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Fréquences : plus qu’une simple affaire de spécialistes

Depuis l’avènement du téléphone mobile, la gestion du spectre hertzien est sortie de l’ombre pour entrer dans le vocabulaire et les m?”urs du grand public. Débordant le cadre européen, elle nécessite une vision et des décisions à long terme.

La gestion du spectre hertzien, pourtant très technique, intéresse de plus en plus de non-techniciens. Le sujet a pris de l’importance en termes d’usages dans notre vie quotidienne, et la valeur économique et sociétale de cette ressource rare est de plus en plus évidente aux yeux des décideurs ?” comme cela s’est produit, de manière excessive, lors des attributions de licences UMTS ; et, de façon plus naturelle, dans les débats autour de la couverture du territoire par les réseaux cellulaires actuels et la prévention des risques associés.C’est sans doute au début des années 80, avec le développement des radios libres, que le concept de fréquence radio associé à un service est peu à peu entré dans le vocabulaire et les m?”urs du grand public. Auparavant, ce n’était vraiment qu’affaire de spécialistes qui passaient une bonne partie de leur vie professionnelle à discuter avec leurs homologues européens et mondiaux de la bonne façon de découper le spectre en tranches pour l’utiliser de manière optimale. Puis, la décennie 90 a achevé de familiariser le concept, avec l’extraordinaire essor du téléphone mobile, en Europe et dans le monde, dû au succès sans précédent de la norme européenne GSM.

Une ressource rare

Chacun sait, désormais, que, derrière le fonctionnement d’équipements tels que les portables, la radiotélévision ou les satellites, il y a cette ressource hertzienne. Ce que l’on sait moins, c’est que cette ressource rare est soumise à une réglementation contraignante. Et pourtant, on est parfois témoin de phénomènes justifiant une telle prise de conscience : brouillage de son téléviseur par un cibiste, déclenchement intempestif de l’alarme d’une maison voisine en ouvrant son garage, perturbation de la sonorisation d’une salle de réunion par les systèmes GSM, entre autres.Les fréquences radioélectriques sont bien une ressource rare dont l’utilisation est presque toujours partagée. Cela justifie les normes techniques prescrites aux industriels ainsi que les règles d’installation et d’usage à respecter par les opérateurs et les utilisateurs. On constate à cet égard une certaine évolution sur le plan européen, visant à réduire au minimum les contraintes techniques sur les équipements, qui peuvent, de plus, être commercialisés partout, même si on ne peut les utiliser dans tel ou tel pays parce que la bande de fréquences considérée est affectée à d’autres usages. La France a récemment fait valoir sa position pour rappeler que certaines considérations liées à la Défense et à la sécurité publique pouvaient notamment amener les États à encadrer, voire limiter, cette libéralisation.La gestion du spectre hertzien, qui devient de plus en plus européenne, sinon mondiale, nécessite une vision et des décisions à long terme autorisant idéalement l’introduction de nouveaux systèmes, après avoir eu le temps de remplacer leurs prédécesseurs obsolescents. La réalité est parfois différente, du fait de l’accélération du rythme d’innovation et du caractère de plus en plus global de l’industrie des radiocommunications. Il convient d’avoir alors des instruments offrant la possibilité de piloter un peu plus à vue et d’accompagner des opérations de renouvellement devenues urgentes.En France, le fonds de réaménagement du spectre, géré par l’Agence nationale des fréquences (ANFR), joue ce rôle et a ainsi permis d’aider les forces armées à libérer par anticipation des fréquences pour l’UMTS et pour les appareils à faible portée de type Bluetooth. L’abondement de ce fonds, aujourd’hui discuté annuellement avec la direction du Budget, pourrait se faire sur une base moins aléatoire, dès lors que son utilité est reconnue de tous, en y affectant, par exemple, une partie des quelques centaines de millions de francs de redevances annuelles de fréquences.

La “folie” UMTS

L’utilisation de fréquences est, en effet, comme l’a précisé la loi de janvier 1989, qui a créé le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), une occupation privative du domaine public et, à ce titre, peut être soumise à redevances, même s’il faut, en la matière, prendre garde aux excès… et distinguer responsabilisation des utilisateurs et extraction d’une rente au profit des exploitants.Amener les utilisateurs de fréquences à ne pas gaspiller une ressource rare, en leur faisant payer un “ticket modérateur”, peut être compris comme un outil efficace de régulation. Chercher à maximiser ces redevances au profit du budget de l’État, parce que des exploitants seraient prêts à payer, relève d’une autre logique, et les “folies” européennes autour de l’UMTS en 2000, dont nous percevons encore les secousses aujourd’hui, montrent qu’il faut manier ces sujets avec prudence. En tout état de cause, certaines missions gouvernementales, liées notamment à la Défense et à la sécurité publique, justifient que des fréquences soient réservées à ces usages, qui ne peuvent être comparés aux usages commerciaux en matière de coût du spectre.La tarification des fréquences fait régulièrement couler beaucoup d’encre, notamment lorsqu’il est question de l’appliquer au secteur de l’audiovisuel. Nul doute que ce sujet fera encore débat dans les prochains mois avec les décisions à prendre sur la télévision numérique de terre. “* Directeur adjoint des télécommunications et de l’informatique au ministère de l’Intérieur

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Jean-Claude Jeanneret*