travaillent dans la fameuse “salle blanche” devront brûler tous les documents communs, voire parfois changer de poste. Aucun plan de secours n’étant prévu, HP et Compaq retourneront à la case départ : deux constructeurs à la croisée des chemins, qui peinent à identifier leur c?”ur de métier et ce qu’ils souhaitent défendre. Ils pourraient alors faire ce que beaucoup attendaient : se soigner d’abord avant de chercher des opportunités de croissance externe.Mais, là encore, la crise interne est inévitable. Désavouée, Carly Fiorina devra démissionner, entraînant avec elle une grande partie du conseil d’administration, ainsi que plusieurs grands patrons. HP entrerait dans une période d’incertitude à la recherche d’un nouveau PDG… et d’une stratégie. Une situation que beaucoup d’actionnaires craignent plus encore que la fusion.
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